Test de Sunday Gold - De l'or, mais aussi beaucoup de plomb

Tenter de renouveler un peu un genre n'est pas un exercice facile et nous sommes toujours un peu curieux lorsque ça se produit. C'est ainsi que nous voilà aujourd'hui devant Sunday Gold, curieux mélange entre le point'n'click et un jeu en tour par tour.

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Sunday Bloody Sunday

Sally et Frank sont des voleurs dans un Londres dystopique. Mais comme les dettes de Frank l’obligent à trouver de l’argent rapidement, il est prêt à accepter n’importe quel job. Le boulot que lui propose Sally a tout du coup facile : aider un informaticien à pénétrer les locaux de son ancien patron pour y voler des données sensibles. Mais rien n’est simple lorsqu’on s’attaque aux secrets inavouables du puissant milliardaire Kenny Hogan et le boulot peinard devient rapidement plus sanglant que prévu.

Un job facile qu'on vous dit

Mettre du tour par tour dans mon point’n’click

Si je suis là aujourd’hui à écrire ce test, c’est en grande partie parce que j’ai été intrigué par la proposition du jeu. Sunday Gold se décrit en effet comme un point’n’click au tour par tour, ce qui n’est pas courant, vous en conviendrez. Et dans le principe, Sunday est exactement ce qu’il annonce. Durant les phases d’exploration, chaque personnage possède un nombre limité de points d’action (PA) et la plupart des actions plus complexes que « se déplacer » ou « examiner » utilisent un ou plusieurs PA. Il faut donc jongler entre les personnages pour utiliser au mieux les PA qu’ils possèdent avant de finir son tour, en sachant que chaque personnage a une spécialité propre. Frank est ainsi le spécialiste du crochetage, Gavin est le seul à pouvoir pirater un ordinateur alors que Sally est les muscles de l’équipe. Voilà qui change un peu l’approche classique du point’n’click, mais pourquoi pas.

Les mini-jeux sont sympas
Les mini-jeux sont sympas

Et là, vous vous demandez sûrement à quoi servent les tours. Je vous ai dit que nos personnages sont des voleurs. Et donc qu’ils se retrouvent souvent dans des endroits gardés où ils ne sont pas censés être. Dans l’esprit, les tours du jeu symbolisent donc l’écoulement du temps et chaque fin de tour s’accompagne d’une augmentation de la vigilance des gardes des lieux dans lesquels vous vous trouvez. Plus les tours passent et plus ils deviennent conscients de votre présence, ce qui augmente le risque de croiser une patrouille et la difficulté de l’affrontement qui en découle. Ce qui n’est pas une mauvaise idée en soit puisque ça pousse le joueur à équilibrer l’exploration nécessaire à la progression dans le jeu et les risques qu’entraînent des actions plus facultatives qui vous rapporteront peut-être de l’équipement, mais risqueront aussi de vous obliger à mettre fin à votre tour plus tôt que prévu.

Schlik ! Paf ! Boum !

Tôt ou tard et que vous le vouliez ou non, vous finirez par devoir vous battre. Le système de combat de Sunday Gold fonctionne lui aussi en tour par tour, mais avec quelques petites subtilités. D’abord, et c’est un point important dont il faut tenir compte lors des phases d’exploration, vos PA sont partagés entre l’exploration et les combats. En clair, vous débutez un combat avec le nombre de PA dont vous disposiez en exploration. L’inverse est d’ailleurs également vrai : vous repartez en exploration avec le nombre de PA que vous aviez à la fin d’un combat. Seconde subtilité, chaque personnage ne peut faire qu’une seule action par tour et certaines attaques spéciales peuvent demander plusieurs tours avant d’être utilisées. Enfin, vous ne regagnez pas de PA à la fin de votre tour, il vous faut à la place utiliser une technique défensive appelée « Garde ». Bref, vous l’avez compris, dans Sunday Gold, les PA, c’est la vie.

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Le jeu intègre même un petit système de progression pour se donner un aspect RPG-light. Chaque personnage gagne de l’expérience, des niveaux et des points de compétences que le joueur peut dépenser pour améliorer des capacités spéciales. Celles-ci se partagent entre compétences de combats ou des améliorations des capacités spéciales d’un personnage. On trouve même une gestion de l’équipement (armes, améliorations, munitions spéciales, etc). Que demander de plus ?

Il est pas frais mon sang froid ?

Le hic, c’est que BKOM Studios ne s’est pas arrêté là et a ajouté une autre mécanique au gameplay du jeu : le sang-froid. Chaque personnage supporte différemment le stress lié à un cambriolage et cette donnée est représentée par une jauge graduée. Vous débutez à 100%, et au gré de vos actions durant la mission, la jauge diminue ou se remplit. Lorsque l’un de vos personnages passe sous un des seuils de la jauge, le personnage se voit infliger un malus : diminution de l’efficacité au combat, diminution de l’efficacité de certaines compétences, etc. Problème, le truc est tellement mal branlé et scripté que le joueur ne gère pas le sang-froid de ses personnages, il le subit.

