Test de Fantasian Neo Dimension – Quand un grand chef sort sa vieille recette

Fantasian Neo Dimension est le tout dernier jeu imaginé par Hironobu Sakaguchi et son studio Mistwalker. Pour ceux qui ne connaissent pas ce personnage, il est entre autre le papa de la série Final Fantasy, de Blue Dragon, Lost Odyssey, The Last Story et a grandement participer aux divers succès de Squaresoft avant de démissionner en 2003 suite au terrible échec au cinéma du film Final Fantasy: The Spirits Within, dont il était le réalisateur. Pour résumer, le monsieur fut un des noms les plus importants de l’âge d’or du J-RPG au même titre que Yuji Horii - créateur de la saga Dragon Quest - avant de trébucher violemment. Mais cet échec lui donna l’occasion de retrouver le goût à la création dans son tout nouveau studio Mistwalker, créé en partie grâce aux fonds de Microsoft, pour  lequel il devra développer plusieurs jeux exclusifs. En son sein et avec des proches de longue date comme le célèbre compositeur Nobuo Uematsu, il développa plusieurs jeux sur consoles avant de choisir les plateformes mobiles afin de conserver tout le processus créatif en interne. C’est ainsi que le jeu de cartes tactique Terra Battle fit son entrée en 2014 suivi de Terra Battle 2 (2017) et de Terra Wars (2019).

Mais voilà, les J-RPG à l’ancienne lui manquent et ce serait après avoir rejoué à Final Fantasy VI que lui serait venu l’envie de créer un nouveau jeu : Fantasian. Et cette fois, pas de free to play, pas de microtransactions, mais un jeu complet et pour y arriver, il va s’associer à Apple, qui recherche des jeux afin de promouvoir son tout nouveau service Apple Arcade. Afin de se démarquer des autres jeux du genre, une décision assez osée fut prise concernant la direction artistique. Plutôt que de créer les environnements sur ordinateur, pourquoi ne pas utiliser des maquettes pour ensuite profiter de la technique de photogrammétrie afin de les importer dans le jeu ? Ainsi, plus de 150 dioramas furent créés dans tout le Japon, dont un par Akira Toriyama (Dragon Ball, Dr Slump) sous un pseudonyme, pour offrir au jeu une originalité artistique rarement vue auparavant. Les personnages furent eux imaginés par Takatoshi Goto, qui avait déjà travaillé sur les deux Terra Battle, et la musique fut bien entendu confiée à Nobuo Uematsu. Le jeu a été découpé en deux parties, dont la première fut déployée en avril 2021 suivie de la seconde en août de la même année. Les critiques étant élogieuses et le succès au rendez-vous, il était donc normal qu’il débarque un jour sur les autres plateformes et c’est donc chose faite, puisqu’il a depuis peu posé ses valises sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5, Xbox Series X|S et PC sous le nom Fantasian: Neo Dimension. Note importante : le jeu ne possède pas de traduction française et n'est disponible qu'en anglais ou en japonais.

Un retour aux sources

Fantasian Neo Dimension conte les aventures de Leo, un jeune homme amnésique après avoir tenté d’infiltrer ce qui semble être une usine robotisée dans un univers parallèle. Aidé de deux robots, il retourne dans son univers afin de découvrir qui il est et pourquoi il tentait d’infiltrer cet endroit. Durant son périple, il rencontre Kina, une jeune femme cachant un étrange pouvoir, Cheryl la Princesse du Royaume de Vibra ou encore l’expérimenté capitaine Zinikr, ancien ami du père de Leo. Ensemble, et accompagnés de bien d’autres personnages par la suite, ils vont traverser différentes régions, mais aussi d’autres univers afin d'enquêter sur l’étrange infection mécanique qui ronge le monde et comprendre pourquoi le dieu Vam le Malveillant en a après eux.

