Test de Total War: Warhammer III - Le début de la fin

En 2012, Sega annonçait un partenariat avec Games Workshop pour le développement de jeux estampillés Warhammer. Près de dix ans plus tard, il est temps de (commencer à) conclure cette trilogie, initiée par deux jeux brillants.

Definitive Edition

Vous avez déjà eu de nombreuses occasions de lire mes tests élogieux de Total War: Warhammer, de Total War: Warhammer II ou de leurs DLC. Je titrais le premier "l'alchimie parfaite" et le second "comment dit-on mieux que parfait ?" Pourtant, la première chose qui saute aux yeux en lançant Total War: Warhammer III, ce sont tous les petits ajouts qui se sont fait au fil du temps, comme la gestion des trésors maritimes ou celle des zones inhospitalières. Ce nouvel opus se construit sur ces acquis et l'enrichit encore, notamment au niveau de la diplomatie. Désormais, il est possible de savoir exactement si un accord est proche ou non, de demander à notre interlocuteur de l'équilibrer pour le rendre acceptable ou encore de voir en un clic avec qui il serait le plus aisé de nouer tel ou tel accord. Mieux, il est également possible de construire des "postes avancés" dans les capitales provinciales des alliés, permettant de recruter les unités qui y sont disponibles, ce qui permet de davantage diversifier ses armées.

Par bien des côtés, ce Total War: Warhammer III pourrait s'appeler "Total War: Warhammer - Definitive Edition". Il intègre près de six années de contenu : même s'ils ne sont pas (encore) jouables, les Humains, les Nains et les Skavens emportent avec eux toutes les unités ajoutées via les différents DLC qu'ont reçu ces races au fil des ans. Unités qu'il est possible de recruter en tant que mercenaires, donc, même sans avoir les DLC concernés.

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4 c'est bien, 8 c'est mieux

Pourtant, il serait faux de croire que cet opus n'amène rien, bien au contraire. Alors que Total War: Warhammer ne contenait que cinq factions jouables au départ, et sa suite seulement quatre, ce nouvel opus en intègre directement huit : Kislev, Cathay, les Royaumes Ogres et cinq factions liées au chaos (quatre factions liées à un dieu spécifique, Khorne, Tzeentch, Slaanesh et Nurgle, ainsi qu'une dernière, les Démons du chaos, dédiée au chaos universel). Si vous désirez une description détaillée de Cathay et des Démons du chaos, je vous recommande cet aperçu de Seiei.

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Il est très satisfaisant d'avoir autant de choix et vraiment agréable que Creative Assembly ait osé sortir des sentiers battus en créant les factions de Cathay et de Kislev. Cependant, je dois aussi admettre que cette dernière m'a semblé moins unique que les races des deux premiers opus et que si les différents dieux du chaos se jouent différemment, quand on est face à eux, cela revient du pareil au même, ou presque. En outre, les cinq factions du chaos n'intègrent qu'une seule sous-faction. C'était déjà ainsi dans Total War: Warhammer, mais sa suite intégrait par défaut deux sous-factions par race, ce qui était notamment pratique en multijoueur. Jamais content, en somme ? Peut-être bien, mais les efforts de Creative Assembly sont en tout cas appréciables, et on a hâte que ces factions s'enrichissent au fil des ans.

Autre ajout notable, Total War: Warhammer III se dote d'un prologue. Sur le plan du gameplay, celui-ci est assez désagréable pour les habitués de la licence, tant il prend de temps pour expliquer ce que l'on sait déjà. En revanche, sur le plan narratif, ce prologue est vraiment plaisant, notamment grâce à des cinématiques magnifiques : on sent tous les progrès effectués par Creative Assembly dans ce domaine ces dernières années. En outre, si vous désirez initier votre petit cousin à la licence Total War, ce prologue en est l'occasion idéal ; surtout que le jeu est disponible sur le Xbox Game Pass.

Enfin, attardons-nous sur la campagne principale, à la structure inhabituelle. En effet, sur le plan strictement théorique, il serait possible de la remporter en contrôlant un seul territoire. Ainsi, pour gagner, il suffit de se rendre avec son seigneur dans les domaines des quatre dieux du chaos, de tuer leurs favoris et d'utiliser leurs âmes pour se rendre dans le lieu d'un ultime combat. Facile, non ?

