Test de Chrono Cross: The Radical Dreamers Edition - Un brillant J-RPG dans un écrin terni
Plus de vingt ans après sa sortie sur la toute première PlayStation, Square Enix nous propose enfin un remaster de son légendaire J-RPG, et pourtant jamais sorti en Europe, Chrono Cross. Nommé symboliquement Chrono Cross: The Radical Dreamers Edition, le jeu débarque enfin chez nous sur PC, PlayStation, Xbox et Switch. Retour sur un remaster très attendu.
Il y a vingt-deux ans de cela sortait au Japon l’improbable suite de l’illustre Chrono Trigger : Chrono Cross. Chapeauté par le trio Masato Kato au scénario (Chrono Trigger, Xenogears), Hiromichi Tanaka à la production (Final Fantasy, Secret of Mana, Xenogears) et Yasunori Mitsuda à la composition (Chrono Trigger, Xenogears, Xenoblade), ce J-RPG avait la lourde tâche de faire aussi bien que son aîné. Grâce à un système de combat original, un scénario alambiqué, de nombreux personnages et une bande originale magnifique, le défi fut relevé avec les honneurs. Malheureusement, l’Europe n’eut jamais la chance d’en profiter et ce n’est que via l’import ou l’émulation que nous avons pu découvrir ce chef-d’œuvre du jeu vidéo. Enfin, ça c’était avant l’annonce de Square Enix lors du Nintendo Direct du 9 février 2022 dévoilant le remaster du jeu sous le nom Chrono Cross: The Radical Dreamers Edition.
Chrono Cross pour les nuls
Comme dit au-dessus, Chrono Cross n’est jamais sorti chez nous jusqu’à aujourd’hui, donc certains d’entre vous ne connaissent probablement pas ce jeu ou n’y ont jamais joué. Du coup, Chrono Cross, c’est quoi ? Vous l’aurez compris, la suite de Chrono Trigger est elle aussi un J-RPG et comme les autres jeux du genre développés par Squaresoft pour la PlayStation, elle met en scène des personnages 3D évoluant dans des décors 2D. Vous y incarnez Serge, un adolescent sans histoire vivant dans un petit village de pêcheurs jusqu’au jour où, pour une raison inconnue, il se retrouve transporté dans un monde parallèle totalement identique, mais dans lequel il est mort à l’âge de 10 ans. S’ensuit alors une longue et palpitante aventure parsemée de voyages entre les deux univers parallèles, de rencontres avec tout un tas de personnages hauts en couleurs et leurs alter ego dimensionnels, et de combats acharnés contre des antagonistes charismatiques afin de découvrir les raisons du pouvoir de Serge, qui dépassent de loin son unique personne.
Si le scénario de Chrono Cross a grandement participé à son succès critique tout comme son incroyable bande originale signée Yasunori Mitsuda, c’est la qualité de son gameplay qui va le faire sortir du lot. Tout d’abord, contrairement à la majorité des J-RPG de cette génération, votre groupe ne se limite pas à une poignée de compagnons. À l’instar de Suikoden, vous allez pouvoir en recruter de nombreux tout au long de votre aventure. Pas aussi poussif que le jeu de Konami, dont la majeure partie des personnages ne sont pas vraiment destinés au combat, Chrono Cross en propose malgré tout une quarantaine ayant chacun son lot de forces et de faiblesses. Certains sortent du lot par leurs capacités ou implications dans le scénario, mais tous sont jouables.
