Test de Kraken Academy!! – Élève dissipé, peut mieux faire

Aaah, la douce période de la rentrée et ses nouveaux horizons qui s'ouvrent... Rencontrer de nouveaux camarades de classe ! Découvrir son emploi du temps ! Se faire confier une amulette permettant de remonter le temps par un kraken géant qui nous demande de sauver le monde ! Si ce dernier cas vous parle moins, Kraken Academy!! se propose d'y remédier en vous mettant dans la peau d'un lycéen lors de son premier jour en tant que membre du club de musique.

Ici, on ne plaisante pas avec sa carte d'adhésion, primordiale dans la structuration de l'établissement et qui n'est pas sans rappeler une certaine école de sorcier avec ses 4 clans que sont les arts plastiques, le club de sport, le club de théâtre et finalement le club de musique où commence l'histoire.

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Le jeu nous confronte très rapidement à ce qu'on pourrait appeler sa première cérémonie d'introduction, une série d'épreuves sous forme de QTE. Ces mini-jeux n'ont que deux variations et peuvent être réglés sur Facile dès le début du jeu ; ils sont très simplistes et ne constituent finalement qu'une excuse pour faire avancer l'histoire, l'échec n'ayant a priori aucun impact autre que de nous priver d'une très légère récompense. Une fois cette cinématique légèrement interactive achevée, la phase d'exploration du monde commence enfin et c'est l'occasion de découvrir l'élément central de Kraken Academy!!!!, à savoir sa galerie de personnages. Entre une fille changée en brocoli et ayant du mal à se remettre de la rupture avec son ex, une autre qui ne sort pas sans son déguisement de girafe, un adepte des théories du complot ou un beau gosse qui monétise sa fanbase lycéenne, la variété est au rendez-vous et les premières impressions sont très bonnes.

Le ton est très léger, parfois au point de ressembler à un jeu pour enfant tant la volonté d'être sincère et sans ambiguïté est forte. Et malgré l'originalité initiale, ce manque de profondeur qui pourrait s'excuser par la large palette de personnages différents se combine mal à une absence de noirceur pourtant promise par son amorce de scénario. En effet, une fois le club de musique exploré, on nous parle rapidement d'une soirée déguisée qui a lieu dans deux jours et auquel tout le lycée participera. On ne va pas arriver sans déguisement dès la première fête, ce serait la honte, et cette quête nous amène à rencontrer le Kraken éponyme qui nous prévient qu'un être malfaisant, le ou la Perfide, œuvre en ce moment même à provoquer la fin du monde. Le Kraken nous confie donc une amulette de voyage temporel qui nous permet de libérer quatre esprits, sorte de totems représentant chaque école, emprisonnés au travers d'un conflit intérieur affectant quatre personnages différents. On peut donc rembobiner le temps, revenir au lundi matin et employer notre temps jusqu'au mercredi soir pour éviter une propagation de crocodiles mangeurs d'hommes et d'incendies meurtriers.

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Je prends le temps de faire un parallèle rapide avec Yuppie Psycho, un autre jeu indépendant en pixel-art nous mettant dans la peau d'un homme vivant son premier jour dans un nouvel établissement menacé par un ennemi qui pourrait être n'importe qui. Dans Yuppie Psycho, qui a certes une direction artistique et un gameplay beaucoup plus tourné vers l'horreur, la présence de cet ennemi inconnu est constante. Dans le discours des autres personnages, dans la peur qu'il provoque, dans la paranoïa grandissante d'être en train de se lier à quelqu'un qui pourrait se révéler notre pire ennemi. Le système de jeu basé sur l'exploration d'un environnement en monde ouvert glissant peu à peu vers la folie est thématiquement très en phase avec les enjeux du scénario et la progression est cohérente, qu'elle se fasse via la résolution d'objectifs ou via une cinématique. Dans Kraken Academy!!, le ressort dramatique classique, mais extrêmement efficace de l'ennemi évoluant sous des traits amicaux n'est évoqué qu'au début de l'histoire et lors de sa conclusion, lorsque son identité est révélée. Les autres personnages, ne sachant même pas qu'il ou elle existe ni que la fin du monde arrive, vivent donc dans un espace dramatique séparé, joyeux et loufoque, sans que ces enjeux ne se croisent jamais.