Je force évidemment le trait et cette campagne est de longue haleine (la première que j'ai effectuée m'a pris près de 40h, contre 17 pour ma première campagne sur Total War: Warhammer), mais sa structure est très différente des Total War classiques puisqu'il n'est pas nécessaire de conquérir tel ou tel territoire. De manière régulière, des failles apparaissent et il faut d'en servir avec son chef de faction, accompagné d'une armée lui permettant de résister dans ces terres hostiles. Problème : ces failles apparaissent un peu partout et ont aussi comme capacité de téléporter des armées d'un endroit à un autre. Cela donne à ce nouvel opus une allure très déstructurée : il est possible de se faire attaquer plus ou moins n'importe où, forçant à construire des murs dans chaque colonie pour se prémunir d'une attaque.

Ces éléments contribuent à créer une campagne très dynamique, qui profite également de ces passages narratifs.

Le Saint-Siège

Résumons. On prend un jeu "mieux que parfait", on l'améliore encore et le gave de nouveautés attractives : le résultat ne peut qu'être exceptionnel, non ? Malheureusement, "différent" ne signifie pas forcément "meilleur" et l'un des changements de ce nouvel opus l'illustre parfaitement. En effet, le jeu intègre un système de ressources rappelant les RTS traditionnels que je présentais l'année passée. En bref, en tuant des unités ennemies ou en contrôlant certaines zones, le joueur obtient des ressources lui permettant de créer des bâtiments (des tours ou des barrages) ou, dans certaines batailles, de recruter des unités.

Je ne suis pas fan du système, pour les raisons évoquées dans l'article, mais Creative Assembly a eu la bonne idée de les rendre (presque) optionnelles. En effet, ces batailles ne se produisent que lors des affrontements contre les disciples du chaos, soit quatre batailles pouvant être résolues automatiquement et lors de l'ultime affrontement, qui doit être fait en manuel. Disons-le clairement : cette ultime bataille a été une de mes pires expériences sur un Total War, qui m'a pris au total plus de trois heures entre les deux essais que cela m'a demandé pour l'emporter (de justesse). Dans ma liste de souhaits pour les Total War, je n'avais jamais inscrit "des batailles de 2h que l'on ne peut gagner qu'en apprenant le script par cœur", mais si cela ne doit arriver qu'une fois, pourquoi pas.

Le drame de ce jeu, c'est que Creative Assembly, probablement fan de son système, s'est dit que ce serait bête de le limiter à ce cadre : ce système de ressource est également présent dans les batailles de siège ou lorsque l'ennemi est en mode campement. C'est ainsi que ces batailles, qui devraient être rares, deviennent extrêmement fréquentes.

Expliquons en détail les problèmes posés. Depuis la nuit des temps, les batailles de siège défensives dans les Total War consistent à trouver un goulot d'étranglement, à y former plusieurs rangs d'unités et à tenir, tenir, tenir, comme si l'on réalisait un remake de 300. Ces batailles donnaient lieu à des victoires épiques, au terme desquelles on l'emportait avec quatre unités d'archers ashigaru face à une armée entière. Tout ceci est désormais terminé. En effet, il faut désormais protéger trois ou quatre points de ravitaillement, forçant à se disperser. Cependant, ce n'est pas si grave que ça. En réalité, le problème est ailleurs : jamais le level design des sièges n'avait été aussi médiocre. Pour le voir, prenons cette carte en exemple :

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Lors de cette bataille, j'ai 18 unités sous mes ordres, ce qui est pas mal. Cependant, il y a au total six chemins différents permettant d'accéder au centre, et je ne parle là que des derniers mètres : il n'est pas possible de défendre ailleurs qu'au centre, car chaque position peut être aisément contournée par l'ennemi s'il le désire. C'est probablement agréable en attaque, mais défendre dans une bataille de siège tient du cauchemar, tant les itinéraires possibles sont nombreux pour les assaillants. Par curiosité, j'ai ensuite été voir les différentes cartes pour les batailles de siège : toutes ont pour particularité leur grande ouverture et leur très nombreux passages possibles. Sur ce plan, la comparaison entre les cartes présentes dans Total War: Warhammer III et celles du même nom de Total War: Warhammer II est saisissante. Regardons Altdorf, la capitale impériale, par exemple :


Dans 20 ans, après la sortie des dernières cartes graphiques de Nvidia, de telles cartes seront probablement le cadre de batailles incroyables impliquant des centaines d'unités de chaque côté. Aujourd'hui, pourtant, même avec 40 unités, elles sont pratiquement indéfendables : un adversaire surnuméraire trouvera toujours l'occasion de vous contourner.

