Test d'Harmony: The Fall of Reverie - Un mauvais visual novel

Harmony: The Fall of Reverie sort aujourd'hui sur PC et sur Switch, puis le 22 juin sur PlayStation 5 et Xbox Series X|S. Qu'en penser ?

Pour la beauté du geste

Harmony: The Fall of Reverie prend place sur Altina, une île fictive se trouvant sur la mer Méditerranée. Grâce à l'influence de l'entreprise MonoKonzern, la ville se trouvant sur celle-ci a connu un développement hors du commun : des bâtiments ultra modernes ont été bâtis, l'insécurité a disparu et la vie des gens a été grandement améliorée par des outils technologiques, tels les drones de livraison qui se sont multipliés.

Cependant, comme toujours dans ce genre de contextes, tous ne sont pas prêts accepter le progrès. En l'occurrence, il se manifeste par un groupe d'anarchistes squattant une ancienne piscine municipale et dont la dirigeante, la mère de notre héroïne, vient tout juste de disparaître. Le joueur a donc pour mission de la retrouver, mais aussi de rétablir l'équilibre entre la Terre et Rêverie, un monde fantastique centré sur les Aspirations (le Pouvoir, la Félicité, le Lien, etc.) de l'Humanité.

C'est ainsi que j'ouvrais mon aperçu du mois dernier afin de de décrire le cadre du jeu. Ce cadre est parfaitement retranscrit par les visuels du jeu, qui sont particulièrement réussis. En effet, ceux-ci sont extrêmement colorés et correspondent parfaitement à l'image que l'on aurait d'une ville futuriste située sur une île de rêve. La direction artistique est très réussie, surtout pour les décors, les personnages n'étant pas tout à fait au même niveau.

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En outre, comme je l'indiquais aussi par ailleurs, Harmony: The Fall of Reverie se distingue des autres titres de Don't Nod par le fait que c'est leur premier pur visual novel. Ainsi, le jeu ne propose qu'un menu à partir duquel on lance les discussions, sans aucune autre forme d'interaction : il n'y a pas de QTE, pas de choix de dialogues en dehors de ce menu, pas non plus d'exploration (libre ou non) dans l'univers. Le jeu ne propose que du texte sur des écrans fixes, ponctué de très rares cinématiques.

Le menu permet, dans certains cas, de visualiser les conséquences d'une action. Cependant, il n'est pas juste de le dire ainsi : il offre plutôt la possibilité de voir quels sont les enchaînements possibles. Prenons un exemple concret, qui se produit souvent en jeu : un joueur doit choisir deux possibilités parmi trois, débloquant une suite différente en fonction de la combinaison choisie. Dans ces cas, il est souvent possible de voir quelle combinaison débloque quoi, mais c'est assez flou : on voit uniquement le titre de la scène, plus éventuellement les scènes et les bonus qu'elle débloque, mais on ne peut la prévisualiser en avance.

Les "bonus" que j'évoque sont liés au cœur du jeu : les aspirations. Concrètement, Polly, le personnage principal, est en contact quasi-permanent avec six d'entre elles. Ses décisions permettent d'obtenir des cristaux liés aux différentes aspirations. Ceux-ci permettent ensuite de débloquer certaines scènes, mais sont aussi déterminants pour la sélection de la fin de l'acte.

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Si vous lisez régulièrement mes tests des jeux narratifs, vous avez peut-être l'habitude de me voir râler contre les tentatives des développeurs d'ajouter du gameplay - particulièrement des QTE - à ce type de jeux. En soi, un pur visual novel, cela devrait être cool, non ?

La Mantique
La Mantique
Non. Enfin, ça pourrait l'être, mais la formule proposée par Don't Nod ne fonctionne pas vraiment. En effet, comme je le disais, le joueur doit lancer les différences scènes depuis un menu, intitulé "la Mantique." Or, ces scènes sont très courtes : certaines ne contiennent littéralement que trois écrans de texte. Le jeu force donc à retourner en permanence sur l'écran de la Mantique, engendrant un rythme haché très désagréable.

De même, je n'ai jamais eu autant l'impression de ne pas faire de choix. Pourtant, il y en a partout : il y a plusieurs fins principales et de nombreuses décisions ont des conséquences plusieurs chapitres plus tard.

Cependant, le fonctionnement des aspirations et l'affichage des enchaînements sur la Mantique rend ces décisions triviales : le joueur ne prend pas telle ou telle décision parce qu'il pense que c'est la meilleure, mais parce qu'il a besoin de deux cristaux de lien pour débloquer la séquence qui l'intéresse.

Ces deux éléments font qu'à aucun moment je n'ai été embarqué dans l'histoire. C'est aussi lié à la nature de cette dernière : elle est extrêmement mal écrite, car très manichéenne. MonoKonzern, l'entreprise servant d'antagoniste au récit, est un cliché ambulant des théories complotistes. Globalement, le système narratif fait que l'on a beaucoup de mal à connaître et plus encore à s'attacher à la petite dizaine de personnages.

Un jour sans fin

Enfin, le titre manque curieusement d'options basiques des précédents jeux du studio. Ainsi, il y a plusieurs emplacements de sauvegarde, mais il est impossible de dupliquer une sauvegarde ou de recommencer depuis un endroit spécifique. Il est simplement proposé de recommencer un chapitre (les cinq actes du jeu en comptant trois chacun), mais une fois celui-ci terminé, il est impossible de revenir en arrière sans tout recommencer de zéro.

Prenons un exemple concret pour illustrer cela. À la fin du deuxième chapitre du dernier acte, j'avais accès à trois choix. J'ai commencé par sélectionner celui qui m'intéressait le plus. Puis, comme c'était proposé, j'en ai sélectionné deux autres, alors que j'aurais pu simplement terminer le chapitre sur le champ. Ces deux options m'ont chacune ouvert une fin supplémentaire, mais ont fermé celle qui m'intéressait véritablement. Je n'ai pu le constater qu'au début du chapitre 3 ; à ce stade, il était trop tard pour changer, à moins d'être prêt à recommencer le jeu depuis le début.

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Mauvais choix

Quand le jeu fut annoncé, dans une bande annonce intrigante évoquant la possibilité de voir l'avenir (rappelant Life is Strange), j'avais hâte d'en savoir plus. Don't Nod est en effet un des acteurs majeurs du genre et il compte à son actif bien plus de succès (Life is Strange, Tell Me Why et Twin Mirror) que d'échecs (Life is Strange 2). Cependant, le premier contact, en mai, fut difficile et cela n'a été que confirmé par l'accès au jeu final.

Harmony: The Fall of Reverie a des qualités, en particulier sa direction artistique, et la tentative de faire un pur visual novel, soit un produit très différent de la formule habituelle du studio, était intéressante. Cependant, le titre est un naufrage narratif, que ce soit en termes d'écriture - le jeu étant particulièrement manichéen - ou de mise en scène, les incessants retours à la Mantique pour lancer des scènes ridiculement courtes et l'étrange système de choix empêchant d'être emporté par l'expérience.

Il existe probablement, sur une Terre alternative, un monde dans lequel je teste un grand jeu. Malheureusement, ce n'est assurément pas le cas ici ; espérons que ce n'est qu'un raté sans conséquence et que l'autre jeu Don't Nod prévu cette année, Banishers: Ghosts of New Eden, sera bien meilleur.

Test réalisé sur PC par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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