Test de Ganryu 2 - Trop tranchant pour son propre bien

Ganryu 2 est la suite d'un jeu d'action aventure sorti dans les années 90 sur NeoGeo. Descendant d’une longue lignée de titres allant de Shinobi à Strider en passant par les premiers Castlevania, soit les ancêtres du jeu d’action moderne, on y affronte des hordes d’ennemis dans un univers 2D qui crée des situations de gameplay en ajoutant un peu de plateforme.

Dans Ganryu 2 on incarne Musashi, un Samouraï guidé par une sombre histoire de vengeance qu’il n’était pas nécessaire de tant développer puisqu’elle sert surtout de prétexte pour pouvoir foncer dans le tas et défourailler dans la joie et la bonne humeur. Si face à l'émergence de la 3D le genre a su se réinventer, devenant au passage plus accessible, le choix fait ici est plutôt de rester fidèle à la très vieille école, celle où la progression se fait dans la douleur.

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L'école des hauts-couteaux (de cuisine)

Notre objectif principal est donc de traverser cinq actes composés chacun de deux niveaux, généralement en side-scrolling, en tranchant dans le vif de phénoménales hordes de monstres tout en essayant de maintenir notre barre de vie à flot malgré les assauts adverses. L’action se passe dans un Japon médiéval fantastique, et l’ambiance musicale est réussie. Toutefois, si le rendu en pixel art est propre, voire inspiré en début de partie, il se dégrade au fur et à mesure qu’on progresse. Sans compter que les choix d’éléments comme les couleurs évoquent immanquablement le très iconique Muramasa sans parvenir à l’égaler. Il aurait peut-être été plus judicieux de faire des choix pour éviter la comparaison.

On s'attend à un jeu plutôt dynamique et c'est le cas dans les mouvements du personnage. Le sabrage est efficace – la majorité des ennemis se font one-shot - et on peut également lancer des kunais à distance si l’on possède les munitions nécessaires. On dispose également d’un dash offensif très sympa pour venir à bout de nos adversaires, mais c’est une arme à double tranchant qui peut nous faire un peu perdre le contrôle comme en s’arrêtant juste devant un adversaire, nous mettant en danger. Toutefois les sauts sont un tantinet rigides et manquent de précision dès qu'il s'agit de rebondir sur les murs. On déplore surtout que les boutons d’attaque soient mal mappés. Sur le pad Xbox, l’attaque principale est sur Y et les kunais sur X, soit l’inverse de ce que font tous les autres jeux. Pire, le sommaire menu d’options ne permet pas de paramétrer les boutons de la manette, seulement ceux du clavier. Il faudra donc compter sur Steam pour faire le paramétrage qu’on aurait dû trouver en jeu.

Notre arsenal inclut également 4 magies défensives comme offensives, mais bien habile sera celui qui parviendra à les utiliser. En effet, pour lancer un sort, il faut remplir une jauge qui progresse très lentement en collectant des orbes magiques récupérées sur les ennemis. Si vous arrivez à lancer un sort par niveau, ce sera pas mal, et encore : ça signifie ne pas mourir, car à chaque décès votre jauge repart de zéro. C’est d’ailleurs un premier reproche qu’on pourrait faire au jeu : la progression du personnage se fait en collectant des drops sur les ennemis ou en cassant des coffres et lampions. Malheureusement, tout est perdu à la moindre mort. Si vous arrivez devant un boss avec un seul point de vie, vous recommencerez donc au dernier checkpoint mais… totalement à poil. C’est aussi punitif que contre-productif. Dommage qu’aucune option d’accessibilité ne permette de conserver les améliorations de vie, de magie et d’équipement au-travers de la mort. De plus, la palanquée d’objets qu’on collecte donnent des points qui ne semblent servir à rien, même pas à gagner des vies.

D’autant que les morts sont nombreuses, car si le personnage est vivace, le level design est beaucoup plus problématique. Les niveaux sont remplis de pièges imprévisibles. L'apparition des ennemis se déclenche quand on arrive à certains endroits et on les voit surgir du néant via de petits nuages. Ces adversaires sortis de nulle part viennent souvent de derrière nous, mais peuvent aussi nous surprendre et nous envoyer directement au fond d'un trou, ce qui est plutôt rageant car assez injuste. En effet, il serait plus fair play d’afficher les ennemis pour permettre au joueur de réagir, plutôt que de le prendre en traitre s’il ne connait pas les niveaux par cœur. La seconde partie du premier niveau illustre bien cette problématique : le jeu tente de se diversifier en proposant de la course sur wagonnets de mine, et on se retrouve à faire des sauts de la foi vers des plateformes hors écran tout en essayant d'esquiver les projectiles qui nous envoient au trou. Frustrant. On a connu des introductions plus douces. D’ailleurs, le second acte est beaucoup plus classique et la progression y est bien plus agréable.

Cette équation entre personnage dynamique et level design piégeux donne un gameplay à la fois mou et rigide. On avance prudemment et quand on croit connaitre la partition, on se fait vite rappeler à l'ordre. C'est vexant d'être toujours dans la retenue. Beaucoup de morts paraissent injustes, notamment contre des adversaires faibles aux patterns parfois erratiques ou aux tirs venus de l’extérieur de l’écran.

