Test de Rogue Legacy 2 - Un héritage exigeant, mais accessible
Après près de deux ans d'accès anticipé, Rogue Legacy 2 est sorti en version 1.0 le 28 avril 2022. Pour quel résultat ?
Il y a le bon et le mauvais rogue-lite
J'en parlais la semaine dernière : après Chivalry 2 et The Stanley Parable: Ultra Deluxe, Rogue Legacy est le troisième jeu indépendant majeur de la première vague à recevoir un nouvel opus neuf ans après. Pour rappel, Rogue Legacy est un rogue-lite, qui forme presque son sous-genre en lui-même. En effet, il existe deux types de rogue-lite. Dans certains, qui constituent la grande majorité des titres du genre, la mort est définitive : le joueur redémarre intégralement de zéro. Il y a peut-être quelques bonus qu'il est possible d'obtenir au fil des parties, mais ceux-ci sont anecdotiques ; la progression se fait surtout par l'amélioration du skill du joueur et par de la chance concernant les améliorations trouvées au cours de la partie. Dans cette catégorie, citons Faster Than Light, Blinding of Isaac, Into the Breach ou même Dead Cells.
Face à eux, on trouve Rogue Legacy et ses héritiers : des jeux dans lesquels la mort est certes définitive, mais celle-ci s'accompagne d'améliorations permanentes de plus en plus puissantes. Concrètement, dans Rogue Legacy et dans Hades (surtout si vous activez le mode divin), le joueur finira forcément par gagner ; son talent lui permet juste de réduire le temps - et donc le farm - nécessaire pour y parvenir.
Secret of Mana
Rogue Legacy 2 reprend un certain nombre de principes de son prédécesseur. À la mort d'un personnage, il est nécessaire de choisir l'un de ses héritiers afin de lui succéder. Chaque héritier possède un certain nombre de caractéristiques, positifs ou négatifs, assurant des parties toujours très différentes les unes des autres. Il m'est ainsi arrivé de jouer avec un personnage ayant un seul et unique point de vie... disons qu'il n'a pas survécu très longtemps.
Ajout notable de cette suite, chaque personnage est affilié à une classe, qui définit l'arme principale, l'arme secondaire et les caractéristiques principales ; les barbares ont par exemple énormément de vie, mais très peu de mana, et se battent avec une grosse épée. Le mana sert à l'utilisation de sortilèges, là encore propres à chacun.
Tous ces éléments rendent les parties très différentes les unes des autres, plus encore que dans le premier opus. Ce n'est cependant pas nécessairement une qualité. En effet, comme il y a beaucoup de classes différentes, il arrive que l'on doive attendre plusieurs parties pour avoir celle qui nous intéresse, par exemple pour affronter un boss spécifique. Il aurait probablement été préférable de différencier les caractéristiques d'un personnage de sa classe, afin d'offrir davantage de choix au joueur.
De même, les sorts consomment de la mana, en quantité restreinte. Pour en récupérer, il est nécessaire d'utiliser son arme de base. Combiné avec le fait que ces sorts changent d'une partie à l'autre, on obtient un résultat trop technique pour être réellement utile : on ne sait jamais quand utiliser le sort et, de toute façon, après deux utilisations la barre de mana est vide, donc on finit par complètement oublier son existence.
Certes, ce système permet de donner un avantage tout particulier aux mages, qui peuvent voler de la mana en attaquant et ont donc la possibilité d'utiliser leur sort beaucoup plus régulièrement. Cependant, en jeu, il ne fait que confirmer une des règles immuables du game design : le système de mana, c'est toujours de la merde. Rogue Legacy 2, comme tant d'autres, serait bien plus intéressant en se débarrassant de cette limite arbitraire, compensant la puissance des sorts par l'imposition de cooldowns et offrant aux mages soient des dégâts renforcés, soit des cooldowns réduits.
Enfin, précisons que les classes utilisent un système d'expérience, apportant des bonus au fur et à mesure que le joueur tue des ennemis en incarnant un personnage de la classe concernée. Si c'est une idée intéressante, cela a pour défaut d'inciter le joueur à se spécialiser plutôt qu'à se diversifier, ce qui est frustrant étant donné qu'il ne peut choisir qu'entre trois personnages alors qu'il y a un grand nombre de classes différentes.
Fils indigne
Rogue Legacy oblige, le joueur peut dépenser son or durement accumulé en achetant des améliorations. Il y a toujours un donjon, qui offre un certain nombre de bonus quand il est amélioré : davantage de vie, plus de force, de nouvelles classes, etc. Acheter une amélioration augmente le prix des autres. L'inflation est légère, mais elle pénalise ceux cherchant la diversité plutôt que l'optimisation. Cette fonctionnalité était déjà présente dans le premier opus, mais s'il y avait une chose que cette suite aurait pu se passer de reprendre, c'était bien celle-ci.
De plus, le dispositif est renforcé par d'autres possibilités d'amélioration, dont deux particulièrement intéressantes : le forgeron et l'enchanteresse. En échange de plans trouvés dans le château et d'énormément d'or, ceux-ci fabriquent des équipements et des runes, offrant des bonus permanents lorsqu'ils sont équipés. Le forgeron peut par exemple créer des épées infligeant plus de dégâts ou une cuirasse réduisant les dégâts, tandis qu'une des runes de l'enchanteresse offre un vol de vie. Tout l'intérêt du système est que chaque rune et chaque équipement a un certain poids, le joueur ne pouvant porter qu'un poids limité, sous peine de subir des malus. Il est donc nécessaire de faire des choix ou d'améliorer le poids portable dans le bastion. C'est une dimension stratégique très intéressante et un des meilleurs ajouts de ce nouvel opus.
L'architecte est lui aussi toujours présent. Pour ceux qui n'auraient pas joué au premier opus, l'architecte est une des fonctionnalités majeures de la licence : il permet une conservation du château entre deux parties. Les ennemis réapparaissent, mais les téléporteurs demeurent actifs, ce qui permet donc de se battre contre un boss en pleine possession de ses moyens, sans devoir le retrouver. Il est ainsi possible d'affronter un boss plusieurs fois de suite, évitant de devoir se refaire tout le chemin juste pour réessayer. C'est un des plus gros points forts de Rogue Legacy, une des différences fondamentales par rapport à un Dead Cells par exemple : échouer contre un boss n'oblige pas à se refaire une partie d'1h30 pour simplement retenter sa chance.
L'absence de l'architecte aurait été un motif valide pour ne pas accorder le moindre crédit à cette suite. Heureusement, Cellar Door Games n'a pas fait cette erreur. Cependant, ils sont quand même allés dans la mauvaise direction. En effet, en échange de son travail, l'architecte prend une commission, réduisant l'or accumulé pendant la partie, ce qui est tout à fait normal. Dans Rogue Legacy, cette somme était fixe. Dans Rogue Legacy 2, elle augmente à chaque partie, jusqu'à ce qu'on accepte que le monde revienne tel qu'il était. Concrètement, après plusieurs tentatives, vaincre un boss rapporte... 0% de l'or normalement prévu.Certes, l'or n'est pas l'objectif réel de ces affrontements, mais cette décision paraît quand même terriblement mesquine et difficilement justifiable.
Il en est de même pour un autre des ajouts du titre : les héritages. Il s'agit de défis effectués dans une zone spécifique, qui offrent un bonus permanent s'ils sont réussi. Ainsi, l'un des héritages du premier monde permet d'avoir un dash aérien. Sur le papier, c'est un ajout appréciable, permettant au gameplay de s'enrichir au fur et à mesure. Dans la pratique, en revanche, cela alourdit sensiblement la charge du joueur. Dans le premier opus, un nouveau biome signifiait juste qu'il fallait tuer un nouveau boss. Désormais, il est aussi nécessaire de débloquer les héritages de la zone, ce qui constituent de nouveaux tests de compétence dont on se serait volontiers passé.
Ce n'est pas le seul exemple : il y a également des coffres demandant de réussir des défis, des portails menant vers des combats spécifiques, des reliques maudites, ... Désormais, une partie implique un grand nombre de tests de compétences, bien plus que dans le premier opus. Cela plaira certainement à une partie des joueurs, moins à d'autres.
