Test de the Good Life – Mala Vida
Swery est connu pour ses jeux cassés, mais attachants. Cependant, Deadly Premonition 2 a entre-temps un peu ébréché cette image. Les choses n’ont pas été simples pour the Good Life non plus : il y a d'abord eu l’échec de la campagne Fig avant de rattraper le coup avec une campagne Kickstarter, puis ça a été un changement de partenaire pour l'édition qui a repoussé encore un peu plus l'échéance. Mais après tous ces déboires, nous pouvons enfin mettre la main sur le nouveau né. Était-ce une bonne chose que de s’acharner ainsi afin de concrétiser le projet ? Pas si sûr.
Naomie in England
Naomie Hayward est une photographe new-yorkaise qui croule sous les dettes (une trentaine de millions de livres, une bagatelle). Afin qu'elle puisse les rembourser, la société Morning Bell envoie la jeune femme en reportage à Rainy Woods, en Angleterre. Son objectif : comprendre pourquoi la petite ville est réputée comme le lieu le plus heureux au Monde.
Et peu de temps après son arrivée, la journaliste fait une découverte effarante : à chaque Nouvelle Lune ou Pleine Lune, les locaux se transforment en chiens et chats pendant la nuit ! Consciente qu’elle tient là un scoop énorme, notre chère Naomie se met très vite à enquêter sur le sujet. Elle doit donc faire comme tout bon journaliste : discuter avec les habitants, chasser des petits animaux pour ramener leur peau à l’artisan du coin, planter des graines dans son jardin, se confectionner de nouvelles chaussures, prendre la photo d’un caillou, réunir trois champignons et quatre plantes, … La routine quoi.
Et alors que l’ennui commence à gagner le joueur… Non, pardon : alors que notre égoïste et insupportable héroïne s’apprête à obtenir une information cruciale, le charmant petit village est troublé par un horrible meurtre ! Il faut donc également élucider ce nouveau et macabre mystère. Et les insipides habitants, choqués par une telle tragédie, vous demandent ce que ferait n’importe qui dans une telle situation : leur ramener des champignons rares, prendre la photo du distributeur de billet du village, domestiquer un mouton pour faire la course avec, déplacer des nains de jardin, récolter des matériaux rares et livrer diverses babioles à travers la campagne anglaise. Et accessoirement, parfois, de temps en temps, en apprendre un peu plus sur l’histoire du patelin.
Oui, le métier de journaliste nécessite des talents multiples.
Farming Simulator
À partir du moment où le meurtre est perpétré, trois grosses quêtes se présentent au joueur. Il est possible de mener leurs diverses étapes en parallèle avant de s’attaquer à la dernière grosse ligne droite. Les objectifs et les actions à mener dans ce but sont relativement diversifiés. Et très relativement intéressants.
À cela s’ajoute la quantité monstrueuse de quêtes annexes : absolument tous les habitants ont quelque chose à vous faire faire, les temples (des sortes de points de téléportation à débloquer) proposent plusieurs niveaux d’objectifs et même vos commanditaires vous lancent dans quelques tâches par mail. Malheureusement, ces activités sont rarement motivantes : prendre des photos précises, ramener certains objets, visiter divers types de lieux, collecter un certain nombre de choses… Ça promet pas mal d'aller-retours stériles. Surtout que la récompense est souvent décevante : quand on vous demande de dépenser près de cinq cents livres dans une quête qui ne vous en rapporte que trente, il y a de quoi se poser des questions.
En fait, que ce soient les quêtes principales ou secondaires, on a souvent l’impression qu’on fait tout autre chose que d'enquêter sur les mystères du coin ; ce n’est plus le quotidien d’une journaliste, mais celui d’une livreuse FedEx.
Le pire, c’est que le jeu s’amuse régulièrement à se moquer de ces fetch quests, de ces travers présents dans les RPG. Titiller le quatrième mur est amusant quand il s’agit de détourner les codes. Cependant, si c’est pour les appliquer à la lettre en ayant conscience que c’est faire souffrir les joueurs, le procédé passe moins bien.
Les mécaniques du jeu n’aident pas non plus à rendre l’expérience agréable. Il faut par exemple que la quête soit active si vous voulez progresser ; ramenez ses babioles à un personnage alors qu’un autre objectif est sélectionné et ce dernier ne fera que vous raconter des banalités. Jusqu’au choix du menu à choisir dans la discussion qui est rarement clair.
En plus de mener votre enquête (la trouzaine de quêtes barbantes, donc), il vous faut gérer la santé de Naomie. Notre tamagotchi doit se nourrir et dormir régulièrement, sans quoi elle risque de tomber malade et de s’affaiblir. Il ne faut pas non plus manger n’importe quoi, sans quoi elle pourrait se trouver mal aussi. Et ne pas rester trop longtemps sous la pluie. Et ne pas porter de charge trop lourde. Et… et soigner tout ça coûte cher. Si jamais vous en veniez au game over, c’est carrément la moitié du budget qui s’évaporerait en frais médicaux. Et n’oubliez pas de vous doucher régulièrement, sinon les autochtones risquent de se plaindre de l’odeur.
L’argent ; le nerf de la guerre, dit-on. Autant vous prévenir, il est au cœur de beaucoup de choses, vous en dépensez. Mais bien entendu, le penny ne pousse pas sous les cailloux. Enfin, si, dans un sens. Toutefois, il faut en retourner un bon paquet et revendre ce qui se cache dessous pour pouvoir subventionner votre progression. En effet, il est possible de ramasser des ressources ici et là, de fouiller les poubelles, de creuser dans certains coins ou miner dans les endroits dédiés. Du bon vieux farming en perspective, en gros ; quand on vous disait qu’on retrouve tous les mauvais côtés des RPG.
