Test de Harold Halibut – Pâte molle

Paré de sa direction artistique remarquable, Harold Halibut arrive au bout de nos manettes. Mais est-ce qu'il y a un vrai jeu derrière ces belles vidéos ?

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La Terre se meurt, et l'avenir de l'humanité se situe peut-être par delà les étoiles. C'est pourquoi le Fédora a quitté notre système avec l'espoir d'aller coloniser une autre planète. Mais après deux siècles de voyage, une éruption solaire frappe l'engin et l'envoie s'abimer sur une planète entièrement aquatique et à l'atmosphère toxique. Depuis, dans les profondeurs de cet immense océan, les survivants s'organisent afin de pouvoir reprendre leur voyage vers des terres plus clémentes.

C'est dans ce contexte que nait et grandit notre personnage, Harold, homme à tout faire un peu benêt qui a été pris sous l'aile du scientifique excentrique du coin. Après Unforeseen Incidents, ce type de personnage de jeu d'aventure deviendrait-il un nouveau trope ? Bon, ce ne sont que deux jeux. Ce qui n'est pas beaucoup, mais c'est étrange que ce soit arrivé deux fois. N'est-ce pas ?

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Le parti pris du studio Slow-Bros a été de choisir une direction artistique qui fasse penser aux films en stop-motion avec des personnages en pâte à modeler. Cela se ressent dans la modélisation des personnages, leurs animations ou encore la confection des décors. Et le résultat est particulièrement réussi et apporte un charme certain au jeu. Le rendu des textures donne l'impression qu'on pourrait presque sentir la matière sous ses doigts, que ce soit le tissu ou le carton découpé. Du côté des environnements, c'est un plaisir de visiter les tableaux qui semblent avoir été littéralement confectionnés à la main. Le soin a été apporté particulièrement sur les intérieurs du Fédora ; quelques autres lieux dégagent moins cette impression de bricolage, mais ils restent agréable à voir.

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En ce qui concerne la mise en scène, le découpage est souvent très classique : des tableaux plus ou moins fixes où se déplace le héros de l'histoire, des champs/contre-champs pendant les dialogues... Mais il arrive parfois de tomber sur de purs moments de grâce, des coups d'éclats qui caressent la rétine. Le chapitre 5, par exemple, est truffé de ces bonnes idées.

Et les oreilles, aussi. Tous les dialogues sont doublés en anglais (et sous-titrés en français) et le doublage est de très bonne facture, une certaine catégorie de personnages en particulier. C'est également une réussite du côté de la musique : discrète la plupart du temps, elle sait se mettre en avant aux moments les plus opportuns. Quelques chansons tierces sont de la partie, mais les morceaux originaux ne sont pas en reste, avec quelques-uns qui se démarquent clairement du lot (chapitre 5, à nouveau).

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Pour ce qui est de l'histoire, on n'échappe pas aux poncifs classiques comme la méchante société qui cherche à abuser des habitants ou quelques autres dénouements un peu téléphoné. La maladresse de Harold est peut-être poussée un peu trop à l'extrême, au risque d'être parfois absurde sur certains passages. Mais en soit, l'histoire se suit bien. Il faut dire qu'elle est surtout portée par ses personnages (certains plus que d'autres, avouons-le) : souvent décalés, parfois exubérants, rarement sérieux, on croise durant l'aventure une bien belle brochette de caractères.

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Si Harold Halibut avait été un film de deux heures ou même une mini-série, ça aurait été indéniablement un très joli succès. Mais il s'agit d'un jeu d'aventure d'environ douze heures. Et c'est bien là où réside le problème…

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Nous avons ici un jeu d'aventure des plus classiques : on dirige le personnage dans différents environnements et il faut cliquer aux endroits où s'affiche un petit curseur noir et blanc. L'action déclenche alors la fouille des lieux ou lance la discussion avec un autre personnage. Si on trouve un objet quelque part, il faut l'amener ailleurs. Si on parle avec quelqu'un, on a (parfois) des choix de questions à poser ou (extrêmement rarement) un temps limité pour répondre quelque chose. Il est possible de discuter avec de nombreux personnages et ils ont plein de choses à dire au fil des chapitres ; l'effort d'écriture et de doublage est impressionnant. Même si ça ne fait en rien avancer l'intrigue, cela permet d'en apprendre plus sur eux et sur le Fédora.

