Test de Soul Hackers 2 : Cœur de pirate
Annoncé en catimini en début d’année, le retour de la licence Soul Hackers, mise de côté après un premier épisode sorti initialement sur Sega Saturn en 1997, en a surpris plus d’un. Autre spin-off de la très ancienne série des Megami Tensei, au même titre que Persona, Soul Hackers se veut globalement plus accessible tout en proposant un univers riche où se côtoient technologies avancées et fantastique. Retour sur le nouvel épisode d’une licence oubliée.
Hadopi 2.0
Née du jeu Devil Summoner: Soul Hackers, lui-même suite de Shin Megami Tensei: Devil Summoner, la licence Soul Hackers n’avait connu qu’un seul jeu sorti en 1997 sur Sega Saturn, puis en 1999 sur PlayStation pour finalement finir sa vie en 2012 sur Nintendo 3DS. Relativement peu populaire et proposant un gameplay assez vieillot, personne ne s’attendait à ce que Atlus ressorte cette licence du placard. Pourtant, c’est bien en février dernier que le studio japonais a annoncé cette suite simplement nommée Soul Hackers 2.
Dans ce nouvel opus, vous incarnez Ringo, une entité synthétique créée par une intelligence artificielle appelée Aion afin d’empêcher la fin du monde prédite par cette dernière. Avec l’aide de sa sœur jumelle, Figue, elle a pour mission d’entrer en contact avec des humains dont les décès ont un lien direct avec la catastrophe à venir. Arrivant trop tard pour sauver sa première cible, Ringo décide de pirater l’âme du défunt et parvient à le ressusciter. Ainsi revenu à la vie, Arrow apprend aux sœurs synthétiques qu’il est invocateur de démons au sein d’un groupe appelé Yatagarasu ayant pour rôle de protéger le monde et de combattre une faction ennemie : la Société Fantôme. Dirigé par un mystérieux homme masqué, ce groupe s’est donné pour objectif d'invoquer un Être-Suprême destructeur de monde en utilisant le pouvoir des Covenants, sorte de serpents magiques passant d’humains à humains depuis la nuit des temps en octroyant à leurs porteurs diverses capacités. C’est ainsi que Ringo, Figue et Arrow partent à la recherche des autres cibles données par Aion parmi lesquelles se trouvent Milady et Saizo, deux invocateurs de démons qui décident de les rejoindre dans leur quête des Covenants.
Ainsi débute l’histoire de Soul Hackers 2. Si celle-ci ne peut se prévaloir d’une grande complexité au contraire de son aîné Shin Megami Tensei, elle n’en reste pas moins sympathique et propose un groupe de personnages attachants dont on apprécie de suivre les aventures. Jonglant entre le cyberpunk, l’occulte, le thriller et l’horreur, Soul Hackers 2 profite pleinement de l’originalité de son univers tout en conservant les codes qui ont fait et font toujours le succès des J-RPG d’Atlus. Cependant, on ressent assez vite que l’on est face à un jeu moins ambitieux dans sa densité, ce qui le rend aussi plus facile à aborder pour la grande majorité des joueurs, qui ne seront pas autant submergés par les thèmes abordés. Certes, le jeu traite de sujets intéressants, qui ne manqueront pas de vous rappeler Ghost in the Shell, mais ils sont abordés avec plus de légèreté, ce qui n’est pas forcément un mal tant Shin Megami Tensei peut vite noyer les joueurs dans une complexité parfois poussive. Toutefois, si rendre le scénario plus accessible n’est pas un défaut en soi, le faire trainer en longueur peut le devenir progressivement et si l’histoire n’est pas très longue - comptez une trentaine d’heures en ligne droite -, cela ne l’empêche pas d’avoir quelques temps morts qui cassent le rythme. Rien de rédhibitoire, mais c’est dommage d’avoir trébuché sur ce point, d’autant plus quand la durée de vie peut doubler voire tripler si vous êtes accro au 100%. Quant aux personnages, ils sont suffisamment bien travaillés et mis en avant pour que nous autres joueurs puissions prendre le temps de nous y attacher. Si ce sont tous des archétypes vus et revus depuis des décennies, le fait qu’ils aient été écrits avec un minimum d’attention permet de passer entre les mailles du filet des échecs cuisants. Ringo l’extravertie en quête d’humanité, Figue la sagesse incarnée qui prend soin du groupe, Arrow le cœur noble aux valeurs manichéennes, Saizo le rebelle amoureux et Milady la femme fatale en colère, on est face à un groupe tout droit sorti d’un générateur de personnages de manga lambda et malgré tout, ça fonctionne et c’est bien tout ce que l’on demande.
