Test de Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy - Pour l'honneur de Phoenix Wright

Suite et fin des remasters de la licence Ace Attorney sur consoles de salon et PC. Après Phoenix Wright: Ace Attorney Trilogy en 2019 qui reprenait la première trilogie, puis The Great Ace Attorney Chronicles en 2021 qui amenait enfin en occident les deux spin-off qui déplaçaient la licence et ses personnages dans une intrigue se déroulant au 19è siècle, voilà que débarque ces jours-ci Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy, ultime compilation des trois derniers épisodes initialement sortis entre 2007 et 2016 sur DS et 3DS. Trois titres généreux en contenu (s'agissant probablement des trois titres les plus longs), accompagnés des DLC qui étaient sortis par la suite, dans une compilation qui met un point final à la licence, en attendant un hypothétique septième titre canonique un jour.

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Une naïveté qui lui va bien

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Derniers titres d'une saga à la popularité exacerbée par quelques poses iconiques de son héros aux cheveux pointus, Apollo Justice: Ace Attorney, Phoenix Wright: Ace Attorney - Dual Destinies et enfin, Phoenix Wright: Ace Attorney - Spirit of Justice font enfin leur apparition sur consoles de salon et PC. Sortis initialement sur les dernières consoles portables de Nintendo, les trois jeux apportaient notamment de nouveaux héros, à commencer par Apollo Justice. Il prend la place d'un Phoenix Wright qui a perdu son droit d'exercer en tant qu'avocat dans le premier jeu de cette compilation et doit même le défendre dans la première affaire. Dans les autres jeux, c'est Athena Cykes qui fait ensuite son apparition, autre jeune avocate qui complète le trio qui se forme et qui apporte aussi son propre style. Un excellent moyen pour bouleverser le style des trois premiers titres de la saga, où Phoenix Wright exerçait essentiellement en solo (mais avec l'aide de quelques personnages récurrents) et d'insuffler aussi une dynamique de groupe qui apporte autant sur l'humour que sur le gameplay. C'est probablement sous ces aspects que la trilogie brille particulièrement, tant leur coopération apporte quelque chose de particulier à ces trois titres, qui héritent des qualités de la première trilogie tout en allant un peu plus loin. À cela s'ajoute évidemment d'autres personnages comme Vérité, fille adoptive de Phoenix Wright ou encore différents procureurs qui viennent donner du fil à retordre au petit groupe d'un épisode à l'autre. Sur le ton, on reste toutefois dans l'esprit des épisodes précédents, c'est-à-dire une vision un peu naïve de la justice, où la vérité triomphe toujours et où le véritable coupable est toujours démasqué.

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Mais c'est bien cette naïveté qui donne à la saga Ace Attorney tout son intérêt. Parce qu'elle est capable de traiter de sujets compliqués, chaque enquête se faisant autour d'un meurtre, entre traumas des héros (qui cachent tous quelque chose de plus profond), drames familiaux et autres joyeusetés qui finissent par pousser certains personnages à des crimes odieux. Pourtant, tous les jeux gardent quelque chose de plutôt jovial, de coloré et d'innocent, exacerbé par des dialogues toujours pleins d'humour (sauf sur le dernier tiers des procès, quand on dévoile les véritables coupables) et de bon sens, avec des bons mots lâchés ici et là, bien aidés par l'excellente traduction française que s'offrent les trois titres à l'occasion de ce remaster. Plus encore, ce sont les protagonistes qui s'avèrent extrêmement attachants, tous et toutes cachant un passé difficile, finissant par se retrouver autour d'une même conception de la justice. Une conception plutôt universelle et idéaliste, autour de la recherche de la vérité et la défense de la veuve et de l'orphelin. Même les coupables s'avèrent parfois victimes de leurs actes, dépassés par des erreurs qu'ils ne peuvent plus assumer. 

