Aperçu de Shattered Heaven - Une belle histoire à découvrir

J'ai pu essayer une démo de Shattered Heaven, le prochain jeu de Leonardo Interactive. Voyons ce qu'ils proposent.

Être dans le vent, c'est une ambition de feuille morte

Souvenez-vous : l'an dernier, je testais Dry Drowning, visual novel issu d'un jeune éditeur italien, Leonardo Interactive. Pour son nouveau jeu, Shattered Heaven, Leonardo Interactive - et son studio de développement interne - est allé dans un terrain sur lequel je ne l'attendais pas : un "roguelite deckbuilder." Oui, je sais ce que vous allez vous dire : "encore un ?" Pourtant, le titre semble avoir un certain nombre de particularités qui peuvent lui permettre de s'illustrer.

Le premier atout saute rapidement aux yeux : le jeu dispose d'une direction artistique très particulière, très différente de celle de Dry Drowning, mais tout aussi mémorable. Les environnements ont été travaillés et offrent de nombreux détails, mais ils mettent surtout en avant les personnages, que l'on dirait dessinés à la main dans un style très différent de celui des décors. Surtout, cette direction artistique est au service de la narration : je n'ai pu voir qu'une toute petite partie du jeu, mais la personnalité des personnages a suscité mon intérêt, car ces derniers semblent bien écrits : ils ressemblent de prime abord à des clichés ambulants, mais révèlent rapidement un certain nombre de nuances qui donnent envie de les découvrir davantage. De même, le monde est intrigant et j'ai hâte de le parcourir. En outre, le jeu propose plusieurs cinématiques de qualité et l'ensemble des dialogues est doublé.

En somme, Shattered Heaven se distingue surtout par sa narration particulièrement soignée, ce qui se comprend aisément pour un jeu édité par Leonardo Interactive. Cependant, cela étonne également pour un rogue-lite, les jeux du genre étant généralement assez pauvres dans ce domaine, pour ne pas contraindre le joueur à lire encore et encore le même texte. J'ai donc interrogé les créateurs du jeu sur le sujet :

Nous avons utilisé le terme "roguelike" pour décrire le gameplay de Shattered Heaven, car nous utilisons plusieurs mécaniques iconiques du genre : donjons aléatoires, pièges, événements aux hauts risques/hautes récompenses et boss mortels.

Dans le mode histoire, mourir vous ramènera simplement au début du donjon, vous donnant une chance de repenser votre stratégie et vos options. Dans le mode rogue-like, optionnel et non centré sur l'histoire, vous devrez recommencer depuis le début en cas de mort.

Giacomo Masi, directeur créatif du jeu

En somme, le jeu possède bien un mode scénarisé, ne forçant pas à recommencer depuis le début en cas de mort. Cependant, les joueurs préférant une expérience de ce type seront également servis : c'est un bon compromis. Mieux : l'histoire intégrera un certain nombre de choix, menant à trois fins différentes au lancement.

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À la carte

Si la dimension narrative est donc satisfaisante et pourrait permettre au jeu de se faire une place dans ce genre ultra concurrentiel, il reste à évaluer son gameplay, qui, disons-le directement, m'a moins convaincu. Cependant, commençons par le présenter.

Le joueur incarne un groupe de trois personnages affrontant un nombre variable d'ennemis dans des combats au tour par tour. Chaque personnage joue à son tour, déterminé par son initiative, et pioche des cartes qui lui sont propres. Le joueur doit alors choisir quelles cartes utiliser et il peut s'il le souhaite recourir à l'action spéciale du personnage.

Les trois protagonistes disposent tous d'un gameplay qui leur est propre et qui est assez riche. Ishana, par exemple, peut invoquer une créature. Lorsque celle-ci est présente, ses cartes ont des effets renforcés. Avec elle, il s'agit donc non seulement de choisir les cartes à jouer, mais aussi de choisir quand les jouer. De plus, les développeurs promettent une importante personnalisation des héros, via un arbre de compétence et des reliques. Fort bien.

