Test de Chorus : la guerre d'une étoile rebelle
On se souvient de Deep Silver Fishlabs pour sa série de space shooters Galaxy On Fire (principalement sur mobile et parfois adaptés sur console comme Galaxy On Fire 3 : Manticore). Cette fois, le développeur met la barre haut avec un jeu de plus grande envergure, lancé simultanément sur Windows PC, Xbox One, Xbox Series X, Playstation 4, Playstation 5, Google Stadia, ce 3 décembre.
Un décollage réussi
Chorus n'est pas seulement lancé sur plus de plateformes de jeu, c'est aussi une belle évolution de ses prédécesseurs : ce space shooter à la 3ème personne se veut très scénarisé, muni d'une vraie exploration teintée d'accents paranormaux. Il faut avoir des réflexes comme dans tout bon shooter, mais aussi de l'habileté dans certains endroits étriqués et parfois réfléchir un peu pour venir à bout de certains ennemis ou débloquer l'accès à certaines zones.
L'histoire (sans spoiler)
On a testé le jeu sans être assidu sur l'actualité, alors la surprise d'un scénario aussi présent a été très bien accueillie. C'est plutôt bien écrit, le rythme est bon et on se laisse facilement immerger dans la rébellion de Nara, le personnage principal. Ne vous attendez pas à un Mass Effect, car Chorus n'a pas pour vocation d'être un RPG et n'a pas de scénarios alternatifs ni de décisions majeures (il existe quelques choix mineurs cependant). De plus, on s'attache peu aux PNJ. Cependant, ces derniers ne sont pas des jetons jetables de l'histoire : on en retrouve certains à de multiples reprises et il est agréable de constater qu'ils ont de vraies émotions, des liens, qu'ils ne sont pas seulement là pour vous refiler le sale boulot avec une récompense à la clef. L'immersion est plutôt bonne et réussie.
Nara est un personnage principal qui fonctionne, elle n'est ni un parangon de justice volant au secours de la veuve et l'orphelin, ni une rebelle stéréotypée qui cherche à s'affirmer à tout prix ni une héroïne fade sans sentiment ni impact.
Nara est pilote d'élite au service du Cercle et elle réalise que son Grand Prophète, avide de pouvoir, fait sombrer le culte dans le chaos et la tyrannie. Le poids de sa culpabilité la pousse à déserter et même à abandonner son plus fidèle compagnon, Forsaken, un vaisseau doué de conscience. Dans son abandon du passé, Nara a également scellé ses "rites", des pouvoirs mystiques qu'il faut retrouver tout au long du jeu. On apprécie le duo Nara/Forsaken, dont le lien affecte même les dialogues complétés par l'un ou l'autre et les Rites ne sont pas une surcouche superflue, ils sont même au cœur du gameplay.
Nous voilà loin du bastion du Cercle, dans le système Stega, au sein de l'Enclave, une faction de réfugiés fuyant le Cercle et menée par Sav, un homme avenant, mais quelque peu torturé par ses décisions. Le répit ne dure pas, car le culte du Cercle s'étend pour "purifier" les infidèles avec leurs pouvoirs et machines corruptrices et Nara n'a pas d'autre choix que de faire face à ses anciens alliés et à ceux qui l'ont façonnée, elle et son vaisseau.
En incluant les missions secondaires et un peu d'exploration, vous avez de quoi vous occuper 25-30 heures.
Magie magie, et vos idées ont du génie
Pardonnez le petit rappel culinaire, mais les pouvoirs ("rites") qu'on acquiert dans le jeu ont bel et bien du génie, car il faut les utiliser pour résoudre quelques petits problèmes. Si les mots puzzle game vous hérissent le poil, rassurez-vous : c'est mineur et pas aussi récurrent qu'un Zelda (pour la comparaison avec les "temples", peu nombreux sur Chorus, mais tout aussi cruciaux).
Par exemple, pour ouvrir certains passages, il faut frapper dans un certains laps de temps des piliers magiques. Et leur disposition fait qu'il faut utiliser votre pouvoir de drift (c'est à dire dériver pour vous permettre de vous laisser glisser latéralement tout en tirant), faire volte-face très rapidement, accélérer à toute vitesse via un autre pouvoir ou encore détruire certains obstacles spéciaux, etc. Ces pouvoirs peuvent aussi vous permettre de vous téléporter derrière un (petit) vaisseau, soit pour l'abattre plus facilement, soit pour passer au travers d'un champ magnétique infranchissable par des moyens normaux.
