Test de The 25th Ward - Un deuxième essai transformé ?
On avait été assez critique avec le portage du premier visual novel de Suda51... Qu'en sera-t-il avec la suite annoncée de The Silver Case, sortie 7 ans plus tard au Japon sur mobile et qui débarque ce mois-ci en Europe sur PlayStation 4 et PC ?
Avant toute autre chose, nous devons vous poser une question : si vous lisez cette critique, vous avez peut-être une idée de ce qu'est The Silver Case. Est-ce que c’est le cas ? Non ? Dans ce cas, vous voudrez peut-être lire avant le test ici présent notre test de la version PlayStation 4 de The Silver Case qui est sortie l’an passée. Non, ce n’est pas de l’auto-promotion éhontée, même si on ne peut nier les qualités évidentes de la rédaction de l’article. C’est juste que le jeu dont nous allons parler n’est ni plus ni moins que la suite directe, 7 ans plus tard, des événements du premier et qu’il a connu une vie très semblable à celle de son aîné, une vie marquée par un flirt avec l’abysse de l’oubli... Le développeur Grasshopper Manufacturer a en effet publié The 25th Ward sur mobile dès 2005, mais comme son prédécesseur, le jeu est condamné à rester au Japon, au point qu’il allait presque en être oublié. Sauf que NIS America a revêtu ses habits de chevalier blanc, a sauvé le jeu de l’oubli et l'a adapté non seulement sur consoles, mais aussi pour le marché occidental, pour nous donner l’occasion de découvrir un nouveau titre de Suda51.
Du sang et des tripes, encore
Alors, de quoi parle-t-on ici ? Comme The Silver Case, The 25th Ward est un visual novel dont le look et la direction artistique sont assez troublants, surtout selon les canons du genre. Cependant, si on garde en tête la personne derrière le jeu et ses différentes productions (pour rappel, Samurai Champloo, Blood+, No More Heroes, Sine Mora, Lollipop Chainsaw ou plus récemment Let It Die), on n’est guère étonné. Notre premier conseil est vraiment de tenter de passer outre, car ce jeu, même si il a des faiblesses, pour la plupart liées à son grand âge, reste un très bon jeu d’aventure qui a connu un véritable odyssée avant d’atteindre nos côtes.
The 25th Ward : The Silver Case marque une transition dans la série : vous jouez un nouveau groupe de personnages, vous enquêtez sur une nouvelle affaire et vous n’avez donc pas vraiment besoin d’avoir joué à The Silver Case pour comprendre de quoi il retourne dans l’absolu. Il y aura cependant quelques cross-overs, avec des personnages du premier jeu qui feront leur apparition dans le second et des références régulières aux affaires résolues dans le premier opus, en offrant des points de vue nouveaux ou différents sur la façon dont les enquêtes ont été classées.
Dans ce nouvel opus, vous avez le droit de choisir entre trois histoires différentes, avec pour chacune des protagonistes différents qui offrent une perspective bien distincte sur les mêmes éléments du jeu ou sur les mêmes affaires. Chacune des histoires vous amènera à rencontrer les membres de l’Unité des Crimes Haineux de The Silver Ward pour tenter de résoudre le mystère qui entoure une série de meurtres qui semblent tous être le fait du même malfaiteur.
♪ Trois petits chats... ♫
Un premier point d’excellence du jeu est de réussir à offrir trois points de vue extrêmement différents en fonction de la ramification que vous avez choisi de suivre. En effet, selon l’endroit où vous démarrez l’aventure, vous découvrirez personnages, faits et indices à des rythmes différents. C’est parfois un peu dense et complexe, cela demande plus d’attention que de coutume pour jouer à un visual novel, mais c’est fichtrement bien amené, car on aurait presque l’impression de jouer à trois jeux distincts plutôt que de revivre trois fois la même histoire. Alors oui, bon, après quelques chapitres, on reprend pied et les différences s’estompent, mais la prise en main des premiers chapitres est vraiment top.
