Aperçu de Humankind - Guerre (et paix)

Nous avons eu l'occasion de tester Humankind, lors d'une démo limitée à 60 tours permettant de découvrir le début de partie du nouveau titre d'Amplitude.

Renommée, renommée, qui es-tu renommée ?!

Commençons par rapidement présenter le titre. Humankind est un 4X historique. Pour le dire autrement : c'est un Civilization-like. Vous incarnez un peuple, fondez des villes qui produisent des quartiers ou des unités et faites la guerre à vos voisins parce que la guerre, c'est cool. Le premier contact avec le jeu rappelle énormément la licence de Firaxis, tant dans ses visuels que dans ses mécaniques, mais ce n'est en soi pas un problème : s'inspirer de la référence du genre n'est pas un problème tant que cela n'entrave pas la créativité, ce qui n'est pas le cas ici. En effet, Humankind possède ses propres particularités.

La première est le système de victoire. Contrairement à Civilization, il n'existe qu'un seul type de victoire. En effet, l'ensemble des actions du joueur (ses recherches, ses productions, ses victoires militaires, etc.) lui font gagner des points de renom. Au terme de la partie, qui a lieu après 300 tours ou à la suite de certaines actions spécifiques offertes aux joueurs, la faction disposant de la renommée la plus élevée remporte la partie.

Disons-le tout de suite : ce système ne m'a pas convaincu. Il a pour grand avantage de permettre à chacun de jouer comme il l'entend, chaque composante rapportant des points de victoire. Aussi, que vous vous focalisiez sur la science ou sur la diplomatie, vous pouvez vous imposer, selon un système très transparent. De même, ce mécanisme évolue bien au cours de la partie. Comme le score est cumulatif, un joueur peut remporter la partie s'il s'est illustré pendant le premier tiers, même s'il est éliminé lors de la dernière ère. À l'inverse, la victoire devrait rester accessible pour tous dans les dernières phases du jeu, afin d'éviter que ne s'instaure une lassitude, un sentiment que la partie est perdue d'avance si on n'est pas en tête à la fin du Moyen Âge et qu'il vaut mieux abandonner.

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Seulement voilà, ce système vient nécessairement avec deux défauts majeurs. Le premier est qu'il suppose une durée fixe pour les parties ou du moins assez comparable. Or, toutes les parties ne méritent pas de durer aussi longtemps ; on est parfois bien content de finir plus tôt, soit parce que l'on domine outrageusement, soit parce que l'on est fortement dominé. Il est possible de revenir ? C'est cool, mais s'arrêter de temps en temps à l'époque moderne, c'est aussi très bien, surtout si cela implique un "fin" au centre de la partie à la place d'un "êtes-vous sûr de vouloir quitter ? Toute progression non sauvegardée sera perdue." Dans ma partie, j'avais conquis la totalité de mon continent de départ en 60 tours, rasant deux autres factions au passage. Devoir continuer pendant 240 tours supplémentaires aurait davantage constitué une corvée qu'un plaisir.

Deuxièmement, lors de cet événement presse virtuel, un élément s'est imposé de lui-même : la comparaison. Telle personne a fait 500 points, telle autre 800. Certes, c'était l'occasion de constater que les Joliens sont bien supérieurs aux autres, mais c'est un concept que je trouve fondamentalement frustrant. Une fois la satisfaction du score passée, on se dit irrémédiablement qu'on aurait pu faire mieux. Pourquoi n'ai-je pas dépensé mon or pour acheter des bateaux afin d'exterminer aussi les factions situées au-delà de la mer durant les derniers tours, lors desquels je n'avais plus rien à faire ?

Dans Civiilization, toutes les victoires se valent. Dans Humankind, le système de score attribue à chacune d'elle une valeur. Il est toujours possible de faire mieux et donc chaque erreur, chaque tour perdu pour une raison X ou Y, ne peut qu'être perçu de manière néfaste. Personnellement, tout ce que je retiens de ma partie, ce n'est pas la satisfaction de la victoire, mais la déception de ne pas avoir fait un score encore plus élevé. Ce n'est pas le genre de sensation que je désire rencontrer dans un jeu vidéo.