Tous ces pouvoirs utilisent de l'énergie qui se recharge au fil du temps, il faut donc les utiliser avec parcimonie.
On a aimé tout ce côté mystique de Nara tant dans son apparence (tatouages sur le visage et effets visuels lors de l'utilisation de ses pouvoirs) que dans l'utilisation de chuchotement lors de ses pensées (l'intégralité des dialogues est doublée en anglais, le français est disponible pour les textes). Ceci renforce l'ambiance paranormale saupoudrée de sentiments post-traumatiques et de peurs, non sans rappeler Senua (Hellblade : Senua's Sacrifice), et l'évolution des pouvoirs est vraiment bien intégrée et utile. Ils permettent aussi une immersion accrue grâce aux "souvenirs" que Nara peut visionner de temps en temps.
Variété du contenu
Côté exploration, on a cinq grandes zones (dans l'espace, pas sur les planètes) dotées de divers lieux remarquables (stations, épaves, lieux naturels, temples...). Le jeu n'est pas découpé en missions instanciées, vous pouvez naviguer librement dans le monde au rythme qui vous convient, chaque zone étant reliée par des portes de saut (déverrouillées au fil de l'histoire). L'aspect en trois dimensions est bien présent, la ligne d'horizon est là comme guide principal, mais la verticalité est utilisée pour les combats, objets et passages, on n'est pas sur rails. On peut même parfois entrer dans de gros vaisseaux ou structures, mettant vos talents de pilote à l'épreuve.
Les quêtes. Le sujet est lâché : ces tâches qui tachent et qui fâchent souvent.
On vous arrête tout de suite, il n'y a aucune quête du type "tuer X ennemis Y] ou "ramener tant de [composant X] possédé par [ennemi Y]" ou encore les fameuses "quêtes FedEx". Ici, on a des défenses d'alliés, des escortes, de l'infiltration, de la poursuite et parfois de la collecte via vos pouvoirs, mais le tout est bien intégré et il n'y a pas de schéma "prendre la quête au PNJ puis revenir une fois les objectifs remplis" (il est rare de revenir au PNJ, il est généralement avec nous au cœur de l'action). Le tout sans fenêtre de texte qu'on passe sans lire, tout est doublé (en anglais, sous-titres en français) et sans interrompre l'action puisque ce sont des dialogues tout au long de la mission. Ces missions peuvent être refusées et faites à n'importe quel moment. Les récompenses sont généralement de la monnaie, mais parfois bien plus utiles comme des améliorations de vaisseau voire des armes et objets aux pouvoirs spéciaux introuvables en boutique.
On a aussi parfois ce qui est communément nommé "événements dynamiques", c'est-à-dire des mini quêtes optionnelles qui apparaissent aléatoirement. Elles sont assez peu variées (défendre des alliés, attaquer un petit groupe d'ennemis, récolter des débris, dépanner un vaisseau...), mais elles sont courtes et constituent une petite source rapide et simple de monnaie... mais vous pouvez aussi y trouver des améliorations de vaisseau (rare) ou des extensions de pouvoir (les missions du type fermer des failles).
Bref, de bons points, le sentiment de "bouche-trou" n'est pas trop présent, la variété est au rendez-vous et certaines quêtes sont intéressantes à suivre.
Les combats
Les sensations sont bonnes. Votre vaisseau est rapide et doté de maniabilité supplémentaire via les "rites" à débloquer, les armes sont variées (3 types : gatling (efficace sur les coques de vaisseaux), laser (efficaces sur les boucliers), missiles (efficaces sur les blindages), ayant chacun des caractéristiques multiples comme la cadence de tir, la surchauffe, le rechargement, etc.). Il est appréciable qu'on puisse changer un peu le gameplay de chaque arme grâce à ces caractéristiques (par exemple renoncer à la cadence rapide pour plus de dégâts), mais aussi les objets auxiliaires renforçant le vaisseau (surtout via des bonus spéciaux puissants variant en fonction du nombre d'objets du même ensemble). On regrettera l'absence de templates pour changer rapidement de gameplay selon le type de cible et l'apparence du vaisseau qui ne change pas beaucoup malgré un arsenal fourni.
