Test de The Dark Pictures Anthology: The Devil in Me - Une douloureuse innovation

The Devil in Me, ultime volet de la première saison de The Dark Pictures Anthology est sorti le 18 novembre 2022. Pour quel résultat ?

Chérie, ça va couper

Continuant son tour d'horizon des sous-genre de l'horreur, Supermassive Games s'attarde cette fois sur les Slashers. Précisons quand même que leur inspiration manifeste provient davantage des films Vendredi 13, Halloween ou encore Saw que des Scream. Cependant, prenons le temps de poser le décor.

Comme dans les précédents opus, nous incarnons un groupe de cinq personnes. Il s'agit cette fois d'une équipe de production indépendante responsable d'une série consacrée aux tueurs en série. Ses membres sont invités à passer un week-end sur une île, dans une reconstitution de l'hôtel dans lequel H. H. Holmes a commis tant de meurtres. Dans un cadre pareil, comment les choses pourraient-elles mal tourner ?

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Avoir les moyens de ses ambitions

Les premiers moments de jeu, une fois la scène d'introduction terminée, sont l'occasion pour Supermassive Games de nous introduire aux mécaniques du jeu. Une démarche classique, mais d'une ampleur inhabituelle pour ce développeur. En effet, The Devil in Me offre un gameplay beaucoup plus développé que les précédents opus.

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Si vous n'avez jamais joué à un jeu de cette série, vous me prendrez peut-être pour un imbécile annonçant que le soleil est chaud. Dans ce titre, il est possible de déplacer la caméra librement. Deux boutons sont principalement utilisés : l'un permet d'interagir avec l'environnement ou de déplacer des objets (pour s'en servir plus tard comme plateforme), l'autre pour sauter, ramper ou grimper. Enfin, un système d'inventaire a été intégré. Ainsi, dans certaines scènes, il est parfois nécessaire de déplacer des plateformes pour atteindre une zone dans laquelle se trouve la clef qu'il faut ramasser pour ouvrir une porte verrouillée.

Toutes ces mécaniques sont extrêmement classiques : on les trouvait déjà dans certains jeux d'horreur sortis au siècle dernier. Cependant, c'est la première fois qu'elles apparaissent dans un jeu de cette anthologie. De toutes ces options, seule la caméra libre était déjà présente dans House of Ashes, mais elle est beaucoup plus aboutie dans The Devil in Me : on sent que le jeu a été pensé pour cette fonctionnalité, notamment au niveau du level design, alors que cette dernière avait manifestement été intégrée de manière tardive dans le développement de l'opus se déroulant en Irak.

De la même manière, chaque personnage dispose d'une aptitude spécifique : Charlie peut ouvrir des tiroirs verrouillés, Mark accéder à des objets en hauteur, Kate lire des messages déchirés, etc. Le titre propose également plusieurs codes à trouver et des boîtes de fusibles à réparer. En somme, il offre un gameplay beaucoup plus développé.

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Cependant, tous ces ajouts de gameplay s'insèrent mal avec la formule de base. Ainsi, chaque personnage a une capacité qui lui est propre. Super. Sauf que comme il n'est pas possible de choisir son personnage et que l'aventure est linéaire, cela n'a en réalité aucun intérêt. Concrètement, Charlie est par exemple le seul à être confronté à des tiroirs verrouillés. Aussi, cette fonctionnalité ne ressemble pas à un ajout, mais à une contrainte supplémentaire ajoutée à l'aventure de chaque personnage, qui doit mettre à profit sa compétence au moins une ou deux fois.

De même, en dépit de la caméra libre et des possibilités de déplacements plus développées, le jeu n'est pas un monde ouvert pour autant, bien au contraire. Le summum est atteint dans un labyrinthe, qui n'est en réalité qu'un long couloir déguisé : les passages alternatifs mènent tous rapidement à des impasses.

Enfin, comble de l'ajout inutile : le joueur doit récolter des pièces et des cartes de visite de Du Met, l'antagoniste. Celles-ci ne servent à rien, hormis à débloquer des dioramas dans le menu principal. Je suis un grand amateur de collectibles de manière générale, mais pourquoi en ajouter une couche alors que le jeu propose déjà 50 secrets et 13 tableaux à trouver, ceux-ci s'insérant parfaitement dans la trame narrative ? Cet élément supplémentaire n'est pas gênant, mais il est un exemple parfait des volontés plus développées de Supermassive Games... qui n'apportent en réalité rien.

J'ai le rythme dans la peau

Cependant, le pire est ailleurs. Contrairement à The Quarry, sorti plus tôt cette année, il n'est pas possible ici de passer complètement les QTE ou les séquences de dissimulation ; on peut seulement régler leur difficulté, plus quelques paramètres (comme limiter les QTE à une seule touche ou désactiver leur expiration).

Il y a trois ans, je testais Man of Medan. J'avais globalement apprécié l'expérience, mais regrettais ses QTE, en particulier ses séquences de rythme lorsqu'il faut se dissimuler. Ceux-ci ont été simplifiés par la suite, mais ils sont toujours là. C'est même pire : ces séquences n'ont jamais été aussi présentes que dans The Devil in Me. Il faut parfois enchaîner jusqu'à cinq épreuves sans en rater une seule.

