Test de We Happy Few : le mauvais équilibre
Après un an d'accès anticipé, We Happy Few est sorti le 10 août dernier sur PC, PlayStation 4 et Xbox One. Que vaut le titre ?
Le Bonheur est un pays sans passé
Dès la première bande annonce diffusée lors de la conférence Microsoft pré-E3, We Happy Few a mis en avant son monde dystopique. Le jeu a présenté un univers centré sur l'utilisation d'une pilule du Bonheur et c'était clairement cette partie qui était la plus attendue.
Sur ce point, le résultat est pleinement à la hauteur. Pas besoin d'attendre d'être en jeu : les écrans de chargement raviront déjà les amateurs de ce type de thématique. Pour résumer le principe de ce monde, l'ensemble des citoyens prennent régulièrement une pilule, nommée "Joy", modifiant leur perception du monde et les rendant heureux. À l'inverse, ceux qui ne veulent ou ne peuvent prendre cette pilule, les "Rabats-joie", vivent en marge de la société, dans des zones délabrées.
La Joy a une autre fonctionnalité : oublier un passé sombre. Notre héros décidant évidemment de quitter sa routine (le jeu ne serait guère amusant sinon), sa mémoire lui revient peu à peu, par le biais de flashback.
La découverte des multiples histoires de We Happy Few se révèle toujours passionnante et offre de nombreux pistes de réflexion pour ceux que cela intéresse. Le jeu profite en outre de zones assez ouvertes, qui renforcent encore le principe d'exploration, en variant les plaisirs pour le joueur : informations concernant le passé, découverte du monde tel qu'il est désormais, notes diverses et variées, ...
S'il n'avait que son histoire à offrir, We Happy Few pourrait faire partie des jeux marquants de l'année, voire plus. Ce d'autant plus que cette histoire est toujours parfaitement servie par la direction artistique et la bande son, qui contribuent à donner magistralement vie à l'univers.
Quick Load
Malheureusement, à la différence du génial Everybody's Gone to the Rapture, du gameplay a été ajouté par-dessus cette histoire. Commençons par ce qui est positif : We Happy Few propose une diversité d'approches intéressante.
À quelques exceptions près, il est toujours possible de procéder de deux manières distinctes : l'infiltration ou le combat. Néanmoins, il ne s'agit pas de catégories homogènes. L'infiltration peut consister à étourdir tous les opposants de manière discrète, mais il est aussi possible de simplement les éviter pour se rendre à l'objectif. De même, l'introduction au combat commence par une question importante : désirez-vous tuer vos ennemis ou simplement les assommer ?
Les possibilités sont encore plus diversifiées. Un grand panel d'armes, d'objets et de compétences permettent de personnaliser l'expérience selon ses désirs. On apprécie en outre le fait que la difficulté puisse être paramétrée avec précision, selon ce que désire privilégier le joueur. Alors, où est le problème ? Il est assez simple : quelque soit votre choix final, le résultat sera insatisfaisant.
Commençons par l'infiltration. Elle souffre d'un défaut fondamental : s'il est possible de sauvegarder à n'importe quel moment, le chargement d'une sauvegarde effectuée dans un lieu interdit vous fait toujours apparaître en-dehors de la zone prohibée. Résultat, il est courant de devoir refaire une partie du chemin à chaque sauvegarde, ce qui se révèle vite extrêmement frustrant.
Certains apprécieront peut-être cette fonctionnalité, mais il est extrêmement dommage qu'elle soit imposée et non simplement proposée, contrairement aux jeux d'infiltration traditionnels. De plus, elle met surtout en lumière les nombreux problèmes du jeu : système de détection irrégulier, IA aléatoire, téléportations occasionnelles des ennemis... Le jeu offre au joueur un panel de possibilités intéressant, mais toutes les solutions se heurtent tôt ou tard aux défauts, techniques ou de conception, des ennemis. Ce qui contraint à recharger une partie, forçant à refaire une partie du chemin, encore et encore.
Broken Age
Le combat, basé sur un système assez simple de parade et de coup chargé, est simple, mais efficace. Ceux désirant résoudre toutes les situations de manière violente seront peut-être rapidement lassés, mais l'offre convient parfaitement pour un joueur privilégiant l'infiltration. En revanche, le combat permet de mettre en avant un autre problème fondamental du jeu : les armes sont sujettes à la casse.
On aurait aimé que cette idée disparaisse à jamais dans les abysses des erreurs de game design, mais Compulsion Games tenait visiblement à inclure de la durabilité dans l'ensemble de l'expérience de jeu. En effet, les armes en elles-mêmes sont assez solides et si elles contribuent au problème, elles n'en sont pas la cause majeure. En revanche, l'environnement regorge de zones ou d'objets inaccessibles, à moins d'utiliser le bon outil. Il est ainsi nécessaire de crocheter certaines serrures ou de forcer quelques passages. Rien d'anormal en soi, mais les outils de crochetage et les pied-de-biche ont eux aussi un nombre d'utilisation limité. Très limité, même. Pour s'en procurer davantage, il faut soit en crafter (avec des ressources à obtenir) soit en trouver d'autres.
Résultat, l'expérience principale de We Happy Few consiste à fouiller chaque recoin de chaque maison pour récupérer toutes les ressources disponibles. L'inventaire est limité (bouh), mais il est possible de stocker l'ensemble dans une cache souterraine. Fait intéressant : tous les objets de la cache sont accessibles à tout moment pour du craft.
En soi, la formule n'est pas inintéressante et pourrait satisfaire les fans de jeux de survie. Le problème, c'est qu'elle ne s'intègre absolument pas à l'univers et à l'histoire du jeu. On aimerait découvrir des histoires, mais on se retrouve à ramasser des bouteilles vides et à fouiller des toilettes. De même, le jeu intègre un système de besoins : le joueur doit veiller à boire, à dormir et à manger à intervalles réguliers. Ce n'est pas en soi pas difficile et on apprécie de devoir faire attention aux aliments ingurgités afin de ne pas tomber malade. Cependant, cela semble surtout terriblement hors-sujet.
Dissonance
Au final, We Happy Few est un jeu très étrange. Son histoire, son univers, sa bande son et sa direction artistique sont très réussis. Son gameplay dispose aussi de quelques particularités intéressantes. Cependant, les deux ne vont absolument pas ensemble. Pour une personne avant tout intéressé par l'histoire que le jeu raconte, le gameplay et ses limites (durabilité des objets, sauvegardes imparfaites) sont un obstacle difficile à franchir. Après avoir effectué une mission, on ne ressent pas du tout l'envie de continuer, mais plutôt le souhait que cela s'arrête, tant la progression s'est révélée frustrante. Pour un amateur de jeu de survie, en revanche, We Happy Few n'est qu'un jeu sympa, mais sans plus, vendu au prix fort (60€ sur Steam).
We Happy Few n'est pas un jeu ayant souffert d'un manque de budget ou de temps. Il souffre simplement d'une décision de conception difficilement compréhensible. Il suffirait aux développeurs d'ajouter un mode "histoire", dans lequel il est possible d'ignorer les ennemis, pour transformer le jeu en l'un des très bons jeux de l'année. En l'état, l'expérience se révèle cependant tellement frustrante qu'il est vraiment difficile de la recommander.
Sur le même sujet :
Plateformes | Linux, MacOS, PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Aventure, indépendant, historique |
Accès anticipé |
26 juillet 2016 |
Sortie |
10 août 2018 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (2)
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