L’histoire de Fantasian est assez classique et, en dehors des univers parallèles, reste sur des sentiers bien connus. Ce n’est toutefois pas  un reproche, puisque Hironobu Sakaguchi semble avoir souhaité retrouver les sensations des anciens J-RPG. De ce fait, aucune surprise à tomber nez à nez avec ce qui faisait l’essence des jeux de l’époque et de l’ère PlayStation. C’est un scénario cousu de fil blanc, qui fait le boulot tout en réussissant à préserver l’envie d’aller au bout des dizaines d’heures nécessaires à sa complétion. Quant aux personnages, ils ne sont guère plus originaux. Le héros amnésique, la soigneuse au pouvoir mystérieux, la princesse indépendante, le capitaine au grand cœur, la scientifique, l’orphelin, le combattant sombre et solitaire, le dieu malfaisant, tout y passe et c’est très bien ainsi, car ils ont tous un petit truc, une nuance qui arrive à les sortir un peu du lot. C’est d’autant plus vrai qu’à défaut de proposer des personnages originaux, leurs relations sont plutôt bien écrites. Attention, ne vous attendez pas à de la grande littérature, cela reste un J-RPG avec la qualité de dialogues que l’on connait. Malgré tout, les interactions entre les personnages fonctionnent et on se prend assez vite d’affection pour eux. Au bout du compte, on est vraiment face à un jeu qui aurait pu sortir sur la première PlayStation voire la PlayStation 2. Un jeu à l’histoire facile d’accès, plutôt réconfortant à défaut de faire original. Par contre, s’il y a bien un point sur lequel il ne fait pas comme les autres, c’est le gameplay.

La sinusoïdale des batailles

Enfin, sur une partie du gameplay, car le squelette du jeu est lui aussi très classique. On balade notre groupe de personnages en ligne droite dans des environnements cloisonnés à la caméra fixe, on parle aux différents habitants du monde, on achète de l’équipement et des objets dans les divers magasins, on remplit des quêtes, et de temps en temps, un combat se lance, et on recommence. Point qui risque de déplaire à certains, vous ne voyez pas les ennemis dans le décor ; les combats se lançant via un écran de chargement comme dans les anciens Final Fantasy.

Mais c’est là que le jeu devient vraiment original. Si le système reprend les bases du combat en tour par tour, avec les forces et faiblesses de votre groupe et des ennemis, les attaques ont pour originalité de posséder des propriétés directionnelles, que vous pouvez contrôler en déplaçant la ligne de visée. Cette manipulation de la trajectoire ouvre ainsi la porte à des stratégies plus complexes, que l’on retrouve plus généralement dans les puzzle games. Une attaque peut toucher en ligne droite, en courbe, en cloche, en éventail, en cercle, mais aussi percer les lignes ennemies et j’en passe. Beaucoup de possibilités que le jeu ne manque pas de vous faire exploiter en plaçant les ennemis de manière à vous pousser à user et à abuser des possibilités offertes par le système. Ce n’est peut-être pas grand-chose dit comme ça, mais ça change vraiment la manière d’aborder les combats par rapport aux J-RPG plus traditionnels. Et la possibilité de changer les personnages du groupe en plein combat, façon Final Fantasy X, renforce l’importance de cet aspect, puisque chaque personnage possède des attaques aux caractéristiques singulières, que vous ne trouvez pas chez les autres et passer de l’un à l’autre permet d'adapter votre stratégie à chaque situation.

Et pour en profiter un maximum, le jeu intègre une mécanique géniale : la Dimengeon Machine. Qu’est-ce donc que cette diablerie ? La possibilité d’annuler les combats aléatoires en emprisonnant les ennemis que vous auriez normalement rencontrés pour ensuite les combattre en une fois lorsque vous le désirez sur la simple pression d’un bouton. En quoi est-ce génial ? Eh bien, au lieu de combattre deux ou trois ennemis, vous pouvez en combattre une dizaine ou plus et ainsi optimiser vos attaques aux trajectoires diverses. Et ce n'est pas tout, puisque les combats Dimengeon sont les seuls à proposer les Gimmicks permettant de fortement augmenter votre attaque ou défense en les détruisant sur le champ de bataille. Et cette Dimengeon Machine, vous pouvez l’activer ou la désactiver à la volée lorsque vous déplacez votre personnage, ce qui s’avère parfois très utile.

Quant à la progression des protagonistes, on revient vers les bonnes vieilles habitudes. Les combats rapportent de l’expérience, expérience qui augmente le niveau, qui lui-même débloque des compétences. D’autres compétences peuvent s’obtenir via l’équipement que vous pouvez soit acheter, soit trouver dans des coffres ou encore obtenir à la fin d’un combat voire en récompense de quête. Plus tard dans l’aventure, vous débloquez le Growth Map, un tableau d’évolution unique à chaque personnage dans lequel vous pouvez acheter des compétences contre des SP obtenus à chaque gain de niveau. Point positif, il est possible de réinitialiser les tableaux à n’importe quel moment pour récupérer la totalité des SP dépensés et ainsi tester des nouvelles combinaisons.