Crise de paranoïa

En fait et à de rares exceptions près, la perte de sang-froid est moins liée à vos décisions qu’au déroulement du jeu. C’est par exemple normal, et gérable, de perdre du sang-froid lorsqu’un personnage doit fouiller un cadavre. Dans ce genre de cas, vous choisissez vous-même qui effectue l’action. Mais dans la majorité des cas, vous n’avez pas le choix. Pénétrer dans certains lieux obligatoires à la progression du jeu vous fait perdre du sang-froid. Et vous ne voulez pas d’un personnage sans sang-froid. C’est particulièrement vrai pour Gavin, personnage le plus susceptible de perdre le contrôle de ses nerfs et dont la paranoïa peut le pousser à attaquer ses alliés à la fin du tour si vous ne parvenez pas à le calmer. Ce qui coûte des PA que vous n'avez potentiellement plus. Il faut également savoir qu’entrer en combat avec un personnage dont la jauge de sang-froid est trop basse a des conséquences. Le personnage n’a alors qu’un temps limité pour choisir son action ou même se met à imaginer des ennemis qui lui infligent des dégâts à la fin de son tour. Autant d'éléments qui ont tendance à rendre les combats assez pénibles. Sans même parler des aptitudes des bosses qui peuvent diminuer le sang-froid d'un personnage...

Gavin perd son sang-froid
Gavin perd son sang-froid
Sally également, mais en combat
Sally également, mais en combat

Un ensemble qui boite, mais ne s’emboite pas

Hélas pour Sunday Gold, la sauce a beaucoup de mal à prendre et l’ensemble sonne un peu artificiel. Prenons quelques exemples pour illustrer mon problème avec le jeu. Commençons avec le plus évident : le système de PA se prête assez mal à des énigmes complexes, car il tend à pénaliser les erreurs. Chaque action coûte des PA et plus l’énigme demande d’actions, plus une éventuelle erreur vous fait perdre des PA inutilement. Pire, cette micro-gestion permanente des PA des personnages devient vite lourde, lorsqu'on n'a pas d'autre choix que de passer son tour parce que le personnage nécessaire à une action n'a plus de PA. Le système semble également un peu factice dans le sens où la majorité des interactions ne sont pas facultatives et que le scénario finit toujours par déclencher une alarme à votre place, transformant la fin des chapitres en succession de combats. Des combats qui sont d’ailleurs assez inintéressants, bien trop répétitifs ou bien trop longs pour être amusants.

Vous aurez parfois le choix de l'approche
Oups

Le plus dommage dans tout ça, c’est que Sunday Gold aurait pu être un point’n’click tout à fait correct s’il ne s’était pas encombré de ces systèmes secondaires. L’histoire n’est pas mauvaise, les personnages réussis, le méchant a une bonne tête de méchant, le doublage est plutôt bon (voix anglaises uniquement, mais le jeu est totalement sous-titré) et l’identité visuelle du jeu fonctionne super bien. Si j’ai bien quelques petites réserves sur certaines énigmes un peu trop confuses, la partie purement point’n’click fonctionne. En fait, on a même l’impression que le système de PA et de tours a été un boulet pour les développeurs eux-mêmes, surtout lorsqu’ils décident de séparer les personnages. Ainsi, on ne joue parfois qu'un seul personnage durant un passage qui prend plusieurs tours (ce qui fait monter la vigilance) pendant que les deux autres se tournent les pouces.

La séquence de l'incinérateur
La séquence de l'incinérateur
Il est d’ailleurs amusant de noter que le passage où le système fonctionne le mieux est un passage où il n’est pas utilisé comme dans le reste du jeu. Nos héros sont coincés dans un incinérateur et, plutôt que d’imposer aux joueurs un passage chronométré, le jeu choisit de corréler les PA et l’allumage de l’incinérateur. Durant ce passage, les personnages n’ont plus de PA personnel, mais vous ne disposez que d’un nombre total de PA à utiliser pour sortir. Cela fonctionne très bien. On a la pression non pas d'agir vite, mais d'agir intelligemment et le fait que les PA soient globaux évitent les calculs d'apothicaires entre les personnages. C'est vers cette voie qu'il aurait fallu aller, selon moi.

Quelques soucis techniques en prime

On pourrait résumer la partie technique en disant qu’elle est à l’image du jeu. Sur le plan visuel, le jeu profite d’un style très réussi avec une très chouette utilisation de vignettes donnant un aspect comic lors des scènes importantes. Par contre, on regrettera quelques petits ratés dans la lisibilité de l’ensemble, avec des objets qui sont parfois difficiles à voir. Le jeu intègre bien une mise en surbrillance des objets avec lesquels on peut interagir, mais sous la forme d’une capacité d’un personnage. Enfin, si j’ai bien noté quelques bugs mineurs ici et là, dont quelques imprécisions sur le mini-jeu de crochetage, c’est surtout le gros bug de sauvegarde qui m’a marqué. Je vous épargne les détails, mais dans certaines circonstances, le jeu ne mémorise pas la date de votre sauvegarde. Pas franchement pratique pour s’y retrouver, surtout si vous en faîtes plusieurs au même endroit.

Avant...
Après...

Conclusion

Je suis assez partagé vis-à-vis de Sunday Gold. C’est un jeu que j’ai aimé autant que je l’ai détesté. Lorsqu’il se contente d’être le point’n’click qu’il aurait dû être, c’est un jeu plutôt sympa, malgré des décisions de design rarement pertinentes. Mais c’est également un jeu qui trébuche souvent, et dont ce qui devait le distinguer de la masse sont autant de croix à porter, les combats et le système de sang-froid en tête. Je vous recommanderai donc d’attendre un éventuel patch ajoutant de réglages de difficulté ou des promos pour prendre le jeu à prix réduit.

Test réalisé par Grim sur PC à l'aide d'une version fournie par l'éditeur

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