Tant que l’on parle du scénario, évoquons un petit point de détail qu’il aurait été bon de souligner un peu plus en jeu, car il éviterait au joueur quelques grattements de tête dubitatifs devant sa console. On l’a dit, vous avez trois histoires à votre disposition et si vous êtes aussi bêtes que votre testeur favori, votre réflexe sera de les faire l’une après l’autre. Mauvaise idée. En effet, ce faisant, vous passerez à côté de quelques informations ou ne comprendrez pas vraiment tout ce qu’il se passe ou se dit à l’écran. Il vaut mieux en fait procéder chapitre par chapitre dans chacune des voies : faire tous les premiers chapitres, peu importe leur ordre, puis passer au deuxième chapitre et ainsi de suite. Pour l’avoir tenté après ma première partie sur quelques chapitres, c’est effectivement au final bien plus clair et cela débloque plus facilement quelques situations épineuses. Ce n’est pas vital, mais c’est un confort certain qui n’est pas mentionné dans le jeu.
Alors bon, on ne va quand même pas vous faire prendre des vessies pour des lanternes… On parle d’un visual novel, donc l’histoire se met en place lentement, elle est complexe même si par moments un peu trop linéaire et longuette et ne change pas trop des canons habituels du roman visuel d’aventure. Par contre, il faut le dire, l’équipe de Suda51 a eu une idée de génie en reprenant les séquences d’exploration de leur premier jeu et en les métamorphosant en une espèce de système bâtard de RPG. Ces phases sont rares et courtes par rapport à la durée des trames narratives, mais elles sont juste inoubliables tant la vulgarité et l’humour graveleux, noir et caustique contrastent avec les standards du genre. C’est tellement inhabituel et peu commun que cela en fait un des meilleurs points de vente du jeu : on sait que cet univers décalé et loufoque est une marque de fabrique de Suda51, mais cette approche audacieuse voire presque indécente de la narration dans un visual novel de ce type est tellement peu courant que The 25th Ward en devient un jeu qui dénote dans son genre.
Enfin comprendre ce que l'on fait
Pour ce qui est du système de jeu, on reste malgré tout sur des principes à peu près aussi bancals que pour le premier jeu : il faut un peu de temps pour s’y faire et apprendre à naviguer dans The 25th Ward. On ne saurait dire si c’est lié au fait que le jeu a été initialement développé sur mobile (puisqu’après tout, ce n’est qu’un portage), mais c’était clairement améliorable par moments. Par exemple, le fait de bloquer la progression du joueur tant qu’il n’a pas parlé à tous les personnages ou interagi avec un objet bien précis devient vite ennuyeux, surtout au début du jeu. Alors oui, on prend rapidement le pli, mais c’est un peu contre la nature même du visual novel que de te mettre sur des rails et de conditionner ta progression à une interaction avec un mégot de cigarette ou de forcer à regarder quinze fois de suite le même personnage pour écluser tous les dialogues de la scène actuelle (exemple choisi totalement fortuitement…). On s’y fait, mais le système aurait quand même pu être un peu mieux pensé, parce que cela ralentit considérablement l’action d’un titre qui veut pourtant avoir des relents de thriller.