Le comportement des adversaires est aussi souvent incohérent. Par exemple, les ninjas de base tentent toujours une attaque en étant hors de portée, puis continuent leur route et sortent de l’écran si on ne les tue pas. L’adversaire impliqué aurait dû au moins revenir à la charge – là, ils ont le QI d’un Koopa vert. D’autant que le bestiaire n’est pas très varié : il se compose majoritairement de ninjas ; des rouges, des oranges, des bleus, certains avec des arcs, d’autres avec des objets de lancer. Il y a bien quelques monstruosités comme d’acharnées têtes volantes bleues ou une espèce de ver volant pour varier le bestiaire, mais ce n’est pas très inspiré. Je note toutefois la présence de deux ennemis – hors boss – qui requièrent un minimum d’approche pour en venir à bout, toutefois si on passe derrière eux ils se laisseront massacrer sans même se retourner.

L'âme émoussée

Ce qui plombe vraiment le jeu, c’est la mauvaise gestion de la difficulté. Je peux comprendre qu'on veuille faire un jeu à l'ancienne, mais même des jeux qui ont 30 ans étaient moins austères que celui-ci. Il y avait des options d’accessibilité, même basiques, qui proposaient des vies et des continues en plus. Ici, rien du tout : si vous perdez toute vos vies avant la fin de l’acte, il faudra recommencer l’acte en entier. Du coup, on se demande pourquoi les actes ont été divisés en niveaux – qui sont en plus très longs, parfois plus de 15 minutes. Il aurait été sympa d’avoir ou de pouvoir collecter des continues au cours de l’aventure pour recommencer au second niveau, et ça aurait donné une utilité à tous ces objets qu’on collecte qui font des points qui ne servent aucun objectif.

Même les checkpoints au cours du niveau ne pas visibles en jeu. C’est anormal qu’une base du game design nous indiquant qu’on a validé une étape soit absente. Il aurait suffi d’un poteau, d’un drapeau ou d’un lampion qui s'allume - au pire un message textuel aurait fait l’affaire. Même les sauvegardes ne sont pas mentionnées. Le jeu enregistre la progression à la fin de chaque acte, mais ne nous en informe pas. Il faut finir l’acte 1 et mourir pour voir qu’une option permettant de reprendre la partie à l’acte 2 existe. J’ai tellement recommencé l’acte 1 qu’une fois arrivé au 2, j’ai traversé tout l’acte en ayant l’angoisse du Game Over tellement j’avais peur de devoir reprendre le jeu depuis le début. En fait, on dirait qu’il manque tout un pan de l’interface qui compose l’accessibilité mécanique. Rien qu’un écran "nouvelle partie" avec trois emplacements de sauvegarde nous aurait informé qu’il y avait des saves.

Quand on va au fond du sujet de l’accessibilité, c’est-à-dire la difficulté, on se rend compte à quel point la construction du jeu est datée. Le système de vies est complètement obsolète voire contre-productif. Des titres similaires comme The Messenger l'ont abandonné il y a bien longtemps parce que ce n’est pas fun. Le jeu vidéo a changé depuis 1990 et ce qui plaît aux joueurs, ce n’est pas de s’acharner des heures durant à apprendre par cœur de longs niveaux aux pièges aussi traitres que redondants, mais de triompher de situations prévues pour les mettre à l’épreuve en renouvelant le gameplay.

On voit bien que les développeurs en ont conscience puisque pour certains passages, on peut récupérer facilement une vie au point de respawn et donc recommencer des dizaines de fois pour apprendre et progresser. Le boss du troisième acte en est un excellent exemple, avec un passage complexe, mais super sympa de course-poursuite dans l'eau où l'on esquive des projectiles flottants en poursuivant des ninjas. On voit que tout est bien pensé pour faire du bon jeu et permettre au joueur d'apprendre, de progresser et de s'éclater. C'est dans ces moments-là – quand les vies sont infinies et le level design soigné - que le jeu est vraiment sympa à jouer. Le feeling à l’ancienne et le challenge certes, mais dans un cadre moderne qui nous stimule, nous encourage à apprendre et nous fait progresser - pas en empilant le par cœur, les packs de mobs infinis et les game over à répétition contre lesquels le joueur s'acharne façon "git gud" dans tout ce que ça a de plus exécrable.

Difficile de savoir à qui recommander Ganryu 2. Malgré un personnage vivace, le jeu est ramolli par une conception des niveaux globalement datée qui vise à allonger le temps de jeu à base de pièges indétectables qui imposent la prudence et le par cœur. À réserver aux fans hardcore du genre qui n’auraient plus rien à se mettre sous la dent. Pour les autres, il y a tellement de jeux action plate-forme plus créatifs, innovants, bienveillants et amusants sur le marché qu'il me semble plus judicieux de se tourner vers ceux-ci.

Testé par Oulanbator sur PC via une version de test fournie par l'éditeur.

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