Test de Elden Ring Shadow of the Erdtree – Aussi grand que Nécrolimbe qu’il disait
Deux ans après avoir fait vibrer et mourir en boucle des millions de joueurs, Elden Ring se pare enfin de son seul et unique contenu additionnel. Nommé Shadow of the Erdtree, il nous met une nouvelle fois au défi de venir à bout de ses habitants les plus farouches. Alors enfilez vos plus belles armures, aiguisez vos armes les plus puissantes et rendez-vous dans le Royaume des Ombres, sur les traces de Miquella.
Si la série des Souls, Bloodborne et Sekiro avait réussi à se trouver un public fidèle et dévoué, qui aura permis à ce dernier de gagner le titre de jeu de l’année en 2019, personne n’aurait pu imaginer que la dernière création de Hidetaka Miyazaki rencontrerait un tel succès. Après deux ans, ce ne sont pas moins de 25 millions d’unités qui ont trouvé le chemin des consoles et PC du monde entier. Un succès auquel FromSoftware et Bandai Namco ne devaient pas s’attendre et qui les aura sûrement poussés à annoncer son contenu additionnel très (trop ?) en avance, afin de calmer la pression exercée par les sans-éclats les plus en manque. C’est donc le 28 février 2023 que fut dévoilé Shadow of the Erdtree, via une simple image diffusée sur le compte officiel du jeu sur l’anciennement bien nommé Twitter. Puis ce fut le silence radio pendant des mois et des mois, période durant laquelle les théories les plus folles ont vu le jour sur son contenu. Le voile fut levé un an plus tard, en février 2024, avec la toute première vidéo de gameplay, puis une bande annonce narrative exactement trois mois plus tard. Et nous voilà le 21 juin 2024, près d’un an et demi après son annonce, plus de deux ans après la sortie d’Elden Ring, les mains moites et le regard affamé face à cette toute nouvelle aventure et ses nouveaux traumatismes.
Mais attention, profiter de Shadow of the Erdtree se mérite et compléter quelques prérequis est nécessaire pour obtenir le droit de passage vers ce nouveau monde. Car oui, cette nouvelle aventure est définitivement destinée aux joueurs et joueuses aguerris, qui ont déjà bien avancé voire terminé le jeu de base. Il est même conseillé d’avoir un personnage de niveau 150 ou plus afin d’en profiter dans de bonnes conditions, de quoi calmer certaines ardeurs. Pour obtenir votre ticket d’entrée, il vous faut donc tuer le Général Radahn ainsi que Mohg le Seigneur du sang. Si le premier est un boss important de l’histoire, à défaut d'être obligatoire, facilement accessible vers le milieu de l’aventure, le second est bien moins évident à trouver, totalement optionnel, et se débloque généralement beaucoup plus tard, avec un personnage bien plus avancé. Les statistiques montraient d’ailleurs que beaucoup ne l’avaient tout simplement pas terrassé avant la sortie de Shadow of the Erdtree, soit par ignorance de son existence, soit par frustration face à sa difficulté. Un prérequis transformant ce boss un peu délaissé en rite de passage obligatoire vers un monde bien plus dangereux et inhospitalier. Petite anecdote rigolote : lorsque la nouvelle de l’obligation de tuer Mohg fut connue de tous, un énorme pic d’affluence a eu lieu sur le jeu afin d’être à jour le moment venu. Preuve, si elle était nécessaire, de la popularité du jeu.
Mais passons le voile vers ce nouveau monde et découvrons ce qu’il a à nous offrir de merveilleux et de terrifiant. Petite habitude de FromSoftware, la contrée de Shadow of the Erdtree se dévoile dans un panorama magnifique rappelant une nouvelle fois la peinture romantique du XIXème siècle. Mais si Elden Ring vibrait sous des couleurs lumineuses et une mélancolie proche des peintures de Friedrich, l’ouverture de Shadow of the Erdtree emprunte davantage à Anne-Louis de Girodet et ses teintes plus angoissantes, étouffantes. Et ce ne sont pas les dizaines de tombes spectrales et autres tombeaux disséminés dans le champ d’herbes hautes s’étalant à l’infini qui peuvent rassurer. Une nouvelle fois, pas besoin de mots pour nous faire comprendre que ce territoire abandonné n’a pas connu la lumière de l’Arbre Monde depuis bien longtemps. Vous êtes là pour souffrir et chaque décor vous le rappelle de la plus belle des manières. Et ils ne sont pas les seuls, car en leur sein vivent d’innombrables créatures à l’accueil légèrement rouillé par ces années d’isolement. Vous êtes l’intrus(e) à éliminer qu’ils se feront un plaisir de découper, de déchiqueter, d’écraser si l’occasion se présente. Et qu’on se le dise, FromSoftware n’a pas perdu la main quand il s’agit de faire preuve de sadisme pour remettre les joueurs à leur place. Vous arrivez dans ce nouveau monde, gonflé par l’orgueil d’avoir terminé le jeu, d’avoir atteint un niveau vous permettant de rouler sur tous les ennemis, de battre le dernier boss sans armure, les mains attachées et les yeux bandés, et vous voilà face au premier ennemi fonçant sur vous telle une tempête ne vous laissant aucun répit, attaquant aussi bien au corps à corps qu’à distance. Vous êtes mort. En moins de 5 minutes, Shadow of the Erdtree vient de vous éjecter du haut de cette montagne, que vous aviez mis des dizaines et dizaines d’heures à gravir pour, de nouveau, vous placer tout en bas de la chaine alimentaire. Bienvenus à la maison, mais maintenant il est temps de retrousser vos manches.
