Test de Citizen Sleeper – Devenir citoyen des étoiles

Vous incarnez ici un Dormeur (Sleeper), un androïde dans lequel a été téléchargé un esprit humain, destiné à effectuer des tâches ingrates pendant que l'original reste en cryo-sommeil. Mais, fatigué par cet esclavagisme sous le joug de la corporation Essen-Arp, vous vous enfuyez à bord d'un container. Le jeu commence alors que vous échouez sur la station spatiale indépendante "l'Oeil de Erlin". Il faut donc survivre en ces lieux ; pour ça, il faut se lancer dans des petits boulots, mais aussi nouer des contacts avec les locaux.

Alea Jacta Est

Tout le système de jeu tourne autour de dés à six faces. À chaque début de cycle (l'équivalent d'une journée sur la station), une série de dés est tirée aléatoirement. Il faut utiliser ces valeurs dans les diverses tâches à disposition. L'issue d'une opération peut être neutre (rapporte les gains promis), un succès (peut rapporter plus que prévu) ou un échec (ne rapporte rien, ou alors ajoute un malus comme une perte d'énergie ou le risque de bloquer toute la tâche). L'opération elle-même peut avoir divers niveaux de difficulté : sûre (pas d'effet négatif), risquée (possibilité d'avoir des effets négatifs) et dangereuse (gros risque d'effets négatifs). Il faut donc choisir judicieusement quelle valeur de dé affecter afin de mettre le plus de chances de votre côté, sachant que plus la valeur est haute et plus il y a de chances de réussir avec brio. Quoi qu'il arrive, il y a toujours une part de hasard dans l'entreprise et les probabilités sont clairement affichées avant de valider l'action.

Deux autres paramètres sont à prendre en compte pour votre progression. Votre corps se dégrade avec le temps et plus son niveau baisse, moins vous avez de dés à disposition pour le cycle courant. Des moyens de remonter ce niveau sont heureusement proposés au fil de l'aventure, mais sachez que rien n'est gratuit en ce bas (haut ?) monde. Il faut également penser à se nourrir : le niveau de satiété baisse en fin de cycle et parfois en cas d'échec ; être en état de famine accélère la détérioration de votre corps. Vous devez donc régulièrement trouver de quoi vous sustenter.

Les caractéristiques de votre personnage permettent d'influencer le résultat de ces actions : ingénierie, résilience, intuition… Au démarrage de la partie, le choix est donné entre trois classes qui ont des forces et des faiblesses différentes. C'est important au début, mais tout cela se lisse vite avec la possibilité d'améliorer l'ensemble : des points de compétence sont en effet gagnés après certaines actions. À certains paliers, le personnage gagne également de nouvelles facultés : gains bonus, possibilité de relancer les dés…

Le Dormeur doit se réveiller

L'essentiel de l'aventure consiste donc à accomplir ces différentes tâches, à remplir les divers cadrans d'objectif. Certaines actions sont purement alimentaires : elles rapportent de l'argent ou des ressources que vous pouvez utiliser dans des quêtes ou sur les marchés. D'autres permettent d'explorer la station et de débloquer à terme de nouvelles possibilités. Enfin, certaines ont pour but de faire progresser les divers fils narratifs qui sont proposées. Vous rencontrez de nombreux individus sur l'Oeil et ils ont tous quelques chose à vous proposer ; à vous de choisir si vous désirez les aider ou pas, si vous voulez aller au bout de la démarche avec eux ou simplement les laisser tomber.

Chaque action narrative se présente sous la forme de longues successions de texte dans lesquelles certains choix sont données : cela peut-être de simples questions à poser à l'interlocuteur ou des possibilités bien plus impactantes pour la suite de votre relation avec l'autre.

Finalement, tout est choix dans Citizen Sleeper : dans quelles actions utiliser vos meilleurs dés, quoi acheter en priorité, comment gérer vos ressources ou quelle tournure peuvent prendre vos relations avec les locaux.

Rosebud !

La progression dans l'aventure est intéressante, on prend plaisir à découvrir l'histoire et les rouages des diverses communautés qui occupent l'Oeil. On y retrouve tous les tropes de la science fiction : corporations déshumanisées, colons désœuvrés, complots divers et réseaux cyber où rodent des intelligences artificielles. Les textes sont plutôt bien écrits, malgré cet étrange fétichisme qu'ont la plupart des interlocuteurs à toujours vouloir vous tripoter les épaules. Par contre, la totalité est en anglais, parfois un peu technique.

L'aventure n'est pas bien difficile. L'argent fait certes cruellement défaut aux débuts, mais la multiplication des moyens de gagner sa vie fait que ça finit par ne plus être un soucis. La seule contrainte devient alors le temps : certaines actions doivent être accomplies dans la durée impartie, même si ces dernières sont généralement plutôt larges.

La navigation dans le jeu est plutôt intuitive, si ce n'est qu'il n'est pas toujours évident de naviguer entre les différents points d'action sur l'Oeil, surtout aux endroits où ils sont un peu regroupés. Visuellement, c'est simple, mais très propre. Les illustrations des personnages, très réussies, sont assurées par le Français Guillaume Singelin (PTSD, Doggybags, Mutafukaz' Loba Loca...). Le design sonore est également très soigné, alternant bruits d'ambiance et courtes envolées musicales.

En soi, la progression se prête bien à la Nintendo Switch : il est possible de faire des petites sessions, le temps de distribuer les dés pour un cycle ou de lire le récit sur une étape dans la narration. Mais il faut alors prendre en compte certains défauts. D'abord, la police de caractère : le jeu propose deux tailles d'affichage pour les textes, petit et très petit. Si ça passe bien sur une télévision, ça peut être moins évident sur le petit écran nomade. Ensuite, le jeu met un petit moment à se lancer. Vous me direz que ce n'est pas vraiment un soucis, vu qu'on peut laisser la console en veille. Mais il a été constaté que, dans ces cas-là, il arrive un moment où les dialogues commencent à devenir lents, presque trois secondes entre deux répliques, si ce n'est pas la disparition pure et simple du décor lui-même. Dans ces cas là, il suffit de redémarrer le jeu pour que ça fonctionne à nouveau parfaitement. À noter que l'écran tactile n'est pas exploité ; on s'en sort certes très bien avec les Joy-cons, mais ça aurait été un plus appréciable avec ce type d'interface.

Citizen Sleeper est un agréable jeu narratif qui se prête très bien aux petites sessions. Il est dommage que les contraintes de sa mécanique de jeu s'atténuent au fur et à mesure de la progression, mais il reste ses choix qui peuvent mener à diverses fins et surtout tout son univers à découvrir.

Test réalisé sur Nintendo Switch par NeoGrifteR à partir d’une version fournie par l’éditeur.