J'en ai raté plusieurs. Heureusement, contrairement à The Quarry, il est possible à tout moment de relancer une scène, même sans avoir terminé l'histoire. Il est également possible de se lancer à partir de là dans une nouvelle aventure, sur une sauvegarde distincte. On regrette évidemment toujours qu'il ne soit pas possible de passer les cinématiques, mais au moins cela évite de devoir traîner pendant toute une partie les conséquences d'un QTE : on quitte la scène, on la relance et c'est reparti.

Il n'empêche que The Devil in Me est le jeu qui m'a semblé le moins abouti sur le plan narratif. En effet, s'il est toujours possible de tuer ou de sauver n'importe quel personnage, leur destin dépend beaucoup plus de la réussite et de l'échec d'un QTE que des choix. C'est ce que je déplore le plus : j'aimerais vivre davantage de situations dans lesquelles les choix ont réellement des conséquences, idéalement qui ont un impact bien au-delà de la scène en cours. Cependant, le pire est ailleurs.

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Mister Freeze

2019. 2020. 2021. 2022. Chaque année, Supermassive Games répond présent avec un nouvel opus de sa série The Dark Pictures Anthology, à chaque fois disponible aux alentours d'Halloween. Cette année, il a même sorti deux jeux différents puisque The Quarry a été lancé en juin dernier. Cependant, il semblerait qu'ils aient atteint leur limite. En effet, s'il est arrivé que quelques bugs demeurent dans leurs jeux, The Devil in Me est sans commune mesure avec ses prédécesseurs sur ce plan. Faisons la liste.

Le plus notable est le mélange entre la VO et la VF : en jouant en français, les personnages font régulièrement des réflexions en anglais. La synchronisation labiale semble parfois ne pas fonctionner, quelques bugs visuels sont présents et il est arrivé que je ne puisse pas interagir du tout avec un objet. Tout ceci est gênant, mais il est tout à fait possible de faire avec.

En revanche, ce qui est beaucoup plus pénalisant, c'est que dans certains cas, le jeu semble sauter des parties des scènes et des dialogues ou proposer une version non pertinente des événements. D'ordinaire, les jeux de l'anthologie The Dark Pictures sont une machinerie complexe, un animatronique capable de prendre en compte chaque décision prise et chaque secret trouvé pour produire une histoire toujours cohérente. Cela crée un des moments les plus satisfaisants de la formule : quand les personnages se servent des secrets trouvés pour établir une théorie ou, mieux, permettre d'accéder à une fin secrète. Seulement, ici, ce n'est pas seulement que ça ne fonctionne pas : les problèmes techniques font qu'on ne sait plus si les événements qui se produisent sont normaux ou non. Prenons un exemple concret.

Erin, la preneuse de son, est asthmatique. Heureusement, elle possède un inhalateur, que j'étais parvenu à obtenir lors d'une scène. J'avais cependant choisi de ne pas m'en servir, préférant le garder pour plus tard... jusqu'à ce qu'il disparaisse sans raison de mon inventaire. Par la suite, je m'attendais donc à ce que ce choix ait des conséquences, imaginant la mort d'Erin à cause de ce bug, mais il n'en a rien été : rapidement, Erin a agi comme si elle était en parfaite santé.

En l'occurrence, il y a deux possibilités. Soit ce choix n'avait aucun impact, soit le jeu a été incapable de prendre en compte ma décision et a fait comme si elle n'existait pas. Dans les deux cas, c'est insatisfaisant.

Les développeurs ont communiqué sur la situation, expliquant que c'était lié à l'absence d'un patch. La fin de ma partie, effectuée dimanche, était beaucoup plus stable que le début. Était-ce lié au patch ? Au fait que la deuxième moitié du jeu était mieux finalisée ? Je ne saurais le dire. Les avis sur Steam pointent les mêmes problèmes, donc ces soucis ne semblent pas limités à la version PlayStation 5, sur laquelle ce test a été effectué.

Quand y en a plus y en a encore

Force est de reconnaître que ce voyage dans l'univers des Slashers ne s'est pas passé de la meilleure des manières. J'aurais préféré que les créateurs du jeu s'inspirent davantage des Scream, en proposant une dimension enquête plutôt qu'un tueur invincible. Je ne vois guère l'intérêt des ajouts au gameplay et regrette qu'il ne soit pas possible de passer ces satanés séquences de rythme, plus omniprésentes que jamais. Enfin, le jeu est techniquement très instable, ce qui incite au moins à différer son achat.

Pourtant, quand Supermassive Games a annoncé que The Devil in Me constituait le "final de la première saison de The Dark Pictures Anthology", je craignais que cette aventure ne s'arrêtât. En effet, même si la formule semble aller dans la mauvaise direction depuis Man of Medan, proposant à chaque nouvel opus des ajouts que je ne souhaite pas (davantage de gameplay, les collectibles inutiles) au détriment de ce que je souhaiterais (la possibilité de passer une scène déjà vue et celle de supprimer les QTE), chaque nouveau jeu de The Dark Pictures Anthology est l'occasion de passer une belle soirée avec mon groupe d'amis. Ces quatre jeux sont plus qu'une simple collection : ils sont la source de moments inoubliables et j'espère vraiment que ce n'est pas prêt de s'arrêter.

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Test réalisé par Alandring sur PlayStation 5 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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