Par contre, là où on se plaignait des contrôles du premier jeu, on doit saluer le progrès fait sur cette suite : se déplacer est devenu bien plus facile puisque les flèches indiquent vraiment là où vous voulez aller. Il en va de même pour les puzzles, qui sont maintenant présentés en “plein écran” et dont la gestion est devenue bien plus simple même si un peu plus contraignante que le bouton de résolution automatique du premier opus…
Une atmosphère enfin réussie
Au final, le point qui fait vraiment sortir ce 25th Ward du lot est vraiment son atmosphère graphique. Autant on avait pu râler sur l’aspect paresseux du portage de son prédecesseur à ce niveau, puisqu’on voyait à peine la différence entre graphiques remasterisés ou non, autant, sur ce titre, on s’en tamponne tellement l’atmosphère est unique : les illustrations sont aussi bizarres et sombres que peut l’être l’histoire du jeu, ce qui crée une réelle immersion dès les premières minutes du jeu. Vous ne voulez clairement pas vous attarder dans ce quartier et les visuels qui défilent au fil des scènes renforcent ce sentiment. La manière dont les environnements sont présentés est aussi intrigante : finies les cases de BD, on a cette fois des dimensions et des formes sans cesse changeantes et surtout mobiles, qui se déplacent sur l’écran et qui apparaissent un peu n’importe où. Cela rompt avec la monotonie habituelle des plans fixes des romans visuels et c’est clairement quelque chose qu’on aimerait voir bien plus souvent, car cela renforce l’immersion du joueur et cela lui donne autre chose à faire que de lire des tonnes de dialogue sans rien pouvoir faire d’autre. C’est une distraction des plus bienvenues, d’autant plus qu’elle est extrêmement bien amenée et toujours connectée à l’histoire en cours.
On pourra aussi brièvement mentionner la bande-son du jeu : dérangeante, oppressante, génératrice d’anxiété, elle accompagne très bien l’histoire qui se déroule sous nos yeux et joue très bien son rôle en vous faisant vous dire “HO PUTAIN NON JE VEUX PAS NOPE NOPE NOPE NOPE FUCK THAT” avant de lancer la manette au loin et de vous mettre en position fœtale sur le canapé. Seul petit défaut sonore : la foutue machine à écrire est de retour et elle accompagne le moindre petit bout de texte, ce qui vous sort complètement par moments de l’atmosphère de la scène en cours. Est-ce que ce bruitage était nécessaire ? À notre avis, non, pas du tout. On doit avouer ne toujours pas avoir compris pourquoi la plupart des visual novels accompagnaient le défilement de leurs textes d’un son, la plupart du temps complètement horripilant. Si vous avez des éléments de réponses, on est preneur.
Crache ta mare de sang, Myrhdin
Force est de constater qu’on a bien plus de choses positives à dire sur ce jeu que sur le remaster de son prédécesseur !
Alors certes, il y avait le plaisir de jouer à un jeu rare et inattendu, qui aurait pu passer à la trappe de l’oubli vidéo-ludique, mais qu’on a eu la chance de pouvoir découvrir, même sur le tard. Il y a aussi cette plongée dans l’esprit d’un Suda51 à une époque où il n’était pas encore ce génie complètement atypique acclamé par la critique (The 25th Ward est sorti deux ans avant No More Heroes, par exemple) qui nous livre une histoire dérangeante, mais captivante et engageante, tout en prenant des risques avec les canons du genre, en changeant les codes, que ce soit de mise en scène ou de développement des personnages.
C’est un jeu qui a 15 ans, il a bien des défauts et tous ne sont pas liés à son âge, mais on reste sur le constat global qu’on aimerait voir plus souvent dans nos contrées des romans visuels qui prennent le temps de briser les règles comme The 25th Ward a pu le faire à son époque.
On parle d’un visual novel : l’histoire est originale et rythmée une fois les premiers chapitres passés, les graphismes sont originaux et pas vieillots cette fois, certaines mécaniques de jeux sont inédites. Il vous faut quelque chose de plus ? Si vous êtes un habitué du genre, ou si vous êtes un fan de Suda51, vous ne devriez pas hésiter. C’est clairement un investissement moins gênant que pour son prédécesseur et cela fait plaisir de voir un progrès dans la maîtrise d’un genre par un même développeur.
Ce test a été réalisé de manière indépendante sur une version PlayStation 4 mise à disposition gratuitement par l'éditeur du jeu et n'est aucunement associé à une quelconque opération promotionnelle sur JeuxOnLine.
Sur le même sujet :
Plateformes | PlayStation 4, Windows |
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Genres | Visual novel, futuriste / science-fiction |
Sortie |
16 mars 2018 (France) (Windows) 16 mars 2018 (France) (PlayStation 4) |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (1)
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