Test de The Talos Principle 2 – Une mauvaise narration pour de si bons puzzles
En 2014 sortait l'un des meilleurs puzzle-games depuis le succès de Portal 2. Il aura étrangement fallu pratiquement 10 ans pour voir arriver une suite. Dix ans pour concevoir de nombreux puzzles, mais surtout pour intégrer une narration dont les joueurs n'avaient peut-être pas envie. Voyons cela ensemble.
Un nouveau modèle pour une fin de série
Il y a maintenant bien des années que le premier robot a accompli les épreuves de la simulation d’Elohim, que l’humanité avait laissée derrière elle avant de disparaitre. D’autres ont suivi, et ensemble ils ont bâti une nouvelle civilisation, se donnant le droit de revendiquer le titre d’Humains au sein de la ville de la Nouvelle Jérusalem. Vous êtes le 1000ème d’entre eux. Le dernier aussi. Mais la fête qui aurait dû accompagner votre naissance est troublée par l’apparition d’une mystérieuse entité baptisée Prométhée. Lancée sur la piste de cette entité, une expédition découvre une structure pyramidale énigmatique ainsi que de nombreux puzzles qui vous mettront de nouveau à l’épreuve. En suivant les traces de la Fondatrice de la Nouvelle Jérusalem, vous devrez percer les mystères de la pyramide. Mais quoi que vous fassiez, vos choix changeront le monde pour toujours.
Principe
Pour ceux qui découvrent la série, rappelons le principe du jeu. The Talos Principle est un puzzle-game dans lequel l’objectif de chaque casse-tête est d’accéder à un objet, ici une sorte d’autel, qui est bloqué derrière une porte. Pour ouvrir cette porte, il vous faudra le plus souvent trouver un moyen de guider un ou plusieurs rayons laser de couleur vers les récepteurs correspondants. Simple en théorie, mais de nombreux obstacles se dressent sur votre chemin, bloquant la progression des rayons. Pour vous assister dans votre mission, le jeu met à votre disposition plusieurs outils, propres à chaque puzzle. Dans Talos 2, on retrouve ainsi les classiques du 1er épisode : les connecteurs, les boites ou autres brouilleurs qui désactivent temporairement certains portails. Les premières minutes du jeu nous ramènent d’ailleurs pratiquement dix ans en arrière. Nous sommes accueillis par la voix d’Elohim, le « dieu » du premier volet et le décor nous rappelle totalement le décor égyptien de l’épisode précédent. Il s’agit en fait d’une brève phase de tutoriel destinée à présenter ces mécaniques aux nouveaux joueurs, car Talos Principle 2 pousse ces concepts beaucoup plus loin.
Une durée de vie gigantesque
Comme son ainé, The Talos Principle 2 est richement fourni en contenu. Ainsi, le jeu s’articule autour de la pyramide que nos explorateurs ont découverte. Chacune de ses quatre faces principales possède une entrée, fermées à notre arrivée, qui nécessite trois « clés » pour être ouverte. Chaque clé est un laser activé par une structure située dans une zone différente. Ces structures sont également fermées et elles s’ouvrent en complétant les puzzles de la zone. Il y a 8 puzzles principaux plus deux puzzles « perdus » dans chaque zone. En résumé, 4 faces de la pyramide x 3 zones par face x 10 puzzles par zone, ça nous donne un total de 120 puzzles, sans même compter la pyramide elle-même ni le contenu facultatif. Il y a largement de quoi faire, donc.
Du neuf avec du vieux
Pour éviter de sombrer dans la répétitivité, Croteam a choisi de régulièrement renouveler ses mécaniques. Chaque nouvelle zone est donc l’occasion d’en découvrir une nouvelle. Ces nouveautés touchent de plus tous les aspects des puzzles. On voit ainsi apparaitre des mélangeurs RGB ou des intervertisseurs de couleurs. Des générateurs de portails nous permettent de créer des trous temporaires dans certains murs. Ou encore des téléporteurs et des générateurs de gravité qui nous poussent à revoir notre manière de nous déplacer dans les niveaux. Ce ne sont là que quelques exemples. Toutes ces nouveautés ne sont pas aussi originales, certaines sont même des revisites de mécaniques du précédent (les clones qui rappellent un peu la caméra du 1er), mais le jeu évite de tourner en rond.
Par contre, proposer régulièrement des nouvelles mécaniques a un impact sur la difficulté globale du jeu. Comme chaque nouvelle zone en introduit une, le jeu doit constamment nous présenter des puzzles qui nous permettent d’en comprendre les rouages. Il en découle une difficulté qui m’a parue plus basse que dans mes souvenirs de l’épisode précédents. On ne résout bien sûr pas tous les puzzles en un claquement de doigts, certains font même un usage assez subtil des mécaniques (oui, le générateur de portail « qui ne peut pas passer à travers son propre portail » c’est à toi que je pense !) mais le fait est qu’on reste rarement bloqué longtemps. À ce sujet, le jeu vous laisse toujours parfaitement libre de choisir l’ordre dans lequel vous souhaitez résoudre les défis d’une zone et il y a plus de puzzles que nécessaires pour accéder aux structures abritant les lasers. Et si vous êtes vraiment bloqué, un petit joker fait son apparition dans le jeu, sous la forme des « étincelles de Prométhée ». Il s’agit de rares petits bonus, plus ou moins cachées dans le monde du jeu, que l’on peut utiliser à l’entrée d’un puzzle pour se simplifier la tâche.
