Test de Metal Gear Solid Delta : Snake Eater - La guerre froide réchauffée

Culte pour toute une génération de joueurs, Metal Gear Solid 3 est souvent tout en haut des MGS favoris des fans de la saga. C'est un jeu qui savait mêler l'intelligence du gameplay que l'on avait déjà expérimenté à l'époque dans les deux premiers épisodes, avec l'ajout de mécaniques de survie, et surtout une histoire mémorable, faite de trahisons et d'amour. Orpheline de son créateur, la série s'est depuis montrée plus discrète, mais Konami a fait le choix de proposer un remake de cet épisode en l'intitulant Metal Gear Solid Delta : Snake Eater. Une tentative de moderniser ce titre d'une vingtaine d'années, comme l'espéraient depuis longtemps bon nombre de fans.

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Comme retrouver un vieil ami

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En se lançant dans Metal Gear Solid Delta : Snake Eater, on espère y trouver les émotions d'antan, la fameuse relation entre Snake et The Boss qui a donné l'une des fins les plus mémorables du jeu vidéo, mais aussi certains côtés loufoques entre une mise en scène qui en fait parfois des caisses (comme Ocelot qui jongle avec ses armes, un running gag tout au long du jeu) et une histoire pleine de rebondissements, entre trahisons et révélations. Et c'est bien ce qu'on retrouve là, l'ensemble de ces ingrédients qui donnent à Snake Eater un caractère si particulier, une histoire capable d'être si touchante derrière ses faux airs de Série B dans la jungle russe. Une jungle dans laquelle Snake, dans les années 1960, doit détruire une arme de destruction massive développée par les Soviétiques en pleine guerre froide, mais également neutraliser The Boss, ex agente américaine, mentor de Snake, qui a fait défection vers l'Est. Solide narrativement, c'est James Bond avec des mécaniques de survie. C'est l'époque où l'on nous servait des grands méchants qui veulent détruire le monde et des complots complètement fous. Sans retenue, l'histoire nous emmène dans une aventure pleine de rebondissements et de laquelle on ressort les larmes aux yeux. D'autant plus que le jeu est sublimé par un remake aux qualités visuelles évidentes. Plus vivante que jamais, la jungle donne envie de s'y perdre, en exploitant autant que possible un jeu qui reposait sur des mécaniques de survie inédites pour la série. Il faut chasser, manger, trouver de quoi soigner les blessures subies lors d'affrontements, et plus généralement apprendre à se fondre dans le décor avec un système de camouflage qui fonctionne encore très bien aujourd'hui. Un système dépendant d'un certain nombre de tenues militaires et peintures pour le visage qui rendent Snake plus ou moins invisible à l'oeil des ennemis. Si le système est basique, il reste plutôt fun à exploiter et donne un véritable intérêt à la connaissance du terrain, le héros tentant de se fondre dans le décor d'une jungle où même les ennemis semblent se paumer. Certes, 21 ans après l'original, le système perd un peu de sa superbe d'antan, difficile d'être vraiment impressionné comme à l'époque, mais ça marche. 

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Comme les mécaniques d'infiltration, au-delà des tenues, le jeu reprenait l'essentiel des systèmes de ses aînés qui permettaient d'affronter les ennemis au corps à corps, de les neutraliser avec des armes (silencieuses ou non) ou pour les gens qui visent une run pacifiste, en utilisant exclusivement des armes tranquilisantes. MGS 3 ajoutait à l'époque quelques éléments supplémentaires spécifiques à la jungle, comme exploiter des nids d'abeille au-dessus de la tête d'ennemis ou encore leur jeter des serpents venimeux au visage. Si certaines scènes deviennent comiques quand on exploite ces éléments, il faut avouer que c'est une force du jeu qui faisait preuve de beaucoup d'inventivité. Un moyen aussi d'inclure le joueur dans son environnement et de lui faire comprendre qu'il faut l'exploiter autant que possible pour survivre. Car une fois l'alerte donnée, les choses se gâtent vite, avec des ennemis qui visent plutôt bien et surtout un Snake assez peu résistant. La nouvelle caméra à l'épaule rend toutefois les confrontations un peu plus simples, même si cette nouvelle perspective trahit la taille riquiqui des zones du jeu, celui-ci étant découpé en très petites zones relativement libres que l'on parcourt au fil de l'aventure. À noter, sur la difficulté, que le jeu offre toujours de nombreux modes de difficulté qui peuvent au choix en faire une balade de santé ou l'enfer sur terre. 

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Mais plus encore que son gameplay finement ciselé, MGS 3 jouit d'une formidable réputation grâce à son histoire. Que l'on aime ou pas l'écriture de Hideo Kojima, il faut avouer que le titre maîtrisait parfaitement certains tropes du genre de l'espionnage tout en leur apportant une touche spécifique à l'univers de MGS. Les boss sont assez géniaux, même s'ils commençaient à verser dans un surnaturel qui tranchait avec les précédents épisodes, et ce remake leur rend hommage avec une mise en scène fidèle dans laquelle on vit quelques combats intenses. Notamment celui contre The End, le vieux sniper infernal à débusquer, ou The Fury, le pyromane fou dont le combat est plus grisant que jamais. Évidemment, les scènes plus fortes en émotions, le final notamment, bénéficient d'un soin particulier, et on s'est surpris à avoir encore une fois les poils qui se hérissent lors de séquences que l'on connaît par cœur, mais que l'on redécouvre à cet instant dans une plus belle version, avec une bande originale toujours aussi forte. MGS Delta, c'est le retour à de vieilles émotions : on se fait cueillir une nouvelle fois et on se souvient vite pourquoi MGS 3 a marqué l'esprit d'autant de monde. D'autant que ses multiples révélations dans son dernier tiers profitent d'une écriture franchement solide, moins tirée par les cheveux que les épisodes suivants, avec des révélations qui font sens, même quand on s'y attendait le moins.