Le jeu propose bien d’autres activités : vous pouvez acheter des vêtements pour améliorer certaines caractéristiques, vous pouvez demander à ce qu’on vous prépare des potions qui améliorent votre quotidien, vous pouvez même améliorer la maison de Naomie et son jardin. Il est aussi possible d’acheter de beaux appareils photo flambant neuf pour remplacer le vieux matériel de départ qui tombe souvent en panne. Mais toutes ces fois encore, il vous est demandé quantité de ressources et d’argent. Et c’est déjà bien assez pénible de s’en procurer pour la quête principale.
On a donc énormément de choses à faire, ce qui peut occuper pas mal de temps. Cependant, la plupart de ces activités sont sans grand intérêt. Parfois apparaît une quête plus intéressante que les autres, mais ce sont presque les exceptions comparées à tout le reste. À noter également que certains objectifs peuvent devenir impossibles à réaliser passé certaines étapes de la narration ; la situation peut frustrer ceux qui aiment avoir un journal de quête propre en fin de partie.
La vie est une chienne… Ou une chatte.
Le tout se déroule en simili-temps réel : une seconde de jeu correspond à une minute dans ce monde. Tous les habitants ont leur routine : les magasins ne sont ouverts qu’en journée, certains vont à l’église le dimanche, d’autres ne sont en ville que certains jours de la semaine. Et quand ils vont d’un point à un autre, c’est toujours au pas de course ; à vous de tenir le rythme. Par contre, oubliez le changement de saison dont il était question pendant la campagne de financement : c’est du pur climat britannique, c’est-à-dire soleil blafard ou pluie.
Le terrain de jeu est un monde ouvert. Néanmoins, comme il faut bien empêcher le joueur de se balader un peu trop librement, la campagne anglaise est barrée d’une multitude de clôtures en pierre typique du coin. Pour les traverser, il faut soit se transformer en chat soit trouver une ouverture quelque part.
Une des possibilités les plus mises en avant est en effet la possibilité de se transformer en animal. La forme de chat permet de sauter haut, de tuer d’un coup le petit gibier, de grimper en hauteur ou de se faufiler dans de (rares) passages étroits. Celle du chien permet de courir un peu plus longtemps, de traquer les odeurs, de marquer son territoire (sigh) et de creuser à certains endroits. Ces possibilités sont très utiles durant toute l’aventure, mais basculer de l'un à l’autre s’avère aussi très pénible : impossible de changer directement d'animal, il faut toujours redevenir humain entre-temps, avec la courte animation à chaque fois. Et ça casse énormément la fluidité de l’exploration.
Les différents mécanismes sont plus ou moins expliqués. Certains sont détaillés dans des pavés de textes qui apparaissent quand ils sont requis la première fois. D’autres sont obscurs jusqu’au bout, comme par exemple comment évolue le charisme.
Et le fait que les villageois se transforment en animaux tous les dix jours ? Bah, ça a finalement si peu d’importance que vous serez probablement plus occupé à débusquer la pintade qui vous a été réclamée plutôt que d’aller batifoler en ville.
Goddamn hellhole
Mais techniquement, alors ? Eh bien… Le design des personnages est, disons, particulier. Leur aspect est plus harmonieux que celui vu sur les premières images du développement, mais ils gardent encore un peu ce côté anguleux. Par contre, leur animation est honteuse pour un jeu de 2021 : simpliste, pauvre, il suffit de voir Naomie sous forme de chat courir ou grimper aux murs pour se demander si on n’est pas devant un jeu PS2 upscalé. Et encore.
Côté décors, ce n’est guère mieux. Si le centre-ville peut faire un peu illusion, c’est fini une fois dans les prés : la plupart du terrain a des airs de terrain vague quadrillé de murets avec quelques arbres et des moutons dessus. Il y a bien quelques bâtisses ou lacs pour apporter un peu de variété, mais le tout est tellement générique ; que ce soit dans un coin ou un autre de la carte, tout se ressemble. Seuls sortent du lot les endroits importants pour la progression de l’histoire, tout en restant de gros polygones mal dégrossis.
Manette en main, les contrôles sont pour la plupart corrects. La maniabilité à dos de mouton (le moyen de locomotion local) n’est pas géniale non plus et le système de combat catastrophique (heureusement qu’il est peu nécessaire d’en arriver là).
Le jeu n’est pas traduit en français. Certains personnages parlent un anglais un peu soutenu, d’autres ont un accent, mais la plupart des autres ne nécessitent pas un gros niveau. Le doublage est de bonne qualité, mais partiel ; c’est étrange de lire du dialogue sans bruit et de soudain entendre une réplique doublée. Certaines répliques sont par contre utilisées un peu trop souvent, jusqu’à la nausée : le “yeah baby” de l’accélération du mouton, pour ne citer que lui.
Sur Switch, des ralentissements ont été constatés à plusieurs reprises. Il est également arrivé que certains personnages (importants, forcément) aient disparu quand on reprend une partie en veille ; ils réapparaissent cependant quand on relance tout le jeu. Mais le vrai défaut de cette version, c’est peut-être qu’il soit tellement plus facile de balancer la console à travers la pièce quand on se retrouve bloqué dans sa progression par un mini-jeu mal pensé.
Cette Good Life a finalement des airs de calvaire. L’histoire pourrait être intéressante et on rencontre même quelques fulgurances dans la narration. Cependant, avec ses objectifs d’un autre temps (mais incroyablement nombreux), ses personnages peu attachants et sa technique dépassée, il est très difficile d’aimer le nouveau né de Swery.
Test réalisé sur Nintendo Switch par NeoGrifteR à partir d’une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | Nintendo Switch, PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Action-RPG, aventure, jeu de rôle (rpg), contemporain |
Sortie |
15 octobre 2021 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
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