Et Dieu leur donna la parole
Il est difficile de cacher que The Talos Principle a voulu rendre sa narration plus centrale dans le jeu. Mais pas plus claire. Sans doute motivée par le fait que notre personnage n’est maintenant plus seul, l’équipe de Croteam a choisi de limiter les phases de silence autant que possible. Nous sommes donc envahi de conversations durant le jeu. Des conversations dont les origines sont variées. Nous en avons donc avec les entités qui semblent incarner le nouveau questionnement philosophique du jeu : Pandore, Prométhée et le Sphinx. Il s’agit de dialogues qui ponctuent les différentes zones de jeu et qui sont peut-être les plus habituelles dans la série tant elles rappellent les monologues d’Elohim du 1er. Nos compagnons sont une autre source de dialogues, saluant nos progrès ou discutant des découvertes de l’expédition. Le brave peuple de New Jérusalem qui suit nos aventures ne manquera pas non plus de régulièrement solliciter votre avis sur les versions locales des réseaux sociaux. Une partie que l’on peut heureusement totalement choisir d’ignorer. Par contre, cette narration vient parfois vous couper dans votre élan. Il arrive ainsi que nos compagnons explorateurs nous tiennent la manche à la sortie d’un puzzle. Ou nous ramène en ville, pour les besoins du scénario. Pour rien, qui plus est.
C'est sur ce point que je commence à trouver l'aspect narratif du jeu pénible, car il n'est jamais contrebalancé par quelque chose de positif. Vous croisez par exemple régulièrement vos compagnons durant vos voyages dans les zones du jeu, mais ce sont des touristes tout juste descendus du car. Ne comptez pas sur eux pour partager avec vous les éventuelles découvertes qu’ils auraient pu faire, ils ne sont pas là pour ça. Plutôt que de profiter de la présence de ces compagnons pour rendre crédible notre mission d'exploration, par exemple en échangeant des informations sur nos découvertes dans le monde, Croteam n'en fait rien, laissant tout le travail à 1K. Le pire étant qu'il s'agit là d'une surcouche narrative, le jeu profite toujours d'une narration passive proche de celle du premier épisode. Les nombreux hologrammes que l'on croise ne nous bloquent pas sur place, eux : on les active en passant et ils servent leurs dialogues durant notre trajet entre deux puzzles.
Un kilomètre à pied, ça use, ça use…
Car les zones abritant les puzzles ont bien grandi en dix ans, ce qui offre au joueur l’occasion d’explorer le monde et de profiter des superbes environnements du jeu. Mais l’agrandissement des zones a également eu comme effet de rendre les puzzles moins proches les uns des autres. Croteam a beau avoir installé des panneaux indicateurs pour nous guider, certaines zones sont telles qu’on se perd un peu en chemin et qu’on ère d’un puzzle à l’autre. Dommage de ne pas avoir intégré une véritable carte des différentes zones plutôt que cette boussole qui nous indique vaguement la direction à suivre vers les différents points d’intérêt du jeu.
Ces zones de grandes tailles sont aussi l’occasion d’intégrer toutes sortes de choses à découvrir pour le joueur. On y trouve donc des vestiges du passé ou encore des enregistrements audios ou holographiques. Plus intéressant, Croteam en a également profité pour proposer de nouveaux puzzles extérieurs, sous la forme d’autels dédiés aux trois entités principales de l’histoire. Ceux de Prométhée nous demandent de trouver et de suivre une petite boule de lumière, ceux de Pandore nous demandent d’utiliser les différents puzzles de la zone pour guider un laser jusqu’à son autel tandis que ceux du Sphinx prennent la forme d’énigmes de logique. Totalement dans l’esprit des 3 personnages tout ça et résoudre chaque autel de chaque zone vous donne accès à un nouveau secret autrement caché. Il est par contre un peu dommage que le jeu ne retienne pas l’état de résolution partielle de certains puzzles (surtout ceux de Pandore) d’une partie sur l’autre. Cela vous oblige à faire toutes les étapes lors de la même session et donc à vous taper des déplacements entre les différents puzzles. Par contre, on notera avec plaisir qu’un puzzle résolu l’est définitivement, les barrières se coupent dès le puzzle résolu.
La technique
Ce Talos Principle 2 tourne également très correctement sur des machines moyennes tout en offrant un rendu fort réussi. Pas étonnant, d'autres puzzles-games ont déjà montré que l'Unreal Engine était à l'aise pour créer de beaux environnements variés tout en gardant une certaine fluidité. De beaux environnements certes, mais de beaux environnements vides, il faut le préciser. Même la ville de la Nouvelle Jérusalem semble assez désertée de ses habitants. Du côté des contrôles, rien de particulier à signaler. J'ai fait l'intégralité du jeu au pad sans rencontrer de problèmes, hormis une lourdeur dans les manipulations de certains menus. Dont celui des réseaux sociaux du jeu. Quand je vous disais que vous pouviez vous en passer. Enfin, signalons que le jeu est intégralement traduit en français, du moins pour les textes, les voix restant quant à elles en version anglaise.
L’enfer, c’est les autres
Une narration envahissante veut-elle mieux qu’une narration cryptique ? Voilà la question philosophique que l’on se pose en jouant à ce Talos Principle 2. Car la réponse à cette question déterminera la relation que vous aurez avec le jeu. The Talos Principle 2 est, si on reste sur l’aspect du pur puzzle-game, un très bon jeu au contenu plus que généreux. Mais il est dommage que le prix pour en profiter soit une approche de la narration qui semble en total décalage avec le genre du jeu auquel elle se greffe tant elle parasite la volonté du joueur d'enchainer les puzzles.
Test réalisé par Grim sur PC à l'aide d'une version fournie par l'éditeur
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Plateformes | PlayStation 5, Windows, Xbox Series X|S |
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Genres | Puzzle, réflexion, science-fiction |
Sortie |
2023 |
Réactions (3)
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