Fils prodigue
Aussi, autant le dire directement : après les premiers instants, mon expérience de Rogue Legacy 2 a été assez négative, en raison des éléments cités plus haut. J'avais l'impression d'être confronté à un jeu excessivement difficile, tout le contraire de son prédécesseur. Pourtant, un certain nombre de points ont ensuite progressivement nuancé mon avis. Tout d'abord, Rogue Legacy 2 demeure très proche de son ancêtre. Le gameplay a conservé sa précision et son efficacité, même si, comme évoqué plus haut, il s'est considérablement enrichi. De même, la bande son et la direction artistique, qualités indéniables du premier opus, demeurent bien présents.
En outre, si le jeu conserve une narration minimale, celle-ci a été enrichie par quelques passages plus significatifs. Cela ne transcende pas l'expérience, mais il est intéressant que les développeurs aient tenté de donner davantage de consistance à leur récit, car la formule de 2013 ne fonctionnerait plus aujourd'hui.
Plus globalement, le plaisir de jeu demeure intact. Rogue Legacy 2 donne tout autant envie de relancer une partie. Il faut davantage farmer et réussir beaucoup d'épreuves intermédiaires avant de pouvoir terrasser les boss, mais les phases d'exploration demeurent tout aussi plaisantes.
Enfin, je suis tombé sur la fonctionnalité que je recherchais au détour d'un menu, complètement par hasard : Rogue Legacy 2 offre des "règles personnalisées." Celles-ci permettent de modifier un grand nombre de paramètres : la santé des ennemis, leurs dégâts, le système de poids... il est même possible d'activer un mode vol, par exemple. Ces paramètres changent diamétralement mon ressenti concernant le jeu. En effet, dans la version de base, les multiples épreuves évoquées plus tôt m'empêchaient de terminer le jeu. À partir du moment où il est possible de personnaliser son expérience, pour la rendre moins compliquée, cela ne me pose plus de problème, surtout que ce changement ne prive même pas des succès. Une fonctionnalité exemplaire, que l'on espère retrouver ailleurs.
T'as pas le niveau
Il y a peu, je me demandais quel était le meilleur rogue-lite jamais choisi, hésitant entre Rogue Legacy et Hades ; c'est dire tout l'attachement que je porte au premier cité, qui m'a tellement marqué que tout le reste m'a paru fade jusqu'à la sortie du jeu de Supergiant Games. Dans un premier temps, j'ai pensé que Rogue Legacy 2 est un héritier loin d'être à la hauteur.
Alors qu'Hades a pour principale qualité son mode divin, facilitant sensiblement l'expérience, Cellar Door Games a fait, à chaque fois que c'était possible, le choix de la difficulté au détriment de l'accessibilité. Le gameplay s'est enrichi, mais cela signifie juste qu'il est plus complexe à prendre en main, créant une sélection naturelle entre les joueurs aptes à gérer cinquante contraintes simultanées et les autres. Le système de classe paraît beau sur le papier, mais il punit en réalité les joueurs cherchant à se diversifier, que ce soit en rendant plus rare le fait d'avoir la classe que l'on veut ou en augmentant le prix des autres améliorations. Enfin, les héritages ajoutent une dose de challenge fort malvenue et le changement de l'architecte est un scandale, tant il va à l'encontre des principes fondamentaux qui ont fait le succès du premier opus. Sauf que comme pour Hades, les développeurs ont trouvé la parade : l'inclusion de règles personnalisées, permettant à tous les joueurs d'adopter l'expérience leur convenant le mieux.
Rogue Legacy 2 est la suite d'un jeu absolument brillant. Il resplendit peut-être moins, en tout cas de prime abord, mais il donne tout autant envie de relancer le titre juste pour une partie de plus, qui se termine souvent tard dans la nuit. Surtout, Cellar Door Games, semble avoir retenu la leçon de l'échec de son élitiste Full Metal Furies : un jeu se doit d'être accessible, ou ne pas être.
Test réalisé sur PC par Alandring à partir d'une version fournie par le développeur.
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