Il faudra voir ce que donne ce système dans le jeu final, mais je dois avouer que je préfère largement les conditions de victoire traditionnelles des autres 4X. Le principe de renommée est intéressant, mais il n'aurait à mes yeux dû être qu'une possibilité annexe, pas la colonne vertébrale d'Humankind.

Néanmoins, il est important de se rappeler que le jeu est encore en cours de développement et qu'Amplitude est très à l'écoute de sa communauté, donc on peut légitimement espérer que ce point sera amélioré. En effet, même si cela constitue la base du jeu, il serait assez simple de remédier en partie aux défauts du système : il suffirait de permettre aux joueurs de cocher une case lors de la création de la partie masquant les scores. Un classement serait malgré tout effectué en fin de partie, mais les joueurs ignoreraient s'ils sont premiers parce qu'ils ont 500, 700 ou 2800 points.

Actuellement, tout tourne autour du score : ce dernier est très régulièrement rappelé au joueur, donnant un aspect mécanique au jeu. En masquant cette donnée, on perdrait certes en transparence, mais on gagnerait en confort de jeu. De plus, rien n'oblige à l'imposer ; de manière générale, laisser le choix au joueur est toujours la meilleure solution.

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En outre, ne vous y trompez pas : même si le système de renommée ne me convainc pas, mon premier contact avec Humankind est très positif. En effet, il excelle dans ce qui m'importe le plus, qui est aussi le défaut majeur de Civilization à mes yeux : la guerre. Dans Civilization, se battre, c'est chiant. Il y a plein d'unités qu'il faut déplacer une par une et conquérir une ville est terriblement compliqué en début de partie, nécessitant la création d'unités spécifiques. Humankind en est l'antithèse.

Lorsque des unités appartenant à des factions en guerre se rencontrent, un combat se déclenche. Les joueurs choisissent alors les unités qui participent et débutent un affrontement tactique. Tous deux déploient leurs unités sur la zone de bataille, assez étendue, puis le joueur ayant initié le combat joue l'ensemble de ses unités, les déplaçant et attaquant, avant de laisser la main à son rival. Ce système, qui n'a pas à rougir en comparaison des jeux de tactique, est à la fois très intuitif et très stratégique. Il possède une vraie complexité, dans l'utilisation des unités et de l'environnement, mais aussi une vraie simplicité dans sa clarté. On comprend immédiatement ce qu'on peut faire et comment le faire, mais on réfléchit longuement à ce qu'il faut faire.

Ce système de combat magnifie les régiments, autre particularité très appréciable du titre. Dans Civilization, il est possible en fin de partie de rassembler des unités en des régiments, afin de les rendre plus puissantes. En d'autres termes, cela arrive tard et ce n'est pas super intéressant. Dans Humankind, chaque unité compte 1 à 4 régiment et chacun d'entre eux participe activement au combat. On comprend très vite qu'avoir une unité ne comptant qu'un seul régiment n'a aucun intérêt et qu'il vaut mieux avoir des unités aussi complètes que possible. Or, il est très facile de produire des régiments (il ne me fallait qu'un tour ou deux) et donc de créer directement une unité complète. Dans toute la démo, je n'ai au final eu que 4 unités, ce qui m'a suffit pour accomplir tous mes objectifs. On joue donc peu, mais mieux, ce qui est extrêmement agréable.

Les prises de ville sont dans la même veine. Tout d'abord, il est possible d'assiéger la ville, réduisant sa capacité défensive. Ainsi, le temps devient l'avantage de l'assaillant et non plus du défenseur, ce qui est appréciable. Ensuite, la conquête est claire et possible pour tous les types d'unité. Rien de transcendant, mais le résultat final est très appréciable, surtout quand on repense à n'importe quelle conquête de ce type sur Civilization.