Le type de cible, parlons-en. Certains ennemis vous donneront plus de fil à retordre, car ils sont plus rapides ou larguent des mines, sont protégés par un bouclier, sont blindés ou encore, pour les plus gros vaisseaux, toute une stratégie pour atteindre leur cœur et les détruire, avec des tourelles à abattre, des générateurs externes et internes (vous devrez donc entrer habilement à l'intérieur !) et pas toujours de la même manière : c'est là que vos pouvoirs interviennent pour détecter les objets à détruire. Au fil du temps, vous devez vous adapter à vos nouveaux pouvoirs, car vos ennemis sont de plus en plus coriaces ou vous demandent plus de mobilité, en particulier les boss...
Parfois, on peut piloter un plus gros vaisseau et la sensation lourde et lente se fait bien sentir, tout en ayant des armes plus destructrices. Pas de séquences à pied en revanche, on est tout le temps à bord d'un vaisseau.
Voici une séquence où on peut voir plusieurs éléments de gameplay de mission et de combat :
- 0:00 cinématique
- 0:55 escarmouche ennemis simples puis ennemi à bouclier nécessitant esquives et différents types d'armes
- 2:10 utilisation du premier Rite (pouvoir) pour détecter les traces des vaisseaux de réfugiés cachés
- 4:15 exemple de choix mineur pour la suite de la mission
- 8:50 utilisation de la téléportation pour bypass un bouclier et entrer dans un vaisseau
- 10:18 protection d'un convoi de réfugiés
Parlons technique
Ce test a été réalisé sur PC, avec la configuration suivante :
Système d'exploitation : Windows 10
Processeur : Intel® Core™ i5-8600K
Mémoire vive : 16 Go
Carte Graphique : Nvidia® GeForce® RTX 2070 SUPER™
La configuration requise & recommandée (d'après Steam) :
Verdict : très fluide ! Aucun ralentissement, ni bug graphique.
Concernant les graphismes, pour 2021, on peut s'attendre à mieux, surtout du côté des personnages et de leur animation (on note l'effort sur les animations faciales de Nara, mais le résultat n'est pas toujours très heureux et d'une manière générale, certaines cinématiques renvoient à un sentiment oldschool). Cependant, l'ensemble est tout de même correct et propre.
L'interface est bonne, non invasive et claire, les menus ne sont pas trop nombreux à s'en noyer et efficaces, sans souci d'étapes trop nombreuses pour certaines actions ni de gros souci d'ergonomie. La navigation de la carte pourrait être légèrement améliorée, mais largement utilisable et suffisamment claire pour s'orienter. Tout est parfaitement lisible, pas de souci de texte trop petit (bien qu'il soit regrettable que seuls les sous-titres puissent être redimensionnés), coupé ou autre et la traduction française est plutôt bonne.
Du plomb dans l'aile
Le jeu n'est pas exempt de défauts. S'ils ne sont pas trop rebutants, certains gâchent un peu l'expérience de jeu et certaines attentes ne sont pas satisfaites.
Quelques bugs
Pas de chance, on s'est retrouvés bloqué dès les 10 premières minutes par un bug rencontré plusieurs fois, mais résolu via une mise à jour (disponible dès le lancement). Les courses de vaisseaux ont des indicateurs parfois persistants et dont la relance en cas de course perdue devient laborieuse. Les souvenirs sont parfois énervants à déclencher, car il ne faut ni être trop près ni trop loin (et on est vite trop proche). Côté traduction, les coquilles sont vraiment très mineures, principalement des textes mal formatés (on n'en a noté que 3 dans tout le jeu). Bref, pas de quoi s'alarmer, on n'est pas dans l'impossibilité de jouer, ni dans les crashs intempestifs (aucun rencontré sur une quarantaine d'heures de jeu). Espérons tout de même que ce soit vite réglé.
Les sauvegardes
Le jeu possède des sauvegardes automatiques, et heureusement, car on ne peut pas sauvegarder en cours de mission. Ceci a été frustrant à plusieurs reprises, car certaines missions ont plus de segments que d'autres et parfois c'est un peu long. En outre, si vous quittez une mission en cours de route, vous devez refaire tous les segments et certains sont intenses ; on aurait aimé avoir des pauses entre deux. Il est facile de quitter par mégarde une mission en cours, donc faites attention.
Vous pouvez également avoir plusieurs sauvegardes, mais vous ne pouvez pas les nommer, donc attention à ne pas écraser la mauvaise par mégarde. S'il est de plus en plus rare de cumuler les différentes sauvegardes, avoir la possibilité de le faire plus clairement aurait été plus agréable.