Hésitations entre hommage et nouveauté

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Le premier contact avec ce remake est assez rude. Pour les gens qui ont encore en mémoire le gameplay de Metal Gear Solid : The Phantom Pain en tête, c'est-à-dire le dernier MGS en date, ce remake de Snake Eater apparaît comme une régression. Exit toutes les améliorations de gameplay apportées à l'époque pour fluidifier les mouvements du personnage, pour plutôt favoriser une expérience similaire au jeu original sorti sur PS2. On retrouve même quelques animations plus lourdes, cherchant un peu plus de réalisme dans les mouvements de Snake, dont chaque geste est décomposé à outrance pour en marquer chaque étape. Snake enjambe un ennemi couché au sol avec lenteur, met une plombe à porter et à reposer à terre ce même ennemi pour le cacher (ou pour faire tomber des objets de ses poches) et se déplace avec une lenteur assez remarquable en rampant au sol (avec un champ de mouvement et de vision très restreints). C'est quelque chose qui a le mérite de rester fidèle à l'original et auquel on s'habitude finalement assez vite, mais quitte à verser dans le remake plutôt que le simple remaster que les collections précédemment sorties faisaient déjà très bien, on aurait aimé que l'équipe de Konami aille jusqu'au bout et s'inspire du travail qui avait été fait sur le dernier épisode canonique. Car c'est là que MGS 3 a le plus mal vieilli, avec un gameplay qui était efficace en son temps, mais qui a été ringardisé par les itérations suivantes d'une saga qui n'a cessé de faire évoluer et de fluidifier les mouvements afin de moderniser son gameplay. On comprend évidemment la volonté de coller autant que possible à l'original, plus encore dans un développement qui a nécessairement été marqué par l'ombre de l'historique entre l'éditeur et le créateur du jeu original et une base de fan qui attendait ce remake au tournant. Mais plus qu'un sympathique hommage, cette lourdeur globale porte préjudice à un jeu qui semble hors du temps, qui tranche avec des graphismes et, surtout, une caméra à l'épaule beaucoup plus moderne. Cette sensation de lourdeur est moins marquée si l'on choisit de jouer avec la caméra en vue du dessus de l'époque. 

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L'autre raté du remake, c'est sur le plan technique. Le choix de l'Unreal Engine 5 est assez naturel à notre époque, malgré les qualités du Fox Engine du précédent MGS, puisque Konami ne l'utilise plus depuis au moins cinq ans. Néanmoins, MGS Delta souffre des nombreux maux que l'on a déjà observé dans d'autres jeux sous Unreal Engine 5, à savoir un framerate instable qui a tendance à vite se décomposer quand la caméra s'agite ou que les ennemis sont plus nombreux à l'écran. En mode performance sur PlayStation 5, le jeu ne tient en effet que très rarement les 60 fps visés par ce mode, en exploitant en plus une résolution dynamique allant de 720p à 1080p. La plupart du temps, le jeu tourne entre 35 et 45 fps, un résultat franchement incompréhensible compte tenu des qualités visuelles d'un jeu qui, s'il est assez joli, reste cloisonné en petites zones linéaires comme l'original sur PS2. En ce qui concerne le mode "qualité", il tient la plupart du temps les 30fps avec une résolution dynamique supérieure, mais souffre de chutes lorsqu'il y a des explosions ou des séquences dans l'eau (comme le combat contre The Pain). Et c'est le plus gros point noir d'un remake pour lequel on pardonne assez peu les errements techniques. La promesse était de pouvoir rejouer à MGS 3 dans les meilleures conditions et ce n'est pas vraiment le cas. La caméra à l'épaule trahit d'ailleurs d'autant plus les variations de framerate que l'on est plus près que jamais de l'action.

Conclusion

On prend évidemment un grand plaisir à retrouver MGS 3. Ce remake sous-titré "Delta" a le bon goût de moderniser légèrement le jeu en proposant une caméra à l'épaule qui lui sied plutôt bien, ainsi que des personnages retravaillés visuellement tout en collant à l'original, et une jungle plus vraie que jamais. On apprécie aussi le fait de retrouver tous les petits à-côtés, comme les mini-jeux secrets, et le ton global du jeu qui fonctionne toujours très bien entre les dialogues parfois loufoques et les émotions de nombreuses séquences dans un jeu dont l'histoire est la principale force. Néanmoins, le remake n'en fait pas assez. Soit par peur de décevoir les fans de longue date, soit par manque d'idées, le jeu esquive complètement les améliorations de gameplay du dernier épisode canonique pour, à la place, proposer un remake certes beaucoup plus beau, mais avec un gameplay qui n'évolue pas, avec des déplacements de Snake plus lents que ceux auxquels la série nous a habitués dans ses derniers titres et qui tranche sévèrement avec l'excellente nouvelle caméra à l'épaule. Le titre, en outre, n'est pas aidé par une technique aux fraises. On sent bien l'amour de l'équipe de développement pour le jeu original, mais ce culte porte atteinte à un remake dont on attendait un peu plus de modernité et d'idées, chose d'autant plus attendue que le dernier remake édité par Konami, Silent Hill 2, savait aussi bien respecter l’œuvre originale que lui apporter une seconde jeunesse.

Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 5 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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