Test de Keeper - Mise en lumière d'un titre phare
Depuis toujours, Double Fine aime surprendre. Entre les méandres mentaux de Psychonauts, les riffs d’acier de Brütal Legend et l'insouciance colorée de Costume Quest, le studio américain a fait de l’étrange un terrain de jeu familier. Avec Keeper, le studio revient dans un univers onirique dans lequel vous incarnez... un phare, accompagné d'un oiseau nommé Brindille. Disponible depuis le 15 octobre 2025 sur PC et Xbox Series X|S au prix de 29,99€, est-ce que cette aventure produite par Lee Petty met à nouveau en lumière tout le génie créatif de Double Fine ?
Un monde organique
Dès la première minute, Keeper impose son univers singulier. On incarne le Gardien, un phare dressé sur une montagne rongée par la corruption. Si le jeu ne vous dit jamais vraiment rien, vous comprenez rapidement que votre mission est simple : raviver la lumière et repousser l’obscurité. En effet, le jeu nous invite à explorer un monde organique, dans lequel l'environnement réagit à la clarté. La lumière est alors votre meilleur aillé : on la concentre, on la diffuse, on la reflète à travers des surfaces cristallines pour résoudre des énigmes et purifier les zones corrompues.
Ce système relativement simple donne au gameplay une dimension intéressante puisque tout repose sur la curiosité du joueur : comprendre comment un rayon interagit avec la matière, comment un éclat révèle ce qui restait caché. Keeper réussit à rendre l’observation et l'exploration particulièrement satisfaisante.
Visuellement, c’est une véritable explosion. La direction artistique porte assurément la marque de fabrique de Double Fine : couleurs saturées, textures organiques, formes improbables. L’univers semble vivant, à la limite entre le rêve éveillé et hallucination provoqués par la fièvre. Keeper condense tout l'univers créatif développé depuis plus de 25 ans par Tim Schafer dans un voyage lumineux d’une beauté hypnotique qui accroche dès le premier regard.
Deux êtres lié par une même lumière
L’autre cœur du jeu, c’est la relation entre le Gardien et son acolyte ailé Brindille. L’un éclaire, l’autre explore. Le joueur alterne naturellement entre les deux : le phare manipule la lumière et montre la voie, l’oiseau plane et accède aux recoins secrets et autres mécanismes à activer. Cette relation entre deux êtres solitaires n’est pas qu’un mécanisme : elle structure toute l’expérience qu'est Keeper. On ressent la dépendance réciproque de ces deux êtres, leur confiance muette, la construction de leur relation et leur peur de perdre l'autre.
Et toujours sans un mot. Double Fine s’appuie sur les gestes, les regards, la musique. Le moindre battement d’aile raconte plus qu’un dialogue. Quand l’oiseau hésite ou que le Gardien incline sa lanterne, tout est dit. Keeper parvient à créer une émotion purement visuelle, immédiate, sans narration explicite. À sa façon, cela rappelle les sensations que nous avions pu connaitre en explorant les contrées désertiques de Journey (si vous ne connaissez pas, découvrez-le de suite !).
Une histoire qui se devine au fil des découvertes
Sous sa surface poétique, Keeper cache un scénario plus riche qu’il n’y paraît. Il y est question d’un Œil Gardien de la montagne, d’une corruption ancienne, d’une mémoire fragmentée. Mais rien n’est raconté directement en jeu : tout s’esquisse au travers de symboles et surtout des succès que l’on débloque. Ces derniers, plutôt que d'indiquer l'action réalisée, révèlent chacun un fragment d’histoire permettant de mieux approcher cette île que vous explorez.
Le résultat est aussi original que marquant. Plus on progresse, plus on devine ce qui se joue, sans jamais qu’on nous le dise. Keeper ne cherche pas à expliquer : il suggère, laissant le joueur assembler les pièces lui-même. On découvre alors une fable écologique et spirituelle, dans laquelle la lumière devient mémoire et la corruption oubli. Une écriture subtile et pour autant parfaitement maîtrisée.
Un puzzle game sensoriel
Difficile de ranger Keeper dans une case. C’est un puzzle game, oui, mais aussi une expérience contemplative avant tout. Les énigmes, peu complexes (le jeu est clairement accessible aux plus jeunes), exigent surtout de l’attention et de la patience. On avance lentement, sans stress, porté par une atmosphère prenante. Le tout appuyé par une bande-son aussi discrète qu'efficace. Alternant nappes aériennes et silences lourds de sens, cette dernière permet d'unifier l'ensemble de la proposition et de rendre l'univers définitivement crédible.
Techniquement, le jeu tient parfaitement la route. Quelques imprécisions dans les déplacements, notamment due au choix d'avoir uniquement des plans de caméras fixes, mais rien de rédhibitoire dans l'absolu. Et avec une durée de vie d’environ six heures, Keeper offre suffisamment pour s’imprégner sans se lasser du concept. Bien qu'on aurait apprécié que l'aventure continue encore quelques heures de plus...
Une expérience brillante de milles feux
Avec Keeper, Double Fine signe l’un de ses plus beaux voyages. Poétique et intelligent, le titre réussit à allier puzzle game accessible à tous, trip psychédélique et conte touchant. Sa direction artistique lumineuse, son gameplay doux qui se renouvelle sans cesse et sa narration muette en font une expérience rare et captivante. Mélange improbable de titres comme Journey, Psychonauts ou encore Gris, Keeper brille par son équilibre. Clairement une des pépites de cette fin d’année particulièrement fournie en jeux de qualité.
Une expérience à vivre sans précipitation, à ressentir plutôt qu’à essayer de comprendre. Le genre de titre qui nous rappelle pourquoi nous aimons tous autant ce média : parfois, un jeu ne se contente pas d'éclairer notre écran, il illumine également un peu l'âme de celui qui y joue.
Test réalisé sur Xbox Series X par Dunta à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.




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