Enfin, l'intégration des combats dans la campagne fonctionne très bien. En effet, comme je le disais, les joueurs agissent à tour de rôle ; lorsque chacun a joué l'ensemble de ses troupes une fois, un round est terminé et on passe au suivant. Un tour de la campagne contient trois rounds de combat, ce qui signifie que dans un combat, il n'est possible d'agir que trois fois avec chaque unité. Au bout de ce laps de temps, s'il reste au moins une unité au défenseur, il est considéré comme vainqueur et remporte des points de renom. Il sera peut-être exterminé au tour suivant, mais cette interaction entre temps du combat et temps de la campagne fonctionne très bien : il est parfois nécessaire de perdre volontairement du temps, ou au contraire de se dépêcher, forçant à adopter des stratégies différentes et potentiellement plus risquées.

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Tout n'était pas parfait pour autant. Le plus problématique est que les unités perdent facilement des points de vie et que pour le moment, le seul moyen de les soigner est de passer un certain nombre de tours sur son propre territoire. Ce système est terriblement insatisfaisant, car il est très lent : j'aurais largement préféré une action sacrifiant tous les points de déplacement de l'unité, mais régénérant l'ensemble de ses points de vie au début de son prochain tour. Forcer les joueurs à attendre inutilement n'apporte rien à personne. De plus, cette difficulté de se soigner rend les combattants à distance beaucoup plus intéressants, alors qu'ils n'ont pas besoin d'un avantage supplémentaire. Si Humankind pouvait ne pas rendre les archers aussi cheatés que Civilization, ce serait cool.

Il y avait aussi quelques bugs et, plus gênant, de l'aléatoire. Les dégâts infligés ne sont pas fixes, ce qui signifie qu'une même stratégie peut donner deux résultats différents. Certains y verront de la "gestion de l'aléatoire", moi j'y vois une négation de la stratégie, mais ce n'est pas bien grave : j'imagine que ce sera changé d'ici la sortie ou qu'un moddeur sortira rapidement un pack intitulé "no random" que j'activerai pour toutes mes parties. Il serait toutefois préférable qu'Amplitude offre ce choix d'eux-mêmes et comme ils sont à l'écoute de leur communauté, on peut légitimement espérer que ce sera le cas.

Au final, en dépit de quelques petits bémols, le système de combat constitue assurément le point fort d'Humankind. Il est son plus grand facteur différenciant, celui qui lui permet de narguer Civilization, de dire qu'il n'est pas une copie, mais une version sensiblement améliorée. Mieux, ce système de combat ressemble rapidement à une évidence, à ce que l'on a toujours cherché et dont on ne peut plus se passer après l'avoir essayé. Je serais surpris qu'il ne constitue pas la base de tous les 4X sortant à l'avenir, Civilization VII en tête.

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Si le combat est le plus gros point fort d'Humankind, il n'est pas son seul avantage. En effet, la création des villes est aussi très appréciable. Pour créer une ville, il n'y a pas besoin de sacrifier un nombre absurde de tours pour créer un colon : n'importe quelle unité en est capable. Cependant, ce n'est pas si simple, pour notre plus grand plaisir.

Chaque unité peut créer, en échange d'une certaine somme d'or, un avant-poste. Ce dernier revendique les environs, mais il ne dispose encore à ce stade d'aucune capacité de production. Pour corriger cela, il faut soit le transformer en site de production, afin de lui permettre d'exploiter les ressources proches, soit en ville à part entière. Cette transformation impose elle aussi un coût en or.