L’autre point faisant de Chrono Cross un jeu unique, c’est son système de combat. Basé sur le tour par tour des Final Fantasy, il tient son originalité à sa mécanique d’attaques physiques et sa magie, qui a la particularité de fonctionner à partir d’une grille de sorts que l’on assigne à chaque personnage. Tous ont une barre d’endurance leur permettant d’accomplir un certain nombre d’attaques ayant chacune une certaine valeur déterminée par la puissance. Les attaques physiques sont divisées en trois niveaux consommant donc entre un et trois points d’endurance sur les sept disponibles. Chaque fois qu’un coup physique est porté, un nombre équivalent de niveaux est débloqué sur la grille de magie. Ainsi, si vous validez un coup physique de niveau deux sur un ennemi, cela débloque deux niveaux de magie sur le personnage et ainsi de suite. Cela peut paraître un peu complexe, mais c’est très facile à prendre en main. Il faut ajouter que la puissance de la magie dépend autant de son placement dans la grille que de la couleur innée du personnage et celle dominante sur le terrain. Les magies sont en effet divisées en six couleurs (bleu, rouge, jaune, vert, noir, blanc), donc si un personnage ayant la couleur innée rouge lance un sort rouge, il sera de base plus puissant. De plus, si vous remplissez la zone ovale en haut à gauche de l’écran d’une couleur unique, alors tous les sorts appartenant à celle-ci seront plus puissants et cela est tout autant valable pour vos personnages que pour les ennemis.
Un scénario fouillé et captivant, de nombreux personnages à recruter, un système de combat original, une superbe direction artistique, certaines des plus belles cinématiques de la PlayStation, des musiques plus folles les unes que les autres, un new game + pertinent, une fin cachée et vous obteniez la recette pour devenir l’un des J-RPG les plus adulés de la génération 32-bit dont la popularité a traversé deux décennies sans perdre en intensité. De quoi mettre la pression sur les épaules de ce remaster.
20 ans et toutes ses dents
Première chose à bien préciser : nous sommes face à un remaster, pas un remake. Comprendre par là que les développeurs n’ont pas refait le jeu, mais l’ont adapté aux résolutions actuelles. De ce fait, ne vous attendez pas à une longue liste de changements, qui s’avère plutôt courte. Parmi les nouveautés apportées, il y a tout d'abord le filtre lissant les arrières plans et leur donnant un aspect peinture très marqué ainsi que la mise à jour des modèles 3D des personnages, que vous pouvez désactiver au profit du rendu original via le lanceur du jeu - fortement déconseillé tant c’est pixelisé. On peut ajouter les nouveaux portraits des personnages affichés lors des dialogues, plus grands et plus expressifs que les originaux. Viennent ensuite les musiques, qui ont été remasterisées pour en supprimer tous les parasites. Enfin, Square Enix a affublé ce remaster de son habituel panel d’outils pour faciliter la vie des joueurs comme la suppression des combats aléatoires, les combats automatiques, ou encore un mode invincible. Bien entendu, ces options sont activables et désactivables à la volée. Par chance, on retrouve le système de gestion de la vitesse activable quand bon vous chante déjà présent dans le jeu d'origine. Très pratique en combat contre les ennemis de base ou pour voyager sur la carte, il est cette fois disponible dès votre première partie, donc pas besoin d'attendre le new game + pour en profiter.
Mais la plus grande nouveauté, c’est bien la présence de nouvelles traductions, dont celle en langue française. N’étant jamais sorti sur le sol européen, il était envisageable qu’un remaster conserverait cette unique traduction anglaise, mais que nenni, nous avons bien la possibilité de jouer dans la langue de Molière ; preuve supplémentaire que le studio japonais souhaite faire découvrir son jeu à un maximum de joueurs ; la première étant le portage sur la quasi-totalité des plateformes existantes.
Enfin, n’oublions pas la présence en bonus d’un jeu méconnu, puisque jamais sorti hors du Japon : Radical Dreamers. Sorti à l’origine sur l’extension Satellaview pour Super Nintendo, ce roman interactif devait étendre l’univers de Chrono Trigger et conter les aventures de Serge, Kid et Magil dans leur quête de vengeance contre Lynx et leur désir de récupérer la flamme gelée, un artefact ayant le pouvoir de réaliser n’importe quel vœu. Conçu en seulement trois mois, le jeu n’a pas convaincu son créateur Masato Kato et ne fut jamais publié hors du Japon. Si l’on retrouve bien des personnages présents dans les deux jeux, Radical Dreamers n’est pas nécessaire pour jouer à Chrono Cross. Considéré comme canon à sa conception, la sortie de Chrono Cross changea la donne et en fit un simple univers parallèle, qu’il faut plutôt voir comme une ébauche de ce qui deviendra plus tard Chrono Cross. À faire par curiosité d’autant plus que lui aussi s’accompagne d’une traduction française, très appréciable.
