Fragments of Him, un jeu qui divise sur Xbox One

Après une sortie sur PC accueillie tièdement par la critique, Fragments of Him arrive sur Xbox One. L'occasion pour nous de vous offrir un autre point de vue sur le jeu des Néerlandais de SassyBot Studio, afin que vous puissiez vous faire une meilleure idée de ce que le jeu a à offrir.

Mettons les choses au clair. Une bonne fois pour toutes. Si vous êtes à la recherche d’un jeu qui vous tiendra occupé pendant des heures, si vous avez la sensibilité d’une huître ou si vous n’êtes absolument pas ouvert à l’expérimentation vidéo-ludique, n’allez pas plus loin. Si par contre vous réussissez à envisager le milieu du jeu vidéo comme un espace d’expérimentation et que vous êtes prêts à laisser sa chance à des projets un peu à part, ce test pourrait vous intéresser.

Un jeu qui n'en est pas un

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Fragments of Him est tout à la fois une invitation à l’introspection, un couteau dans la plaie et un pamphlet contre bien des idées qui ont encore la peau dure dans notre 21ème siècle. Au centre de l’histoire, vous retrouvez Will, jeune homme des plus normaux qui meurt dès le début du jeu dans un accident de voiture. Vous vous demandez sans doute pourquoi je dis qu’il est au centre du jeu s’il meurt ? Tout simplement parce que le jeu vous propose de passer, au fil de son déroulement, de l’une à l’autre des personnes importantes de sa vie, découvrant par le biais de leurs souvenirs qui était Will, ce qu’il représentait pour eux, ce qu’il a fait pour eux.

Il est difficile de définir Fragments of Him en le classant dans un genre précis... Les mauvaises langues le qualifieront de simulateur de marche. Le problème est que ce n’est même pas si simple. Le jeu est à la croisée des chemins entre une expérience contemplative, un jeu dont vous êtes le héros et le film.

Oui, vous êtes parfois amenés à faire des choix dans le jeu, les succès en attestent. Le problème est qu’aucun d’entre eux n’a de réelles conséquences sur la fin du jeu, sur la perception que les personnages ont du héros.

Oui, vous interagissez avec l’environnement des personnages pour en apprendre plus sur Will. Mais vous ne pouvez pas louper un élément d’information (et donc pas influencer l’histoire avec cet oubli), puisqu’à l’exception de trois ou quatre interactions optionnelles, vous n’avez d’autre choix que d’interagir avec les objets surlignés pour avancer, débloquer la ligne de dialogue suivante ou changer de pièce.

Oui, le jeu propose des graphismes qui ne sont clairement pas à la hauteur de ce qu’on peut espérer de nos jours, et les temps de chargement sur console rendraient les plus impatients d’entre vous complètement fous.

Mais non, nous ne condamnerons pas Fragments of Him, car, malgré tout, il est possible de prendre du plaisir à participer à cette expérience.

Plongée au coeur de votre humanité

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Fragments of Him est un jeu qui vous demande autant de réflexes qu’un David Cage, et ça en dit long. Mais pour autant, ce n’est pas parce que vous ne faites rien ou presque de votre manette que vous restez passifs. Si on arrive à s’ôter de l’esprit qu’on joue à un jeu, il faut vraiment être insensible ou ne jamais avoir perdu un proche pour rester insensible de bout en bout à l’histoire de Will. Le jeu parle d’amour. Le jeu tourne autour de l’idée de perte d’un être cher. Le jeu vous invite à mettre en perspective tout ce que vous ressentez pour vos proches et à réfléchir à ce qu’ils représentent pour vous.

Et c’est là que le choix des graphismes du jeu prend tout son sens. Aucun personnage n’a de trait réellement identifiable, si ce n’est peut-être la coiffure de Will. Que ce soit sa grand-mère un peu rondouillarde, son ex petite-amie blonde ou son grand compagnon, vous pourriez très bien retrouver dans les silhouettes qu’on vous montre des personnes qui vous sont proches, et vous dire que cette même personne pense peut-être des choses similaires à votre égard. Et chacun de ces personnages vous raconte son histoire à mesure qu’il partage avec vous ce qu’il a vécu avec Will.