L’histoire n’est certes pas sans défaut, mais elle a le mérite de proposer une aventure plus originale que la majorité de ses pairs et un panel de personnages réussis, ce dont bien des jeux ne peuvent se vanter. Cerise sur le gâteau, les textes du jeu ont été intégralement traduits en français.
Keep your dungeon
Si Soul Hackers 2 remplit le contrat avec l’histoire, il y a un autre point sur lequel on pouvait l’attendre : le gameplay. Et pour ne pas vous faire languir plus longtemps, c’est malheureusement là que ça coince. Rien de vraiment catastrophique, mais certains choix de design laissent perplexe et ne font que renforcer ce côté jeu de gamme inférieure face aux mastodontes que sont Persona et Shin Megami Tensei. C’est à se demander si le jeu n’a pas été conçu initialement pour plateformes mobiles.
Dans Soul Hackers 2, vous dirigez Ringo à travers différentes zones relativement petites auxquelles vous pouvez accéder via une carte globale. Une rue animée, un centre commercial, un quartier caché réservé aux invocateurs de démons, vous parcourez tout un tas de décors différents afin d’obtenir de nouvelles quêtes annexes sous forme de contrats répétitifs et peu intéressants, d’acheter des objets, de l’équipement ou d'en apprendre plus sur l’univers du jeu. Vous avez aussi accès à un refuge, où vous pouvez reposer les membres de votre groupe, ainsi que préparer un petit repas offrant des bonus divers lors des combats. Jusque-là, rien de bien original et on est même face à une construction très simpliste. Mais ce n’est pas là que se situe le hic, c’est dans la seconde partie : les donjons.
Que ce soit pour l’histoire ou les quêtes annexes, vous devez visiter tout un tas de donjons plus ou moins longs et dès le tout premier, vous remarquerez probablement que quelque chose cloche, que Ringo, si svelte et élancée, semble se déplacer comme un bodybuilder fatigué. C’est mou, c’est lent, c’est laborieux et de base, la caméra est placée bien trop proche et légèrement à droite de Ringo au niveau de ses hanches, ce qui est une catastrophe. C’est illisible, juger les distances est un calvaire et avec les déplacements sous Tranxène, vous risquez de vite pester contre le jeu. Par chance, c'est modifiable dans les options, mais le placement par défaut est un choix très étrange de la part du studio japonais. Dans tous les cas, si vous souhaitez vous évitez des séances de poursuites à la Benny Hill en ne sachant pas où se trouve l'ennemi qui vous colle aux basques, et si vous désirez préserver votre santé mentale face à la gestion de l'espace, modifiez au plus vite les options de caméra. Additionnez ces choix de design avec une trop grande répétitivité dans les décors et la construction des donjons et vous vous retrouvez face à un jeu qui sent légèrement le bas de gamme. C’est incompréhensible que tout cela soit passé sans que personne n’ait haussé un sourcil dubitatif. D’autant plus qu’à côté de ça, tout le reste tient plutôt bien la route.
En sus des donjons obligatoires pour la continuation de l’histoire, le jeu propose une partie plus optionnelle nommée Matrice de l’âme. Chacun des trois compagnons de Ringo possède un donjon attitré dans lequel vous pouvez débloquer des souvenirs pour en apprendre plus sur eux et ainsi augmenter votre affinité, qui permet de débloquer de nouveaux étages et ainsi de suite. Affinité que vous pouvez aussi augmenter lors de dialogues spécifiques durant l’histoire principale ou en discutant autour d’un verre au bar. Si l’idée est intéressante, là encore on à affaire à des donjons répétitifs au design froid pour enchainer des combats qui finissent par devenir lassants. Par chance, comme pour les donjons classiques, vous débloquez des téléporteurs au fur et à mesure de votre avancée afin de revenir au début et de reprendre plus tard si le cœur vous en dit ou tout simplement pour vous reposer au refuge, ce qui a tendance à rendre l'exploration bien trop facile. Petit plus non négligeable, vous pouvez sauvegarder pratiquement n’importe où, ce qui rassure avant un combat de boss, même si ceux-ci sont rarement trop ardus.
