Test de This is the President - à la poursuite du totem d'immunité

Contre l'establishment ; pour le 28è amendement

Les élections 2020 sont terminées, la fête bat son plein avec l'annonce des résultats qui ouvrent une nouvelle ère pour les États-Unis d'Amérique : vous êtes le nouveau président élu et c'est le début de quatre belles années aux côtés de votre épouse Ellie à la tête de la Maison-Blanche au service du peuple américain. Votre discours de victoire est l'occasion de faire les premières promesses pour votre premier terme et d'établir la direction de votre présidence, épaulé par l’inénarrable Tony Estaba dans un rôle de vice-président avec un enthousiasme qui n'a d'égal que l'adoration à votre égard. Quatre années pour changer l'Amérique en profondeur ; quatre années pour la rendre meilleure ; mais surtout quatre années pour... Faire voter et adopter un amendement protégeant un président de toute poursuite judiciaire et lui garantissant une immunité totale. La Première Dame vous rappelle dès la sortie de votre premier discours devant la Nation votre objectif commun et les étapes principales à moyen et long terme pour parvenir à vos fins : il s'agira de gagner le cœur du peuple américain en montant au plus haut dans les sondages pour être en mesure de faire voter ce 28è amendement via les représentants de chaque État.

Bien évidemment, c'est plus facile à dire qu'à faire : les adversaires politiques sont nombreux, y compris dans votre propre camp ; au-delà de l'apparence publique il faudra faire des tractations en coulisses, soudoyer, menacer, voire aller encore plus loin pour réduire au silence des personnalités qui en savent un peu trop sur votre passé et votre compte. Avez-vous les épaules pour endosser le lourd manteau de la présidence ?

Moi, président

Il serait compliqué de s'occuper des affaires courantes tout seul, il faut donc se mettre en quête d'une "équipe de rêve" pour être bien entouré et occuper les postes vacants de son administration. Avocats, journalistes, représentants des médias, influenceurs, hackers ou encore gros bras garniront les rangs de votre équipe et seront très fortement utiles pour manipuler l'opinion de façon légale ou moins légale : les avocats seront d'ailleurs en première ligne pour écrire de très précieux décrets garantissant de gros gains dans les sondages à condition de financer (fortement) leur lobbying. Le point central est de gérer votre caisse noire sous couvert d'une fondation fantoche pour payer vos subordonnés et financer vos activités occultes : il est régulièrement nécessaire de chercher des sources de financement, en acceptant des pots-de-vins ou en envoyant des employés remplir des missions auprès de généreux donateurs - nationaux ou internationaux...

Le fil rouge du mandat reste de gagner cette opinion publique si précieuse pour faire voter le 28ème amendement, et de nombreux événements ont lieu (un par mois en moyenne) pour marquer des étapes importantes : tractations avec des membres de votre parti, manipulations pour placer des hommes de confiance dans des État clés, rencontre avec des dignitaires internationaux... Attention cependant à vos décisions, car elles ont très souvent des conséquences sur la suite du mandat : trahir un partenaire mène à des représailles et des événements particuliers (surtout au niveau international), alors que collaborer avec le même partenaire change totalement l'issue pour mener à d'autres événements en votre faveur (apports financiers ou missions d'employés supplémentaires par exemple). Quatre ans, ça paraît court, mais en réalité c'est très long !

On va nettoyer l'adversité au Kärcher

Entre deux événements il faut donc aussi occuper son équipe, mais aussi assurer les affaires quotidiennes en prenant des décisions rapides sur des sujets insignifiants en pagaille (décorer la Maison Blanche à Halloween, autoriser le VP à sniffer une ligne de coke dans le Bureau Ovale, bannir l'usage de trottinettes...), avec des conséquences inévitables sur les sondages là encore. Tout est question de popularité et le défi de monter à 90% d'approbation n'est pas une partie de plaisir quand le simple fait de renforcer les contrôles dans les aéroports à l'approche de Thanksgiving pour stopper le terrorisme vous fait perdre de précieux points.

