Test d'Eiyuden Chronicle Hundred Heroes - La nostalgie au dépend des idées ?

Développée par le studio Rabbit and Bear et réalisé par feu Yoshitaka Murayama, Eiyuden Chronicle Hundred Heroes est une lettre d'amour ouverte à l'un des plus grandes saga du J-RPG : Suikoden. Mais est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Est-ce que le jeu réussi tout de même à se réinventer ? On vous dit tout !

Braveheart

Comme nous vous le racontions dans notre aperçu, l’histoire se déroule dans la région d’Allraan où la guerre sonne à la porte du destin du jeune Nowa, un garçon d’un village isolé. Alors que celui-ci rejoint la garde pour partir à la recherche de puissants artefacts, il est pris, malgré lui, dans un torrent d’évènements où les frontières de l’amitié et de l’alliance ne sont plus aussi claires.

Qu’on soit clair, je n’ai pas été transporté par l’histoire du jeu, car, à mon sens, elle manque cruellement de rythme. Tout est rapide, sous-exploité, tandis que d’autres moments prennent un temps dingue pour peu d’intérêt. Nous sommes catapultés dans l’introduction du jeu qui prend quasiment 25 % de la durée de vie et malgré le fait que la guerre explose littéralement en pleine face des protagonistes, on sent une espèce de légèreté étrange qui émane des dialogues. Comme si personne n’était vraiment concerné ou que les enjeux n’étaient finalement pas si importants. Même quand le village natal du protagoniste est en feu, on ne ressent aucune émotion qui ressort de cet évènement traumatique.

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Il y a certes une tentative habile des développeurs de nous faire ressentir une certaine vibration liée à Suikoden 2 dans l’amitié impossible entre Nowa et Seign (qui rappelle l’amitié entre le héros et Jowy dans Suikoden), mais c’est amené encore une fois bien trop rapidement : rien n’est construit et on ne fait finalement qu’effleurer le sujet qui transpire pourtant à l’écran dans tous les sens.

La volonté de faire revivre une aventure digne des années 90 est vraiment intéressante, mais le jeu peine clairement, dans son écriture à produire quelque chose de nouveau, d’unique et qui n’a pas déjà été vu et revu des centaines de fois. À titre de comparaison, un titre comme Sea of Stars était bien plus complet, car la nostalgie n’était pas que la fiche d’identité du jeu.

Malgré cela, on ressent ce côté vieille école que ce soit dans les villages/villes ou les paysages proposés par le jeu. C’est agréable pour peu qu’on ne décide pas forcément de s’attarder aux détails comme les sprites de NPC qui se répètent assez souvent à l’inverse des personnages recrutables. Est-ce qu’on peut quand même apprécier le charme du jeu ? Bien entendu, mais si certains seront « sous le charme », d’autres risquent de trouver cela assez générique dans l’ensemble.

Le stratège

L’exploration 

Il n’y en a quasiment pas. Le jeu est une belle ligne droite dans la plus grande partie de son œuvre. Vous allez d’un point A à un point B pour revenir à A, etc. D’ailleurs, vous pouvez essayer d’aller plus vite que la musique, mais le jeu vous rappellera que vous n’avez pas parlé à machin bidule ou que vous n’avez pas regardé la tente avant de faire le tour par-derrière… Bref, ne vous attendez pas à explorer malgré le fait que le jeu propose un monde plutôt ouvert, mais cruellement vide.

Mention spéciale à la gestion de l’inventaire qui est tout simplement incompréhensible en 2024. Limiter un inventaire à 30 places sans avoir réellement la possibilité de l’augmenter est une aberration sans nom et qui vous donne la mention géniale en ouvrant un coffre : « Inventaire plein ». On est d’ailleurs sur 30 objets, ce qui comprend les équipements, objets utilisables en combat, runes… Autant vous dire qu’on passe un très bon moment à utiliser le dépôt du jeu parce qu’on n'a clairement que cela à faire, bien entendu !

Le recrutement

Nous vous en parlions brièvement, mais le recrutement est des plus classiques et manque malheureusement cruellement de profondeur. Si c’était déjà le cas dans les Suikoden, on regrette que 25 ans plus tard, aucun effort n’ait été fait pour introduire les héros de manière un poil plus intéressante. Je prends pour exemple un personnage décide soudainement de mettre sa vie entre mes mains parce que je lui ai prouvé qu’il était tout à fait possible de buter 5 sangliers… Bien souvent, la plupart des personnages nous rejoignent pour des raisons assez peu concrètes (réussir une quête) voire juste parce que vous leur adressez la parole.

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Les combats

On retrouve une nouvelle fois une représentation très « Suikoden » avec notamment la possibilité de monter une équipe de six personnages jouables répartis en deux lignes. Le combat se déroule au tour par tour et une ligne, en haut de l’écran, symbolise le moment où vos personnages jouent leurs actions (de même pour les ennemis). On pourrait croire qu’il y a une certaine stratégie à savoir qui attaque quand, mais cela reste majoritairement anecdotique vue la difficulté peu complexe des combats. On retrouve d’ailleurs un « Hard Mode » qui se contente d’augmenter les dégâts des ennemis. Point positif et parfois rageant, l’IA est loin d’être bête et a tendance à attaquer vos plus faibles troupes quand cela est possible (par exemple, après avoir ressuscité un allié, vous pouvez être sûr qu’il sera focus).