Des enquêtes menées d'une main de maître

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Les systèmes de jeu restent quant à eux plutôt similaires d'un titre à l'autre, la saga ayant toujours été un visual novel auquel se greffent quelques phases de gameplay essentiellement fondées sur la réflexion. Très bavards, les trois jeux sont d'ailleurs les plus longs de la licence, puisqu'il faut compter entre 25 et 30 heures par titre, plus environ 5 heures pour chacun des deux DLC de Dual Destinies et Spirit of Justice qui ont été inclus dans cette compilation. Ce qui prend du temps, c'est aussi la découverte des énigmes et des pièces à conviction qu'il faut savoir trouver lors des phases d'enquête et faire coller à l'argumentaire déployé par notre héros du moment pendant les procès (sachant que l'on incarne les trois personnages l'un après l'autre au fil des affaires et des jeux) afin de mettre en doute les témoignages les plus accablants pour nos clients. Outre la gestion des preuves, chacun des personnages dispose d'un pouvoir à utiliser, ce qui permet de centrer chaque jeu sur trois éléments différents : dans Apollo Justice: Ace Attorney, c'est le pouvoir que tire Apollo de son bracelet qui nous permet d'observer les tics des personnages au moment où ils mentent. Pour Dual Destinies, on découvre la capacité d'Athena d'absorber et de dévoiler les émotions enfouies des témoins pour pouvoir déceler leurs souvenirs et mensonges. Enfin, dans Spirit of Justice, Phoenix Wright utilise les pouvoirs de medium que son Magatama lui confère traditionnellement au sein de la série afin de découvrir la psyché des témoins. Cette variété s'explique aussi par une légère différence d'approche d'un épisode à l'autre, le premier titre étant plus classique, axé sur l'analyse des preuves, tandis que Dual Destinies parle beaucoup d'émotions enfouies, alors que Spirit of Justice part complètement dans un délire mystique.

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Dans l'ensemble, les trois jeux maintiennent une qualité constante. Certes, on observe quelques temps morts avec des affaires moins captivantes que d'autres (il y a 4 affaires dans le premier, 5 pour chaque autre jeu), mais ces moments sont rares et chaque jeu déroule un fil rouge en toile de fond de ses affaires afin de mener à chaque fois vers un grand final qui réunit plusieurs éléments observés auparavant en arrière plan. Certaines affaires sont même géniales, que ce soit pour la qualité des enquêtes, leur humour et l'écriture des personnages. Parmi ces affaires mémorables, on peut même ajouter les DLC que la compilation a le bon goût d'inclure de base, notamment celui de Dual Destinies, qui nous emmène dans une enquête en apparence farfelue autour d'un spectacle de pirates, mais qui se révèle vite très bien pensée avec de multiples rebondissements. Il y a une vraie maîtrise du cliffhanger, mais aussi des codes du roman policier, à la limite du roman de gare, où l'improbable se justifie toujours par un sens aiguisé des enquêteurs (en l'occurrence, nos avocats). Même si les jeux n'hésitent pas de temps en temps à pousser les joueurs vers des coups de bluff, parce que les procès consistent aussi à influencer les autres, surtout quand on manque de preuves.

Quelques rides mais un charme indéniable 

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Le charme de la 2D fonctionne toujours aussi bien pour Apollo Justice: Ace Attorney, premier titre de cette trilogie et dernier titre avant l'arrivée de la 3D avec l'ère 3DS, pour Dual Destinies et Spirit of Justice. La saga a toujours su surprendre grâce au character design souvent improbable de ses personnages, des témoins et accusés notamment et cet épisode y fait honneur. On y découvre des personnages hauts en couleur, avec des réactions et des expressions souvent très drôles au moment d'être mis en défaut par la rhétorique de notre héros. Mais les choses se compliquent un peu plus lors du passage à la 3D avec les deux derniers épisodes, car si la direction artistique reste fidèle à l'univers de la série, les modèles 3D des personnages perdent de leur charme d'antan, notamment sur leur expressivité, donnant un côté plus factice, moins naturel que leurs prédécesseurs. Une chose qui se voyait un peu moins sur 3DS à l'époque avec une résolution limitée, mais qui saute aux yeux aujourd'hui dans des versions HD avec des modèles très largement lissés. Attention, il ne s'agit pas de dire qu'on y perd totalement : le gain en relief offre plus d'amplitude aux mouvements mythiques des personnages (à commencer par le "objection !"), et l'arrivée de la 3D permet d'analyser les scènes de crime sous plusieurs angles. Mais difficile de ne pas rester attaché au charme de la 2D d'antan, surtout lorsque l'on a découvert la licence sur GBA ou sur DS.