De manière plus générale, le jeu s'organise comme un jeu de stratégie en tours ; les décisions à prendre pour développer votre pouvoir sont encadrées mois après mois et les missions et objectifs restent seulement disponibles pendant un nombre de tours limités. Chaque membre de votre équipe possède cinq points d'action qui peuvent être utilisés pour remplir des missions secondaires ou pour intervenir dans des missions plus directes en apportant leur expertise personnelle dans leur domaine. Par exemple, pour empêcher un concurrent de participer à une élection, un gros bras peut le menacer directement ou s'introduire chez lui pour l'intimider en dévalisant son domicile ; un voleur peut subtiliser des preuves dans le même appartement ; un hacker s'occupe de fouiller son ordinateur pour obtenir de précieuses données ; un avocat le menace de poursuites ouvertement ou non ; un spécialiste des médias lance une campagne diffamatoire ou propage des rumeurs sur son compte... Beaucoup de possibilités, mais cependant peu d'entre elles garantissent un bon résultat.

Il est nécessaire de bien calculer à l'avance l'organisation de l'équipe, qui elle-même peut vous mettre des bâtons dans les roues indirectement : trop surmener vos troupes grille leurs forces et ils ne pourront plus agir avant d'être reposés. Régulièrement, ils demandent aussi des augmentations de salaires pouvant aller du raisonnable au complètement fantaisiste, au risque de devoir les laisser partir en claquant la porte - et ils ne reviendront plus. Des conflits entre eux peuvent même survenir si vous les envoyez sur des missions en groupes et ils ne pourront plus travailler de concert sur des missions avant d'avoir sollicité une société spécialisée dans les médiations de conflits ; au pire, ils peuvent même exiger le licenciement de leur collègue faute de quoi eux-mêmes partiront... Diriger une équipe n'est clairement pas de tout repos et il faut ménager les susceptibilités et jouer souvent à l'équilibriste.

Mon test est en retard ? You are fake news !

Sorti en toute discrétion début décembre sur les bonnes crèmeries numériques en même temps que les mastodontes Halo Infinite et Final Fantasy 7 Remake Intergrade comme pas mal de ses petits camarades indés, This is the President est un jeu assez plaisant avec des graphismes soignés, des petites cinématiques sous forme de succession d'images fixes assez correctes et des musiques parfois surprenantes, mais pas trop omniprésentes. Le concept du jeu est bien fichu, les différents embranchements assez malins même si le fil rouge reste strict : l'objectif principal reste toujours le même et il ne faut pas s'attendre à avoir plusieurs fins différentes (sauf un game over). Pour la forme, il est aussi possible de débloquer des missions / objectifs annexes servant à récupérer de vieux biens amenant une manne financière non négligeable pour vos vieux jours à la fin de votre mandat. Il ne faut pas non plus s'attendre à aller trop en profondeur dans le système politique américain : on n'est pas dans House of Cards et on ne fait qu'effleurer la surface des complexités politiques du pays de l'oncle Sam.

Pour pouvoir tester différentes solutions, il vous faudra un bon paquet d'heures ; parfois, il est tellement frustrant de rater un objectif qu'il faut recommencer le mois, voire plusieurs mois, pour changer une décision plus en amont (je vous le dis tout de suite : faites très attention à vos finances, surtout à l'approche de Noël où toute votre équipe est éligible à un bonus très conséquent !). De mon côté, j'ai fini le jeu en une trentaine d'heures en essayant et en réessayant de très nombreuses fois certaines missions pour avoir le meilleur résultat possible, mais il doit être possible de largement réduire, jusqu'à une vingtaine d'heures de jeu, avec de bonnes décisions.

L'humour du titre est bien dosé, entre les péripéties de ce bouffon de vice-président et les relations avec certains diplomates, des missions déglinguées et des objectifs quotidiens suggérant que les développeurs ont arrosé régulièrement l'avancée du jeu. Cependant, anglophobes s'abstenir, le jeu n'étant disponible que dans cette langue et en russe. En définitive, le jeu a un équilibre plutôt bien pensé même s'il n'est pas exempt de bugs (cinématiques ne se lançant pas, des écrans noirs, missions qui ne se terminent pas, événements en boucles...) et le système de jeu peut être assez rébarbatif. De mon côté, j'ai passé un bon moment, mais j'ai néanmoins été soulagé que le jeu ne soit pas plus long qu'il ne l'est : il faut bien le prendre pour ce qu'il est, sans prétention majeure, mais un bon passe-temps.

Test réalisé sur PC par Bardiel Wyld à partir d'une version fournie par l'éditeur.