Les actes manqués
S’il ne faut jamais attendre d’un remaster qu’il transcende l’expérience de jeu, on était peut-être en droit d’attendre un peu mieux pour un J-RPG aussi culte. Difficile de ne pas être déçu devant ce filtre agressif qui, s’il donne bien un aspect peinture aux décors pas forcément désagréable, s’avère souvent agressif, leur fait perdre énormément de détails et peine à ne pas faire baver les couleurs plus que de raison. C’est d’autant plus regrettable qu’il existe une version upscale plus réussie des arrières plans conçue par un fan à l’aide d’une IA. Quant aux cinématiques, il ne fallait pas s'attendre à un miracle tant le matériel d'origine est de faible résolution, mais il faut avouer que le passage à la haute définition n'a pas été des plus cléments.
Toutefois, les problèmes ne sont pas qu'esthétiques, ils vont bien au-delà. Sur la version PlayStation, il y avait quelques ralentissements, surtout durant les combats, car la console crachait ses poumons sur ce qui était l’un de ses jeux les plus impressionnants. Bonne nouvelle, ils ont été conservés ! Vous ne rêvez pas, la version PC - et il en va de même pour les autres - d’un jeu PlayStation datant de 1999 a des ralentissements, les mêmes qu’à l’époque. Pourtant, la version PC affiche bien 60 images par seconde, donc comment est-il possible d'avoir des ralentissements qui ne se remarquent pas dans les chiffres ? Eh bien, on peut imaginer que c'est l'interface avec les deux bandes sur les côtés qui est à 60 images par seconde et cette dernière diffuse le jeu, qui fait sa vie en arrière-plan avec ses hauts et ses bas. Ne tournons pas autour du pot, ce remaster est très probablement une émulation du jeu original dopé aux hormones, ce qui expliquerait la présence des mêmes artefacts et autres soucis de performances. Et s’il est parfois sympathique de retrouver quelques défauts d’époque, ils sont ici réellement gênants, car la sensation de lenteur devient désagréable durant les combats avec une navigation dans les menus pataude et frustrante, même en vitesse accélérée.
Et que dire des musiques ? Square Enix avait mis en avant les huit morceaux composés pour l’occasion sauf que ces derniers ne sont même pas disponibles en jeu et on ne peut en profiter que lorsque la fenêtre du lanceur est ouverte. Le comble étant qu’il n’est même pas possible de changer de morceau façon jukebox. Un joli gâchis de talents et de moyens.
Toujours un jeu culte, mais qui aurait mérité mieux
Si Chrono Cross reste indéniablement un grand jeu, cette version The Radical Dreamers Edition aurait mérité un peu plus d’égards afin de proposer une version à la hauteur de sa réputation. Rendu visuel discutable, nouvelles musiques planquées dans un lanceur qui reste ouvert moins de trente secondes, soucis de performances probablement liés à une émulation bancale, tout n’est pas rose pour ce remaster. Cependant, tout n’est pas à jeter non plus, loin de là. Encore une fois, Chrono Cross était, est et restera un grand jeu de l’âge d’or du J-RPG, ce qui est déjà une raison suffisante pour sauter le pas. De plus et c’est loin d’être négligeable, nous avons droit à une traduction française ainsi qu’au roman interactif Radical Dreamers, lui aussi traduit. À vous de voir si cela vaut les 20€ demandés, mais si jamais vous hésitez sur la version à choisir, je ne peux que vous conseiller de le prendre sur PC. Avec de la chance, elle aura droit à son lot de mods afin d'en profiter dans de meilleures conditions. Pour ma part, j'y retourne !
Test réalisé sur PC par Lianai à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, Xbox One, Xbox Series X|S |
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Genres | J-RPG, jeu de rôle (rpg), fantasy |
Sortie |
7 avril 2022 (Monde) (Windows) 7 avril 2022 (Monde) (Xbox One) 7 avril 2022 (Monde) (PlayStation 4) 7 avril 2022 (Monde) (PlayStation 5) 7 avril 2022 (Monde) (Xbox Series X|S) |
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