Un portage en Low Res

Sur le plan technique, Fantasian Neo Dimension montre malheureusement les limites des portages de jeux mobiles. Si l’idée des dioramas est originale et a permis d’offrir des décors de très belle facture sur les petits écrans des iPhone ou iPad, le résultat est tout autre sur un écran d’ordinateur ou pire, une télévision et ce malgré le support de la 4K. La définition des décors est bien trop faible, ce qui dénature grandement l’apport que devrait avoir la photogrammétrie sur la qualité visuelle. C’est d’autant plus dommage que la conception de plus de cent cinquante dioramas différents est un bel exploit pour un jeu vidéo et on n’en profite pas vraiment. Les modèles des personnages s'en sortent mieux. Ils sont mignons et plutôt expressifs, même si leurs designs ne plairont pas à tout le monde. Un très beau jeu mobile, à n'en pas douter, qui ne pouvait que perdre des plumes lors du portage.

Et d’ailleurs, ce n’est pas le seul souci à imputer à ses origines Apple Arcade. Le jeu ayant été conçu pour les écrans tactiles, tous les menus ont conservé ce côté envahissant avec de grosses cases à sélectionner ou des manipulations normalement inutiles pour choisir les compétences à utiliser en combat. Une refonte pour s’adapter à l’utilisation de manettes aurait été la bienvenue.

Pour ce qui est des musiques, je vais probablement me faire des ennemis, mais je trouve le travail de Nobuo Uematsu peu inspiré par rapport à ce qu’il nous a proposé par le passé. On retrouve beaucoup de similitudes avec de précédents thèmes composés pour d’autres jeux et cette sensation de n’avoir rien de vraiment nouveau dans les oreilles s’avère assez décevant venant d’une personne aussi talentueuse. C’est possiblement voulu pour coller au désir de retour aux sources, cependant le gameplay, les personnages ou la direction artistique ont le mérite de tous apporter quelque chose de nouveau et de surprenant, même si c’est parfois discret, alors que musicalement on est vraiment sur des redites à peine dissimulées d’anciennes compositions bien connues et les plus « originales » sont tristement les moins intéressantes.

Quoi de neuf docteur ?

Pour finir, parlons des nouveautés de cette version Neo Dimension, car oui, comme tout portage qui se respecte, il ne vient pas sans quelques petits ajouts, même s’ils sont assez peu nombreux dans le cas présent.

Tout d’abord, les cinématiques et une partie des dialogues importants ont été doublés en japonais et en anglais. C’est un plus vraiment agréable quand on joue sur console ou PC et la qualité des doublages est difficilement critiquable. Ensuite, un nouveau niveau de difficulté a été ajouté. Lors de sa sortie sur Apple Arcade, Fantasian ne proposait qu’un niveau de difficulté et si la première partie du jeu se voulait assez accessible, la seconde avait un pic de difficulté excessif pour bien des joueuses et joueurs. C’est aujourd’hui en partie corrigé grâce au mode normal - le niveau de difficulté originel est maintenant le mode difficile. En partie, car ce pic de difficulté existe toujours dans cette seconde partie, même si le nivellement global du jeu en a réduit l’importance. Dernier ajout sympathique, il est possible de remplacer la musique des combats par celles provenant d’autres jeux Square Enix, dont Final Fantasy VII Remake et Rebirth, Final Fantasy XIV: Endwalker et Dawntrail, Final Fantasy Pixel Remaster ou encore Final Fantasy XVI.

Conclusion

Après avoir passé plusieurs dizaines d’heures sur ce Fantasian Neo Dimension, je ne peux que comprendre son succès sur Apple Arcade. On ressent très bien ce désir de Hironobu Sakaguchi de revenir aux sources des jeux de l’ère des deux premières PlayStation, mais aussi de la Super Nintendo. Il a ce petit goût de madeleine de Proust qui fait du bien de temps en temps et je ne peux que saluer son arrivée sur les plateformes de jeux plus traditionnelles. Malheureusement, le portage n’a pas été que bénéfique pour le jeu. Les dioramas, qui faisaient la force visuelle de la version mobile, ont énormément perdu dans la conversion aux écrans plus larges et de plus hautes définitions. Et que dire des horribles menus hérités des écrans tactiles ? Pour un jeu vendu 50€, surtout sans traduction française, on était en droit d’attendre un peu plus d’attention sur le confort de jeu. Au final, cela reste un J-RPG classique sympathique aux personnages attachants et au système de combat très réussi, qui aurait juste mérité un meilleur portage. Et si jamais vous hésitez, profitez de la démo disponible sur toutes les plateformes pour vous faire votre propre idée.

Test réalisé par Lianai à partir d’une version Stream fournie par l’éditeur.

NdlR : les captures de plus de vingt heures de jeu ayant été perdues, certaines images proviennent malheureusement des assets officiels de Square Enix.