Un jour je serai le meilleur invocateur
N'y allons pas par quatre chemins, Soul Hackers 2 ne surprend pas par son système de combat. En effet, comme ses aïeux, celui-ci se déroule en tour par tour à l’ancienne et vous choisissez l’action à accomplir pour chacun des quatre personnages jouables. S’ensuit alors le tour de l’ennemi et ainsi de suite. Toutefois, et parce que c’est un jeu Atlus, il possède son lot de mécaniques qui le différencient suffisamment des autres pour ne pas donner une impression de copier-coller, malgré la réutilisation du grand catalogue de démons issus des différents folklores essentiellement asiatiques et européens.
En tant qu’invocateurs, les membres de votre groupe peuvent équiper un démon, qui vient avec son lot de compétences ainsi que de modificateurs de statistiques et de résistances. Ainsi, un démon peut vous rendre résistant au feu et faible au vent alors qu’un autre vous rendra résistant face à la glace et faible face aux ténèbres etc. À tout moment en dehors des combats, vous pouvez changer le démon équipé afin de vous adapter à la situation et aux ennemis que vous allez rencontrer. Lorsque vous combattez, vous pouvez choisir d’utiliser votre arme physique ou une compétence liée au démon équipé. Si l’attaque portée touche un point faible de l’ennemi visé, un combo est lancé et à la fin du tour, Ringo lance une attaque spéciale nommée Conjuration touchant tous les ennemis et dont les dégâts dépendent de l’importance du combo. Si tous vos personnages touchent un point faible, la conjuration sera dévastatrice. Bien entendu, si aucun point faible n’est touché durant votre tour, Ringo ne lance aucune conjuration. Cela peut sembler trop puissant, mais ce n'est qu'une version simplifiée de la mécanique de tours supplémentaire des autres jeux Atlus. Un système de combat qui n’a peut-être pas la richesse de celui de Persona 5 ou Shin Megami Tensei V, mais il a le mérite de tenir la route et d’être relativement bien équilibré. Vous vous sentirez probablement moins souvent en danger - même si vous pouvez changer le niveau de difficulté à n’importe quel moment -, mais vous ne vous ennuierez pas non plus du moment que vous n’avez pas une aversion pour les combats au tour par tour des J-RPG classiques.
À la fin du combat, vos personnages ainsi que leurs démons gagnent de l’expérience. C’est ainsi que ces derniers gagnent de nouvelles compétences et lorsqu’elles sont toutes débloquées, ils vous offrent un cadeau sous forme d’Arcanyx. Un Arcanyx est un objet à équiper qui donne généralement un bonus sur certains types de compétences comme augmenter les dégâts d’un élément magique en particulier. Une fois toutes les compétences obtenues, vous remarquerez que vos démons progressent de niveau beaucoup moins vite et il est donc temps de changer, soit en en récupérant de nouveaux lorsque vous explorez les donjons, soit en utilisant la sempiternelle fusion. Car oui, la fusion revient encore et toujours pour vous permettre de fusionner deux démons en un nouveau plus puissant auquel vous pouvez transférer certaines compétences des démons sacrifiés. Toujours aussi pratique pour renouveler son équipe, elle n'est pour autant pas gratuite alors réfléchissez bien avant de valider. Il en va de même pour l’enregistrement de vos démons dans le compendium, afin de les invoquer à nouveau avec leurs compétences et niveaux. Tout a un prix dans Soul Hackers 2 et lui aussi semble avoir subi les dégâts de l'inflation.
Pour finir, vos démons vous servent également lors de votre exploration dans les donjons, puisque ce sont eux qui font plus ou moins office de coffre à trésor. À chaque début de donjon, vos démons partent à l’aventure et lorsque vous en rencontrez un sur votre chemin, il vous propose un objet qu’il a trouvé, de l’argent ou même, comme précisé plus tôt, de discuter avec un nouveau démon afin de le recruter. Bien utiles ces petites bêtes.