Vous êtes peut-être en terre inconnue, mais le gameplay, lui, n’a pas changé, alors un peu d’anti-rouille pour retrouver vos automatismes et c’est parti pour la boucherie ! Si les premières heures sont effectivement compliquées, l’intégration d’un tout nouveau système de progression pour votre personnage, ainsi que de vos invocations vous facilite la vie. En utilisant des objets spécifiques trouvés au cours de votre périple, vous pouvez gagner des niveaux indépendamment de ceux acquis de manière classique via les runes. Ces niveaux augmentent vos dégâts ainsi que vos résistances et sont indispensables pour progresser plus sereinement. D’ailleurs, si beaucoup s’étaient plaints durant les premiers jours suivant la sortie de ce nouveau contenu, c’était justement parce que ces personnes n’avaient pas saisi l’importance de ce nouveau système de progression et avaient forcé le chemin tête baissée. FromSoftware a probablement manqué de pédagogie dans l’explication de cette mécanique, mais peut-être aussi que les joueuses et joueurs ont cru pouvoir rouler sur ce DLC comme ils l’ont fait sur la fin du jeu de base tout en oubliant l’importance de l’exploration. Car une fois compris que les statistiques pouvaient doubler grâce à cette nouvelle évolution, les plaintes ont étrangement cessé en dehors de celles concernant les boss les plus récalcitrants. Et pour faciliter davantage la progression, au moins au début, les développeurs ont rapidement appliqué une mise à jour réajustant l’évolution afin de la rendre moins linéaire et ainsi proposer une augmentation des statistiques plus rapide sur les six premiers niveaux, pour ensuite se tasser.
L’exploration est donc un élément essentiel de Shadow of the Erdtree, plus encore que dans le jeu de base. Et si vous comptez sur la carte pour vous aider, elle risque au contraire de vous induire en erreur tant les level designers ont fait la part belle à la verticalité, perdant les joueurs dans des strates faisant de ce contenu additionnel un terrain de jeu gigantesque n’ayant pas à rougir de la plupart des jeux complets en monde ouvert. Plaines interminables, montagnes escarpées, réseau de tunnels souterrains, catacombes maudites, temples abandonnés, châteaux imposants, forêts inquiétantes, champs de fleurs oniriques, tout y est et ça fonctionne parfaitement malgré la structure plus condensée. Si vous avez lu le titre du test, celui-ci fait référence à une interview de Hidetaka Miyazaki pour IGN dans laquelle il répondait au journaliste curieux de connaître la taille approximative du monde, qu’il devait égaler voire dépasser la taille de Nécrolimbe. Quel petit farceur. Dans les faits, Shadow of the Erdtree doit s’étendre sur quasiment les deux tiers du jeu de base. De quoi vous occuper pendant des dizaines et dizaines d’heures. Le seul petit grief, c’est que si l’exploration est superbement mise en avant, elle n’est pas toujours proportionnellement récompensée. Traverser l’enfer pour obtenir un simple objet d’amélioration d’arme, c’est un poil décevant, pour ne pas dire frustrant.
Qui dit nouveau monde dit bestiaire tout aussi inédit. Et c’est peut-être là que FromSoftware a été le moins inspiré. Si de nouvelles créatures font bien leur apparition, peu sont réellement originales et une bonne partie réutilise les gimmicks déjà bien connus du jeu de base. Il en va de même pour certains boss qui, s’ils ne manquent pas de challenge, se rapprochent parfois de copiés collés de ceux provenant des précédents jeux du studio. Rien de bien gênant et cela n’enlève en rien l’intérêt des autres boss, tous plus épiques les uns que les autres, même si la caméra a toujours tendance à nous jouer des tours, mais on aurait aimé un peu plus de fraîcheur.