Comme l'ensemble du scénario et la plupart des quêtes secondaires (taillées sur le modèle des dating sims) reposent sur la découverte de ces personnages, ils ont justement intérêt à être à la hauteur. Ils sont certes nombreux, ont souvent une accroche intéressante et l'histoire nous fait interagir brièvement avec chacun d'entre eux, mais on s'aperçoit cependant rapidement qu'ils sont pour l'immense majorité unidimensionnels : le trait principal qui les définit est généralement leur seule caractéristique et le scénario oublie globalement leur existence une fois qu'ils ont joué leur rôle. N'ayant pas terminé le jeu à 100%, il est tout à fait possible que j'aie raté un développement intéressant qui me fasse mentir, mais de ce que j'en ai vu la plupart des quêtes secondaires nous permettant d'approfondir la relation avec ces personnages sont une exploration autour du concept de base et une variation autour de l'idée que tout le monde est gentil, au fond. Ce n'est évidemment pas un défaut en soi, car le parti-pris est respectable et peut tout à fait fonctionner, mais il va à l'encontre des enjeux globaux vécus par le personnage principal.

C'est d'ailleurs de la relation du personnage principal avec le monde que vient finalement mon principal reproche. Si on me promet une mécanique de voyage dans le temps, donc la prescience des évènements à venir acquise par l'expérience, dans un jeu dont la composante centrale est la découverte et l'interaction avec des personnages, j'aimerais pouvoir progresser et améliorer le quotidien de chacun grâce à mes pouvoirs, observer un changement, une évolution dans la situation du lycée. Malheureusement, chaque boucle redémarre à l'identique et les personnages ont tous oublié qu'ils m'avaient adressé la parole ou que nous avions interagi ensemble. La résolution de quêtes secondaires amenant à mieux les connaître devient donc une check-list un peu artificielle et les résoudre n'enrichit pas notre expérience future ou l'univers du jeu, il permet juste de débloquer des succès. Une fois les mécanismes assimilés et l'histoire lancée, on se retrouve donc souvent à réinitialiser une boucle, faire avance rapide vers la période qui nous intéresse, résoudre la quête, puis retour à la case départ.

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En définitive, Kraken Academy!! n'est pas un jeu décevant en lui-même, car son ambiance est agréable, son univers suffisamment travaillé pour donner envie d'aller au bout de l'histoire et son temps de jeu court (je l'ai terminé en un peu plus de cinq heures avec 28 succès débloqués sur 48) font que les défauts évoqués n'existent qu'en arrière-plan. Cependant, son manque d'unité de ton et de gameplay le font s'éparpiller dans trop de directions pas suffisamment travaillées. Le jeu est truffé de références n'ayant pas grand chose en commun et parfois uniquement présentes pour apporter un clin d'œil au détriment de la qualité de l'écriture globale. Il a également plusieurs systèmes parallèles qui s'ignorent royalement, avec les quêtes secondaires évoquées précédemment, un système de collecte de bouteilles à recycler qui permettent d'obtenir des pièces ne servant qu'à débloquer des éléments esthétiques pour décorer une chambre dans laquelle on ne passe que très rarement, un annuaire rempli d'informations inutiles à moins d'absolument vouloir connaître la taille et le signe astrologique des personnages secondaires, une carte sommaire ne proposant pas de voyage rapide... Bref, il est à conseiller si vous souhaitez vous évader quelques heures dans un univers optimiste malgré une fin du monde imminente ou par curiosité lors de soldes Steam.

Test réalisé par Soupir à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Windows
Genres Aventure, jeu de rôle (rpg), amérique du nord

Sortie 10 septembre 2021 (Monde) (Windows)

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