Chaque combattant a la possibilité d’utiliser des compétences via des lentilles. Celles-ci se débloquent et s’organisent au fur et à mesure de vos montées de niveaux. Il est possible d’en acheter et de customiser un tant soit peu vos personnages. Il est aussi possible d’utiliser des lentilles passives qui augmenteront vos capacités.

Concrètement, vous passez votre temps à taper pour augmenter votre barre de compétences, utiliser ensuite vos compétences et bis repetita. Il y a bien la possibilité de réaliser des combos entre différents membres de groupe, mais, là encore, le résultat rend quelque peu perplexe tant la différence de dégâts n’est pas assez marquée.

On pourrait parler de la magie qui reprend les différents éléments (eau, terre, feu…), mais qui coûte beaucoup trop cher pour être utilisé couramment. Mais là encore, les résultats ne sont pas assez intéressants pour vraiment se dire que le jeu en vaut la chandelle.

Il est à noter que le jeu propose un mode « Auto » pour que vos alliés attaquent eux-mêmes comme dans le meilleur des gacha. Je ne vois vraiment pas l’intérêt, car les combats contre les monstres sont plutôt rares. Il m’est arrivé de parcourir toute une zone sans avoir le moindre combat par moment ; c’est totalement déstabilisant. Puis, soudainement, vous avez 4-5 combats de suite, puis plus rien.

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Le jeu offre une certaine diversité dans ses combats avec notamment de grandes guerres ou encore des duels. J’ai trouvé ces derniers plutôt sympas, avec une bonne ambiance et une musique entrainante. Les grandes guerres sont tout l’inverse, d’un ennui mortel, sans stratégie ni enjeu. On aurait pu retrouver un système similaire à SaGa Frontier 2 et ses grandes batailles (quitte à taper dans de l’ancêtre), mais rien de tout cela. On se contente d’envoyer ses troupes sans vraiment savoir ce qui fonctionne ou non. Alors certes, plus tard, il est possible de customiser ses troupes, mais cela reste plutôt simpliste et un peu trop simpliste.

Les mini-jeux

Que serait un J-rpg sans mini-jeux ? Un bon jeu.

Plus sérieusement, on retrouve quelques mini-jeux durant l’aventure allant de la course de bateau des sables aux défis culinaires ou encore aux indémodables jeux de cartes. Qu’on soit clair, il est possible de passer son temps afin de faire autre chose. C’est plaisant dans l’ensemble, notamment le jeu de cartes et le Beigoma qui n’est autre que l’ancêtre de Beyblade.

Le château

Une fois que vous serez à la tête de la résistance (encore une fois, on ne sait pas pourquoi vous et pas les 32 officiers bien plus qualifiés, mais bon…), vous aurez la chance de gérer votre propre château et d’y construire, via des ressources, de nouveaux quartiers. L’occasion de créer votre petit chez vous, mais surtout l’obligation d’avoir les bons alliés afin de développer votre base. Les ressources se trouvent généralement via les donjons et sont bien plus nombreuses que les combats.

60 fps chrono

On pourrait se dire qu’un jeu de cet acabit en matière de graphismes ne serait pas vraiment difficile à faire tourner et c’est en effet le cas. Enfin, surtout sur PC (la version de test), car ce n’est malheureusement toujours pas le cas au niveau du SteamDeck. On constate de nombreuses pertes de FPS sur la console portable de Valve et j’ai ouï dire que c’était aussi le cas sur Switch. C’est vraiment dommage pour un jeu qui brille clairement sur des consoles portables.

Concernant les versions PlayStation et PC, aucun souci de framerate à l’horizon. Au contraire, n’hésitez pas à limiter les FPS sur PC, car j’ai eu tendance à avoir des animations accélérées dans certains passages.

Finalement, on ne jouerait pas à Suikoden 2 ?

Eiyuden Chronicle : Hundred Heroes n’est pas un mauvais jeu en soi, mais un projet qui manque clairement de profondeur. Le jeu est une lettre d’amour à l’époque de Suikoden, mais à aucun moment il ne tente de déclarer sa flamme avec vigueur. Il se contente plutôt de reprendre des concepts sans leur apporter de profondeur. On pense notamment à la multitude d’alliés qui reste le point fort de la saga, mais pourquoi reprendre des limitations aussi saugrenues dans la manière de les acquérir ?

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Outre cela, l’écriture n’est pas forcément mauvaise, mais tout est catapulté dans tous les sens, sans raison, encore une fois sans profondeur. On retrouve quelques moments plus épiques, mais j’en attendais clairement plus que de reprendre des concepts vus et revus en espérant que le fan de Suikoden 2 se dise « J AI LA REF! ».

Je pense sincèrement que le jeu aurait dû être beaucoup mieux travaillé surtout que c’est la dernière œuvre sur laquelle Yoshitaka Murayama a travaillé. Peut-être qu’il aurait fallu moins se focaliser sur les stretchs goals et plus sur le contenu principal. Bref, le résultat est là et si j’en ressors quelque peu déçu, ce n’est pas pour autant que ça en fait un mauvais jeu ou que les autres n’y prendront pas du plaisir. Je pense que sans être trop regardant et en ayant vraiment aimé Suikoden, on ne peut que trouver un certain bonheur, mais je me demande sincèrement s’il ne faudrait pas relancer Suikoden 2, en fait.

Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est disponible au prix de 49,99 euros sur Steam, PlayStation 4 et 5, Xbox One et Series X|S ainsi que sur Nintendo Switch.

Ce test a été réalisé sur PC par Glaystal via une copie offerte par l’éditeur.

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