Qui ne s’est pas brouillé avec un membre de sa famille, comme Will a pu l’être avec sa grand-mère ? Qui n’est pas tombé totalement fou amoureux d’une personne avant de se rendre compte qu’elle n’était peut-être pas la bonne personne, comme ce fut le cas avec son ex ? Qui n’a pas trouvé cette fameuse bonne personne et commencé à songer à officialiser les choses, fonder une famille, comme c’est le cas avec son petit ami ?

Savoir regarder plus loin que la simple apparence

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C’est là qu’on voit le génie de l’écriture de Fragments of Him. Le personnage central de cette expérience, c’est vous, c’est nous. Peu importe que le personnage soit homosexuel ou bisexuel, peu importe son nom, son âge, sa couleur de peau, son métier... Sa vie, c’est la nôtre. Son histoire, c’est la nôtre. Et ce que ses proches ressentent n’est sans doute pas loin de ce que peuvent ressentir les nôtres. Vous vous liez à ces personnages, l’un après l’autre, vous partagez la faiblesse de leur humanité, mais surtout l’étendue de leur désolation à la perte d’un être cher.

Fragments of Him vous amène à vous poser, d’une façon ludique, la question qui nous a tous hantés à un moment ou un autre de notre vie : que laisserions-nous derrière nous si nous devions mourir demain ? Vous avez déjà peut-être eu ces pensées en regardant les infos à la télé, après avoir vu un film ou après avoir tourné la dernière page d’un livre. Là, c’est un jeu qui vous propose de faire ce voyage intérieur et c’est avec brio qu’il le fait, si son public se montre réceptif.

Pas de graphismes flashy, pas d’ambiance sonore notable, mais pourtant, si vous vous laissez prendre au jeu, vous garderez longtemps en tête certains des moments clés du titre de SassyBot Studio, que ça soit par leur puissance émotionnelle brute ou parce qu’ils vous rappellent des moments que vous avez vécus.

C’est un jeu vidéo qui se veut minimaliste pour justement gommer tous les stimuli inutiles, pour que les joueurs  se concentrent sur ce qu’ils ressentent au fond d’eux, et Fragments of Him y arrive avec brio si tant est qu’on accepte le fait qu’un jeu vidéo puisse être autre chose qu’un élément de divertissement.

Crache ton xanax, Myrhdin

On rejoindra l’opinion générale qui dit que le jeu est vendu très cher pour ce qu’il propose (il était à une vingtaine d’euros à son lancement pour environ 5 heures de jeu), mais clairement, on ne peut pas rester à se tourner les pouces quand la majorité des tests pointent du doigt la médiocre qualité des graphismes, la linéarité du gameplay et l’absence du truc qui fait tilt.

Ca va vous sembler stupide, peut-être, mais on aurait servi à ces gens-là Fragments of Him sous la forme d’un court-métrage d’animation, leur réaction aurait sans doute été bien différente. On peut comprendre que le manque d’intérêt en terme de jouabilité en ait rebuté plus d’un, mais c’est vraiment dommage de considérer que le jeu vidéo se résume à bouger ses doigts sur une manette sans prendre en compte la dimension émotionnelle de ce que l'on fait.

Fragments of Him n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains, et surtout pas entre celles des esprits les plus fermés. Mais si vous n’avez pas peur de tenter quelque chose de nouveau, de plonger au cœur des questions qui marquent les relations humaines et de débattre intérieurement de votre relation à la mort... Foncez. Le travail de la poignée de développeurs qui ont fourni ce produit en vaut vraiment la peine.

Lire également : rencontre avec Sassybot Studio lors de la Gamescom 2015.

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