Néanmoins, cela paraît un peu paradoxal par rapport à une des mécaniques de base d'un deck builder : la récupération des cartes. À plusieurs reprises, je me suis trouvé avec trois cartes et l'obligation de les répartir équitablement entre les personnages. Il est appréciable de choisir quoi donner à qui, mais moins de ne pas pouvoir faire une répartition déséquilibrée (en donnant deux cartes à un même personnage par exemple) ni de pouvoir simplement passer une carte qui nous semble inintéressante. Cela donne l'impression de subir cette phase, qui est pourtant l'une des plus intéressantes des jeux du genre.

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En outre, je ne suis vraiment pas convaincu par le fait que chaque personnage joue à son tour, car cela force à faire des choix à l'aveugle. Prenons un exemple concret. Comme tout joueur de deck builder le sait, il est toujours essentiel dans un jeu de ce genre d'équilibrer attaque et défense. Imaginons que vous spécialisiez un personnage dans les actions offensives ainsi qu'un autre dans les actions défensives et que tous deux jouent, l'un après l'autre, avant le tour des ennemis. Le plus logique voudrait que le premier utilise des cartes offensives et le second des cartes défensives, afin de maximiser leur potentiel. Cependant, il n'est pas possible de connaître les cartes qu'aura en main le deuxième personnage au moment de jouer le premier : peut-être qu'il n'aura, par hasard, aucune carte défensive, ou du moins aucune carte valable (comme certaines cartes sont mono-cibles, tandis que d'autres affectent tout le groupe).

Les choix à l'aveugle sont vraiment le principal problème du jeu. En effet, de la même manière, si les ennemis indiquent à l'avance qui ils projettent d'attaquer, ils n'indiquent pas le montant de l'attaque. Faut-il générer 2 points de défense ? 5 ? 10 ? Impossible de le savoir, ce qui est frustrant.

Enfin, vous connaissez ma haine de l'aléatoire et celui-ci est très (trop) présent dans le jeu, particulièrement pendant la phase d'exploration des donjons. Ainsi, durant un événement, j'ai eu le choix entre avoir 75% de chances d'éviter un piège, mais prendre de gros dégâts en cas d'échec, ou avoir 25% de chances de l'éviter, mais ne prendre que des dégâts faibles si j'échouais. Posons la question de but en blanc : quel est l'intérêt de ce genre de choix ? Comment ressentir autre chose que de la frustration quand, en définitive, tout se joue sur un jet de dé ?

Ok, mais on y joue quand ?

En conclusion, si la narration du jeu a immédiatement capté mon intérêt, son gameplay m'a surtout donné envie de relancer Roguebook, dont j'ai eu bien du mal à m'extirper après mon test plus tôt dans l'année. Si vous cherchez un bon deck builder, de nombreux jeux sont plus aboutis en termes de gameplay... mais c'est assez normal en soi. Roguebook, par exemple, a bénéficié de l'expertise de Richard Garfield, qui crée des jeux de cartes depuis trente ans. Leonardo Interactive publie ici son premier jeu du genre et Rome ne s'est pas construite en un jour. Toutefois, ce n'est pas forcément une raison de condamner le jeu en avance.

Shattered Heaven sortira en accès anticipé sur Steam en fin d'année. Je suis généralement hostile au principe des accès anticipés, mais sur le coup, cela pourrait faire beaucoup de bien au jeu. En effet, le titre sortira avec l'intégralité de sa campagne, de son prologue à ses multiples fins. L'accès anticipé servira juste à récolter des retours de la part des joueurs, qui seront d'autant plus écoutés que "toutes les mécaniques du jeu ne sont pas gravées dans le marbre" (Giacomo Masi). Peut-être qu'au moment de la sortie de sa version 1.0, Shattered Heaven donnera davantage d'informations sur les actions des ennemis, des choix plus fins et moins d'aléatoire, ce qui suffirait à en faire un titre mémorable. En l'état, ce n'est pas un jeu abouti, mais son potentiel est indéniable : espérons qu'il sera pleinement réalisé.

Aperçu réalisé par Alandring sur PC grâce à une démo donnant accès au début du jeu.

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