Pour en finir avec les nouveautés, parlons des objets et surtout des armes. Si Shadow of the Erdtree débarque avec son lot attendu d’armures et de sorts, dont certains sont surpuissants, c’est surtout du côté des armes que les efforts ont été faits, car plutôt que de se limiter à quelques ajouts dans les catégories déjà existantes, les développeurs en ont créé de nouvelles offrant toutes de nouveaux styles de combats. Et là, pour le coup, on ne peut qu’apprécier la proposition entre les espadons légers, les flacons de parfums - tellement puissants qu’ils furent rapidement corrigés -, les griffes bestiales ou encore les grands katanas et bien d’autres. Autant de nouvelles manières d’appréhender les combats auxquelles il faut ajouter les cendres de guerre toujours plus nombreuses et variées afin d’obtenir la combinaison qui vous convient le plus pour annihiler vos adversaires.
Enfin, il m’est impossible d’écrire un test de Shadow of the Erdtree sans parler un peu de l’histoire. Si on ne déroge pas à la règle de la narration cryptique par les objets, les lieux ainsi que les rares personnages non agressifs que l’on rencontre, on obtient malgré tout beaucoup de réponses passionnantes sur Miquella, sur Mohg, Radahn, mais aussi les origines de Marika, de son peuple et les raisons qui l'ont poussée à devenir celle que l'on connaît dans le jeu de base. On en apprend davantage sur les Deux Doigts, sur le culte de la flamme frénétique et sur tout un tas de détails qui nous permettent d’étoffer encore plus le lore déjà dense du monde d’Elden Ring. Alors oui, il faut toujours fouiller, décrypter et passer du temps à lire chaque description de chaque objet que l’on trouve, mais pour le coup, ce n’est pas du temps perdu pour ceux qui veulent comprendre l’univers dans lequel ils évoluent. Et contrairement aux précédents Souls, les textes sont ici beaucoup plus limpides, même si parfois un peu chiches en informations. Un petit travail d’archéologie bien moins douloureux qu’auparavant et racontant des histoires tragiques d’esclavage, de génocide, de vengeance, d’abandon, de maternité, de rédemption, de manipulation et même d’amour. Si vous aimez les tragédies antiques ou shakespeariennes, vous êtes servi si tant est que vous prenez le temps d’apprivoiser la narration.
Concernant l’aspect technique, on prend les mêmes et on recommence, donc c’est toujours aussi magnifique, mais c’est toujours accompagné de son lot de problèmes de performances, surtout sur PC. Bien du chemin a été parcouru depuis le catastrophique portage PC du premier Dark Souls, mais on n’échappe pas aux micros ralentissements, aux glitchs visuels et autres soucis liés au ray tracing, qu’il vaut mieux désactiver. Les premières mises à jour ont réglé quelques-uns de ces inconvénients, toutefois ce n’est toujours pas totalement stable. Rien de rédhibitoire sans pour autant être acceptable pour un contenu additionnel vendu 40€. Quant à la musique, on retrouve la troupe qui avait fait des merveilles sur le jeu de base à savoir Yuka Kitamura, Shoi Miyazawa, Tai Tomisawa, Soma Tanizaki et Tsukasa Saito. Et si vous aviez aimé leurs précédentes compositions, vous allez adorer celles qu’ils ont concoctées pour Shadow of the Erdtree. C’est du grand art, probablement ce que FromSoftware a proposé de meilleur dans le domaine.
Conclusion
Comment conclure ce test sans tomber dans les éloges dithyrambiques alors que le studio japonais vient de nous servir l’un voire le meilleur contenu additionnel jamais créé pour un jeu vidéo ? Alors oui, tout n’est pas parfait, la technique manque de finition, le bestiaire aurait mérité un peu plus d’originalité, le nouveau système d’évolution fait un peu rustine même si ça fonctionne, et l’exploration n’est pas toujours récompensée à la juste valeur du risque pris, mais c’est tellement peu de choses face à cette aventure qui vous attend, tellement peu face à la générosité du Royaume des Ombres. On est face à la plus belle cerise posée sur le plus réussi des gâteaux. Le plus triste ? C’est que Shadow of the Erdtree est et sera l’unique contenu additionnel pour Elden Ring.
Test réalisé par Lianai à partir d'une version Steam fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 5, Windows, Xbox Series X|S |
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Genres | Action-RPG, jeu de rôle (rpg), fantasy |
Sortie |
21 juin 2024 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (1)
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