Le dosage de la difficulté
La plus grande partie du jeu est facile, voire trop facile à cause de certains pouvoirs. Exemple : la téléportation derrière un (petit) vaisseau, encore plus dévastatrice couplée à un autre pouvoir qui neutralise la cible quelques secondes (annulation des boucliers + désorientation), ajoutez un +50% de bonus de dégâts par derrière d'un des ensembles d'équipement et l'écrasante majorité des ennemis ne tient pas plus de 5 secondes... tout en étant utilisable presque à volonté avec d'autres bonus qui permettent de récupérer de l'énergie. Ceci est utilisable sur 80% des ennemis.
Heureusement, le gameplay est suffisamment riche pour varier les plaisirs, mais aussi les bonus cumulés au fil des combats alors pensez-y !
Il manque aussi quelques batailles de plus grande envergure, on a rarement plus d'une douzaine d'ennemis à la fois, le plus souvent ce sont des escarmouches ou par vagues. Certains ennemis spéciaux et boss sont par contre vraiment difficiles, ce bond dans la difficulté est parfois énervant et la mort arrive alors très rapidement sans compréhension de la situation. Heureusement, la mort n'est pas très pénalisante... sauf si vous choisissez la mort permanente (optionnelle). Mais de manière générale, il manque un peu plus de contenu lié à cette faction des "sans-visage" (ceux qui ont corrompu le culte du Cercle), on a très peu de boss vraiment originaux.
La musique
Si la musique de l'écran titre est belle, le reste est quasi absent. C'est sans doute voulu, pour ne pas être entêtante et mettre en valeur les sensations lors de l'exploration spatiale (grands espace, le silence du vide...), mais des musiques plus dynamiques auraient été appréciées en combat (elles sont vraiment discrètes), surtout dans cet univers futuriste, voire jouer dessus lors des épreuves mystiques et exploration des temples. La dernière zone, pourtant beaucoup plus urbaine, ne fait pas exception et ne possède pas de musique d'ambiance, c'est vraiment dommage, car le studio nous a déjà proposé de bonnes bandes-son.
L'exploration
L'exploration est limitée à l'Espace, autour de champs d'astéroïdes ou à proximité de planètes, mais jamais sur lesdites planètes et trop peu de structures permettent leur exploration. Il aurait été encore plus immersif de voir les dégâts du culte ennemi sur les planètes et leur environnement. L'impact de la corruption par les pouvoirs du Cercle n'est que peu visible et peu explicite (hormis les temples), ce sont des éléments visuels qui auraient pu être davantage exploités. Il manque un peu de renouveau dans l'ambiance de chaque zone, il aurait peut être fallu mettre l'accent sur les lumières (Everspace le fait très bien malgré l'intégralité de l'exploration dans l'Espace également) et les phénomènes physiques (on saluera néanmoins la première zone et ses astéroïdes anormaux et le champ d'orages).
Les objets et lieux cachés sont également assez peu nombreux, malgré le sentiment de liberté avec ces grandes zones ouvertes. Les zones d'activité auraient pu être plus vivantes également, les structures semblent vides et inertes. Il est également étonnant que les courses ne soient pas répétables (deux lieux sont exploités, mais à usage unique), voire même avec des règles plus cruelles (utilisation des armes autorisée) plutôt courantes dans un monde oppressé où la survie repose sur la fuite d'un ordre tyrannique, de rebelles, pillards et pirates. Il manque également un impact sur le monde, il est complètement figé.
On embarque ou pas ?
Bien sûr, et on en redemande ! C'est un joli bond en avant depuis les Galaxy On Fire, c'est soigné, bien qu'on aurait pu pousser un peu plus sur certains aspects. Le jeu est vraiment agréable à prendre en main et on se laisse facilement porter par l'histoire et son duo héroïne/vaisseau dont l'alchimie fonctionne bien. Certaines missions se sont révélées étonnamment bien intégrées, on n'a pas l'impression de ne faire qu'enchaîner des quêtes pour une récompense. Les pouvoirs de Nara sont au cœur du gameplay et les sensations de combat sont bonnes. La durée de vie du jeu est honorable si on prend un peu le temps d'exploiter tout ce que le jeu offre, en ligne droite cependant, il risque de s'avérer un peu court, on reste un peu sur notre faim par rapport à ce qu'il aurait pu être. Toutefois, Chorus mérite une belle place parmi les jeux du genre.
Test réalisé sur PC par JNH grâce à une version fournie par l'éditeur.
Plateformes | Google Stadia, PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, Xbox One, Xbox One X |
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Genres | Tir à la première personne (FPS), futuriste / science-fiction |
Sortie |
2021 |
Réactions (13)
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