La création de ville est donc longue : il faut envoyer une unité sur la case sur laquelle on souhaite s'installer, utiliser l'ordre "créer un avant-poste", attendre quelques tours (pendant lesquels l'unité peut s'en aller ; son travail est accompli), lancer la transformation de l'avant-poste en une ville et attendre que cela se produise. Cela prend du temps, mais surtout de l'argent, dont le coût est évidemment exponentiel : chaque nouvel avant-poste - et chaque nouvelle ville - coûte plus cher que le précédent. Cependant, cette procédure est très simple et n'occupe une unité qu'un seul tour, évitant la frustration de voir sa ville principale paralysée pendant dix tours parce que l'on souhaite fonder une nouvelle cité.

En revanche, une fois la ville créée, je n'ai pas trouvé la partie gestion aussi satisfaisante. En effet, le joueur peut créer, pratiquement dès le début de la partie, de très nombreux bâtiments, répartis en deux catégories : les améliorations du centre-ville et les quartiers. C'est bien d'offrir des choix au joueur, mais il faut aussi veiller à ne pas le noyer sous les possibilités, ce avec quoi Humankind a plus de mal. Néanmoins, le pire est ailleurs : le système de quartier est médiocre.

Reprenons en exemple la référence du genre, Civilization (je vous entends soupirer, mais promis, c'est la dernière fois... bon, jusqu'à la conclusion). Dans Civilization, il n'est possible de créer qu'un nombre de quartiers limité, dépendant de la taille de la population. Cela pousse à spécialiser ses villes : celle-ci contient tous les bâtiments militaires, celle-là tous les bâtiments scientifiques, etc. Dans Humankind, soit cette limite n'existe pas, soit je ne l'ai pas vue. Pis, les quartiers ont une très forte interdépendance : un port offre un bonus en or en fonction du nombre de marchés adjacents, qui eux-mêmes dépendent d'un autre quartier. Les quartiers n'ont pratiquement aucun intérêts en eux-mêmes ; chaque création n'est que le début d'une longue liste, ce qui est terriblement frustrant. On aimerait des villes spécialisées, des quartiers aux différences notables imposant au joueur de faire des choix. On se retrouve avec une liste de choses à faire, même si elles n'ont aucun intérêt ludique. 

En conséquence, je n'ai créé pratiquement aucun quartier dans ma partie, ce qui ne m'a pas empêché d'écraser mes adversaires et d'atteindre un très bon score. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je ne saurais le dire, mais une chose est certaine : si la guerre est le point fort du jeu, la gestion des cités est clairement son point faible ; le système de quartiers devra être entièrement revu d'ici à la sortie.

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La force de l'amitié

Autre mécanique au coeur du jeu : le changement de faction. Dans les 4X traditionnels, les joueurs conservent leur faction du début à la fin de la partie. Dans Humankind, le joueur peut choisir au terme de chaque ère s'il désire changer ou s'il préfère conserver sa faction actuelle. Cela permet d'obtenir de nouveaux bonus et crée un nombre presque illimité de combinaisons possibles.

Cependant, la démo se finissait en changeant de peuple, donc je n'ai pu découvrir quel impact avait ce changement. De même, la diplomatie n'était pas disponible dans cette version du jeu. Il faudra aussi voir comment évoluera la partie dans les ères plus avancées.

Beaucoup de questions demeurent donc en suspens, mais c'est normal. L'essentiel est qu'en dépit des craintes que j'ai exprimées plus haut, ce premier contact avec le jeu a été très positif. Romain de Waubert a indiqué que lors de la création d'Amplitude, l'objectif était de créer le meilleur 4X. Humankind méritera-t-il ce titre ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il en a en tout cas le potentiel.

Humankind sortira en 2021. Si vous désirez l'essayer avant cela, c'est possible via le programme OpenDev, récemment lancé par Amplitude. Ce programme permet aux joueurs de jouer à plusieurs scénarios, se concentrant sur des thématiques spécifiques, puis de donner leur avis sur le jeu afin d'aider à son développement. Pour y participer, il suffit de s'inscrire via ce lien ; les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 26 juin 2020.

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Aperçu réalisé sur PC par Alandring dans le cadre d'un événement presse virtuel.

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