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Il arrive que des mini-jeux se déclenchent, quelques fois inutilement obscurs, souvent peu intéressants. Ça peut être dévisser des plaques pour révéler un mécanisme, brancher des prises aux formes diverses ou appuyer sur les boutons d'un ordinateur. La plupart sont clairement oubliables.

Le vaisseau est pourvu d'une salle d'arcade qui proposent deux bornes jouables. Néanmoins, la chose a visiblement été faite à la va-vite : la maniabilité est discutable et il s'agit surtout de deux fois le même jeu, mais avec un habillage différent.

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Donc oui, le gameplay est très basique. Mais le réel problème du titre est que tout est d'une lenteur phénoménale.

Notre rôle d'homme à tout faire nous pousse à rendre service à tout le monde. On se retrouve donc à faire de continuels aller-retours à travers les mêmes zones du Fédora. Harold peut courir (enfin, trottiner, disons), mais il y a toujours le passage obligatoire par les tubes de transports pour plomber un peu plus le rythme. Il est également possible d'accélérer les dialogues, mais même là qu'il y a une petite latence : on appuie sur le bouton, la fenêtre de dialogue est enlevée, mais l'animation accompagnant le texte est alors accélérée, ce qui introduit un petit instant avant la fenêtre suivante, qu'il faudra passer de la même manière.

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Le découpage de l'histoire n'aide pas non plus : on se réveille, on effectue nos taches, on retourne se coucher, et rebelotte le lendemain matin. Il faut dire que l'objectif de ces quêtes n'est pas toujours reluisant. Nous sommes vraiment la dernière roue du carrosse dans cette histoire de décollage. Ce sentiment atteint son paroxysme quand, après avoir parcouru de long en large les lieux, le personnage qui vous a confié la tache vous avoue qu'il a finalement fait autrement et qu'il n'a plus besoin du truc que vous avez ramené pour lui. Super, merci... D'autres taches donnent vraiment l'impression de rallonger le temps de jeu pour rien : citons par exemple cet objectif (optionnel) de devoir livrer du courrier à certains habitants. On pourrait croire qu'il s'agirait de prendre le carton et d'aller le distribuer aux destinataires ? Que nenni : le carton reste au même endroit et il faut amener les lettres une par une, écrits que le destinataire se fera un plaisir de lire entièrement devant vous. Envie de mettre le feu à tout ça...

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Oh, mais attention : tout cela n'est pas innocent non plus. L'idée est bien de nous faire comprendre comment Harold se sent en nous mettant directement dans ses chaussures. Homme de peu de talent parmi des gens qui ont un rôle important dans la communauté, voire même qui ont les moyens de faire repartir le vaisseau, le pauvre bougre cherche clairement sa place dans l'étrange situation dans laquelle se trouve les membres du Fédora. Mais ce train-train insipide dure bien bon la moitié du jeu, moment où des choses un peu plus intéressantes se mettent en place : et on parle quand même de près de six heures de jeu monotone avant le dit moment ! Sur une durée pareille, on espère quand même quelque chose d'un peu plus ludique. Je ne suis pas venu ici pour souffrir, okay ?

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Harold Halibut propose une direction artistique incroyable pour servir une histoire classique mais honnête. C'est malheureusement sur la partie jeu-vidéo que l'ensemble pèche, avec un gameplay très classique, mais surtout un rythme beaucoup trop lent pour son propre bien.

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Test réalisé sur PC par NeoGrifteR à partir d’une version fournie par l’éditeur.

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