Aperçu de Airheart : rogue-like en early access

Le petit monde du rogue-like connait un certain succès depuis quelques années sur la scène indépendante, notamment au travers de titres tels que The binding of Isaac ou Dungeon of Dredmor. C'est au tour d'un petit studio suisse, Blindflug Studios, de tenter de percer dans ce genre avec leur troisième titre, Airheart, disponible en early access.

Pour les non-initiés, le rogue-like est un genre de jeu empruntant aux RPG pour les mécanismes de jeu, mais avec une histoire anecdotique et intégrant pleinement la mort comme faisant partie de l'expérience. Il est normal de mourir dans un rogue-like et le but est souvent de tenter d'aller toujours plus loin avec l'unique vie disponible au fil des tentatives, jusqu'à éventuellement parvenir à finir le jeu d'une traite, profitant de l'expérience accumulée au fil des échecs.

 

Airheart reprend les codes habituels du genre en le transposant dans un setting « dieselpunk », où le joueur incarne Amélia, jeune femme vivotant depuis 10 ans dans la cité flottante de Granaria. