Les fondations de Sinnoh

Légendes Pokémon Arceus se déroule en Hisui, qui est l’ancien nom de la région de Sinnoh, théâtre des aventures des très appréciées versions Diamant et Perle (ainsi que leurs remakes très fidèles sous-traités en fin d’année dernière par ILCA). Le scénario se déroule donc dans le passé, avec un protagoniste qui se réveille, amnésique, sur une plage vêtu d’un t-shirt et d’un short fortement anachronique. On le comprend assez vite, le personnage que l’on incarne arrive du futur et a pour mission de résoudre l’étrange phénomène de failles spatio-temporelles qui met le bazar dans toute la région. Parce qu’il faut le souligner : à cette époque, humains et Pokémon vivent séparément et ces créatures sauvages sont maintenues à l’écart d’une ville fortifiée répondant au nom de Rusti-Cité.

Cette ville est la seule que l’on trouve dans Légendes Arceus. En effet, contrairement aux jeux classiques, on est ici dans un système proche des Monster Hunters ou d’un Guild Wars premier du nom. Les zones sont séparées par des écrans de chargement et Rusti-Cité est le centre névralgique de vos aventures. Nouvelles quêtes, marchands, fabrication d’objets, entraînement divers : tout est présent pour, ensuite, partir en exploration dans des zones très grandes. L’absence d’un réel monde ouvert peut décevoir, mais le tout est bien rendu : les visites en ville ne sont nécessaires que pour faire avancer l’histoire et il est tout à fait possible de s’approvisionner en objets et même de soigner et récupérer ses Pokémon sans quitter la zone. À vrai dire, ce système de hub est sans doute la meilleure solution qu’ils avaient à disposition.

Une technique d'un autre âge

Il faut le dire, un monde totalement ouvert aurait été très compliqué à rendre, surtout quand on voit les faibles performances de ce Légendes Arceus. On ne va pas y aller par quatre chemins : visuellement, le jeu est indigne d’une production de 2022. Les textures sont d’une pauvreté affligeante, les arbres ont 20 ans dans les pattes et les distances d’affichage sont catastrophiques, a fortiori quand on se déplace sur la monture volante. Game Freak est une boîte qui tient à rester une “entreprise à taille humaine”, mais ça n’excuse pas la faiblesse visuelle de ce jeu. Quand on voit un Breath of the Wild sorti il y a 5 ans, la douleur est encore plus vive. Comment ce jeu sorti aussi sur Wii U est en mesure de le surpasser ? Le partage des savoirs et des technologies ne semble pas être à l’ordre du jour chez Nintendo et c’est bien dommage. Cependant, ça met en exergue le seuil de tolérance de chaque personne : est-ce que cette faiblesse graphique est rédhibitoire pour lui donner sa chance ? Certaines resteront bloquées ici. Les autres, moins pointilleuses, le jugeront pour sa capacité à être amusant.

La vie à l'ancienne

Il faut bien le dire, Légendes Pokémon Arceus est un jeu extrêmement fun si on aime l’exploration et la capture. Pour la toute première fois, il est possible de capturer les Pokémon en les voyant, sans changement d’écran et sans lancer de combat. Pour cela, de nombreux outils sont à disposition, comme des baies, qui attirent les gourmands quelque part, des potions, qui rendent les pas plus silencieux ou des bombes fumigène pour se cacher. Sans compter les buissons, ou les rochers, qui sont des abris naturels. Mais attention ! Certaines espèces sont agressives et n’hésiteront pas à vous attaquer, rendant la traque parfois assez haletante. On se prend très vite au jeu de capturer des Pokémon sans délai et avec une fluidité exceptionnelle. Là où on était habitués à des longs chargements, des notifications à tour de bras ou des attaques à apprendre après avoir passé un niveau, tout se fait par des menus très simples d’accès disponibles à tout moment. Sur cet aspect, il sera très difficile de revenir à l’ancienne formule.

Les combats d'antan

Les combats sont toujours présents dans Légendes Pokémon Arceus, mais ils sont bien plus en marge que d’habitude. Tout d’abord, le système a été revu. Les objets tenus ainsi que les Talents ne sont pas là, et le système d’IV et d’EV a disparu au profit de quelque chose de moins stratégique, mais qui a le mérite de permettre de rendre parfait n’importe quel Pokémon capturé, sans demander un farm long en plus ! Les affrontements sont plus rythmés, avec des animations rapides et particulièrement soignées, mais surtout : ils ne reprennent pas le mode d’opération connu. Si, historiquement, les deux concurrents choisissaient leur action en même temps, on est désormais sur du pur tour par tour qui enlève toute notion d’anticipation. À la place, les Pokémon interagissent l’un après l’autre, le tout étant modifié par les statistiques de Vitesse et les styles de combat employés, Puissant (plus lent) et Rapide (plus rapide). Il faut le dire, ce système ne fonctionnerait pas pour faire des combats JcJ, mais ce n’est pas un problème ici, vu que cette fonctionnalité est inaccessible. L’ensemble des modifications colle extrêmement bien avec ce jeu qui mêle exploration et combats sans chargement et le calcul statistique empêche de rouler sur le contenu, même en ayant des Pokémon de plus haut niveau, ce qui est une excellente chose. 

L'histoire de nos ancêtres

On s’en rend compte assez vite, le scénario n’est qu’un prétexte pour explorer et capturer des Pokémon. L’histoire n’est pas exceptionnelle et beaucoup de questions restent en suspens, mais voir Rusti-Cité se développer et s’agrandir au fur et à mesure de la progression est quelque chose d’assez gratifiant. Et il y a d’ailleurs de la personnalisation puisque, par exemple, un paysan qui vous demande de lui apporter un Pokémon Eau pour arroser ses champs le gardera avec lui, tout comme le Chenipotte du garde que vous verrez évoluer petit à petit. Progressivement, humains et Pokémon apprennent à cohabiter. Du point de vue du lore, de très nombreuses références et easter eggs sont présents et c’est très agréable si on s’y intéresse de près.  

L’histoire principale demande de calmer des Pokémon vénérés, nommés Monarques, qui sont devenus fous. Pour cela, il faut les affronter dans des combats très orientés action, demandant pour la première fois dans l’histoire de la saga principale de mémoriser des patterns et d’esquiver au bon moment. Et force est de constater que certains d’entre eux proposent un peu de challenge.

Pour parvenir à ces bosses, certains Pokémon précis servent de monture. Cerf sauteur, oiseau planeur, poisson nageur, ils se débloquent petit à petit et permettent d’explorer des lieux auparavant inaccessibles. Et pourquoi pas de capturer l’une des nouvelles formes régionales introduites par cette version.

La lassitude passée

Se promener dans des espaces vastes, explorer les moindres recoins, capturer des Pokémon, c’est l’essentiel du contenu de Légendes… et donc, il est possible de trouver le système répétitif et lassant à la longue. Il n’y a pas grand-chose à faire à côté puisque les combats ne sont pas très utiles et, de surcroît, il n’y a pas besoin de maximiser les niveaux des Pokémon. Boucler les deux premières parties du scénario est intéressant et se fait sans trop forcer, mais le boss final, lui, demande de capturer l’intégralité des Pokémon. On retombe dans l’augmentation artificielle de la durée de vie avec l’un d’entre eux qui n’apparaît qu’en récompense d’une quête qui demande de retrouver 107 flammes disséminées dans tout le jeu. Cela n’amusera pas tout le monde, loin de là.

Le mot de la fin

Game Freak est souvent fustigé pour ne prendre aucun risque et ne pas innover, mais un énorme pas en avant a été fait avec ce Légendes Arceus. Tout n’est pas parfait pour ce premier jet mais cette déclinaison mérite de devenir une série parallèle permettant d’explorer le monde Pokémon du passé en offrant un style de jeu plus dynamique et plus orienté action. Même s’il a ses défauts, que l’on parle de ses performances ou de sa répétitivité, il marque le début de quelque chose pour la série Pokémon. La 9ème génération, un vrai monde ouvert annoncé tout récemment pour la fin de l’année, ferait bien de s’inspirer des points forts de cette version annexe, comme sa fluidité ou ses captures en temps réel. Une chose est certaine : il y aura un avant et un après Légendes Arceus et il sera très compliqué de faire comme s’il n’avait jamais existé.

Test réalisé par Malison sur une version fournie par l'éditeur.