À cela s'ajoutent les scènes d'anime en guise de courtes cinématiques dans les épisodes Dual Destinies et Spirit of Justice. Petites révolutions à l'époque en profitant des capacités de la 3DS, ces séquences sont toutefois toujours très courtes. Peu généreuses en dialogues, surtout utilisées pour mettre en scène des moments clés d'un crime, elles n'étaient pas toujours à la hauteur des standards de l'anime japonais moderne et paraissent encore plus dépassées aujourd'hui. Néanmoins, leur présence a le mérite d'apporter une autre manière de mettre en scène le jeu et ses révélations. Soyons fous toutefois : peut-être on aurait pu espérer de manière un peu déraisonnable que ces cinématiques soient revues pour l'occasion de ce remaster, afin d'y insuffler plus de vie et d'ambition. D'autant qu'elles tranchent un peu plus encore avec le reste des jeux qui bénéficient d'un vrai effort sur leur plastique, avec des personnages retravaillés afin de satisfaire aux résolutions les plus hautes, ainsi que des environnements lissés. Plus que l'apport visuel des modèles de personnages revus et corrigés, ces améliorations offrent des scènes d'enquête plus lisibles, même si l'on perd au passage le gameplay au stylet des DS/3DS qui fonctionnait sacrément bien pour analyser les preuves.

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La trilogie peut toutefois compter sur quelques ajouts d'ergonomie. D'abord, et pour compenser les risques d'éventuelles frustrations face à des jeux d'enquête qui sont "dans leur jus" pour un public nouveau, la compilation propose le mode automatique qui, activé dans les options, permet de résoudre automatiquement les énigmes pour les personnes qui souhaiteraient uniquement profiter de l'histoire, à la manière des visual novel les plus simples. Le système fonctionne bien, mais pour les autres qui souhaiteraient se triturer les méninges, le remaster apporte le système d'archivage apparu dans Dual Destinies et Spirit of Justice au tout premier jeu de cette trilogie (Apollo Justice: Ace Attorney), qui n'en bénéficiant pas à l'époque. Un système basique mais indispensable qui permet de relire des textes de dialogues vus quelques minutes plus tôt. Certes, on parle d'une fonctionnalité classique et présente dans la plupart des titres similaires, mais qui était absente du premier titre dédié à Apollo Justice. Côté contenu original, le menu principal contenant les trois jeux offre une salle de concert contenant les bandes originales des trois jeux ainsi qu'une sélection globale de la saga. Enfin, on trouve également une bibliothèque d'illustrations avec des croquis et artworks divers, plutôt intéressante pour observer les idées passées dans certains personnages jusqu'à leur version finale. Et pour les gens qui aimeraient recréer quelques scènes mémorables de la série ou trouver de bonnes bases pour réaliser des memes, un studio d'animation permet de mettre en scène les personnages dans les poses et décors de notre choix (et en profitant de quelques costumes spéciaux).

Conclusion

Pas une révolution, mais un vrai plaisir. Remaster dans le sens le plus strict du terme, Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy fait exactement ce que les jeux originaux proposaient. En plus joli, en plus lisse et en français, mais la même chose. Et c'est pour l'essentiel ce que l'on attendait de lui. L'objectif était de compléter les jeux précédemment remasterisés sur consoles de salon dans la saga Ace Attorney, et il le fait bien. D'abord parce qu'il remet au goût du jour les trois derniers titres canoniques qui contiennent quelques uns des meilleurs épisodes (comme le DLC de Dual Destinies, inclus dans cette compilation), ensuite parce qu'il y a eu un excellent travail effectué sur la version française, qui manquait cruellement. 

Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 5 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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