En outre, ce n'est malheureusement pas le seul défaut de ces batailles. S'il n'est pas possible d'y faire venir de nouvelles unités (logique), il est cependant possible d'investir des points dans des défenses, qu'il s'agisse de barricades ou de tours. Pour le coup, c'est une excellente idée : il y a de nombreuses possibilités (qui expliquent probablement la grande ouverture des cartes) et il est appréciable de pouvoir planifier ses défenses avec précision, comme c'était le cas dans certains anciens Total War. Il n'y a qu'un - très léger - souci : un développeur a visiblement oublié un zéro quelque part. En effet, le joueur a un pécule de base qu'il peut dépenser pour des constructions, chacune ayant un certain prix. Mieux, les tours et les barricades ont chacune quatre niveaux, de plus en plus cher : une tour peut ainsi coûter jusqu'à 2000 points. Or, le défenseur commence en général avec... 1000 points, soit péniblement de quoi construire trois petites barricades sur la dizaine disponible.

Ces points arrivent au fur et à mesure, en défendant certains points. Cependant, si vous désirez construire une tour après le début de la partie, il vous faudra attendre 90 secondes entre le moment auquel vous dépensez les points et le terme de sa construction, soit une éternité dans une telle bataille. Pis, n'espérez pas commencer par construire un bâtiment peu cher, avant de l'améliorer. Pour l'illustrer, prenons un exemple concret. Une tour défensive coûte 500, 900, 1500 ou 2000 points, selon son niveau. Imaginons qu'avec vos 1000 misérables points de départ, vous décidiez d'acheter deux tours de niveau 1, dans le but de les améliorer ensuite. Seulement, pour les passer au niveau 2, il ne faudra pas dépenser 400 points, mais 650. Pour les passer du niveau 2 au 3, ce ne sera pas 600 points, mais 950. Enfin, le dernier changement vous en demandera 1300 au lieu de 500 (petit bonus pour l'ultime changement, parce que pourquoi pas). Au total, procéder ainsi demande de dépenser 3400 points pour créer une tour de niveau maximum, contre 2000 si vous le faites directement, sans étape intermédiaire. Et comme ce tarif n'était pas assez prohibitif, signalons aussi que chaque changement prend 30 secondes pour faire effet.

En somme, il ne sert à rien de construire des bâtiments de niveau intermédiaire, sauf si vous comptez vous arrêter là. Il vaut mieux économiser au maximum, puis tout investir, attendre 90 secondes et... ah, la bataille est déjà finie. Tant pis.

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé

Il est difficile de conclure sur ce Total War: Warhammer III. Les points positifs sont nombreux et indéniables : les améliorations d'ergonomie, les nombreuses factions, la forte dimension narrative... De même, sur le strict plan du ressenti, ce nouvel opus a su m'embarquer comme seuls quelques jeux par an savent le faire. Après un Total War: Three Kingoms et un A Total War Saga: Troy tous deux en demi-teinte, revenir à la franchise Warhammer fait beaucoup de bien. Cependant, je ressens aussi une importante déception en constatant la mutilation d'une des parties du jeu que je préférais, à savoir les batailles de siège.

Certains concepts sont intéressants, comme la gestion des équipements défensifs, et il suffit probablement de quelques ajustements pour rendre cela appréciable : augmenter l'argent disponible au départ, permettre la création et l'amélioration immédiate de bâtiments, ne pas mettre de surcoût en cas d'amélioration, etc. Cependant, il sera sans doute délicat de remédier aux problèmes de level design... à moins de réintégrer les cartes de bataille des opus précédents.

En somme, ce Total War: Warhammer III est vraiment le début de la fin : c'est un grand plaisir de retourner sur cette licence, mais il faut espérer que sa sortie n'est que le début d'un long cycle de mises à jour gratuites, de mods et de DLC payants afin de parfaire l'expérience.

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Test réalisé par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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