Dessine-moi un robot
Artistiquement, Soul Hackers souffle le chaud et le froid. Le design des personnages est réussi, certains décors sont très jolis et à côté de ça, on a des donjons fades parfois proches du stériles tant ils manquent de vie. Et ce n’est malheureusement pas aidé par une technique flamboyante, le titre payant son statut de jeu AA au budget limité. Le jeu tourne parfaitement sur PlayStation 5 et propose deux modes : performances et graphismes. Le premier privilégie les 60 images par seconde quand le second nous fait profiter de la définition 4K. En jeu, la fluidité est très stable et rares sont les chutes sous les 30 ou 60 fps. Malheureusement, il n'en va pas de même du côté des Xbox.
Pour reprendre les propos de DigitalFoundry, si la Xbox Series X tient sans problème le 30 fps en 4K, elle peine à faire de même en mode performances avec des chutes très visibles sous les 60 fps lors de cinématiques et dans certaines zones. Et comme vous pouvez vous en douter, c'est encore plus flagrant avec la Series S malgré une définition plus faible. Quant aux versions de la génération précédente, c'est une nouvelle catastrophe du côté de Xbox. La version PlayStation 4 s'en sort plutôt bien avec une définition de 1080p et un taux de rafraichissement bloqué à 30 fps malgré quelques baisses occasionnelles. Au contraire, la version Xbox One S se vautre avec un taux de rafraichissement débloqué, ce qui n'a aucun sens, des chutes vertigineuses sous les 10 fps dans certaines situations et de très fréquentes baisses autour de 20 fps. Enfin, concernant les versions PlayStation 4 Pro et Xbox One X, là encore Atlus a fait un choix étrange. Du côté de Sony, on reste au 1080p et un 30 fps très stable, mais côté Microsoft ça passe en 4K et conserve le taux de rafraichissement débloqué qui, une fois encore, fait du yoyo même si c'est moins dramatique que sur One S. En résumé, si le jeu vous intéresse, fuyez si possible les versions Xbox.
Pour terminer sur une note plus positive (pun intended), les musiques ont été composées par MONACA, le studio fondé par Keiichi Okabe à qui l'on doit les musiques de la série de jeux Nier, dont on ressent l’influence dans plusieurs morceaux. Mélangeant les rythmes rock musclés, l’électro déjantée, l’orchestral et les chants plus classiques ou traditionnels, la bande originale est une réussite, qui n’a pas à rougir face aux autres RPG d’Atlus et certains des thèmes n’auront aucun mal à vous rester en tête après avoir terminé le jeu.
Conclusion
Si personne n’attendait une suite à Soul Hackers 25 ans après avoir vu le jour et 10 ans après son dernier portage, la sortie de ce second épisode peut laisser dubitatif sur l’intérêt qu’il y avait à sortir la licence du placard. Ne vous méprenez pas, le jeu est sympathique, le scénario se laisse suivre malgré les longueurs, les personnages sont attachants et le système de combat tient la route. Malheureusement, à côté de ça le jeu ne propose pas grand-chose non plus. Il n’y a rien à explorer en dehors des donjons qui se ressemblent tous, les quêtes annexes se contentent de vous faire tuer tels ennemis ou récupérer tels objets et la seule partie optionnelle vraiment intéressante se limite à la Matrice de l’âme pour en apprendre plus sur vos compagnons et débloquer des compétences spéciales. Et s’il n’y avait que ça, mais ces déplacements lourdauds sont un vrai tue l’amour quand ce ne sont pas de lourds soucis de performances qui vous plombent la partie en fonction de la version que vous possédez.
En conclusion, Soul Hackers 2 possède d'indéniables qualités, mais il manque cruellement d’ambition et surtout de finition. Pour un retour après si longtemps, la licence aurait mérité bien plus d’attention, ne serait-ce que pour rendre une copie propre sur toutes les plateformes.
Test réalisé par Lianai à partir d’une version PlayStation 5 fournie par l’éditeur.
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Plateformes | PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, Xbox One, Xbox Series X|S |
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Genres | J-RPG, jeu de rôle (rpg), futuriste / science-fiction |
Sortie |
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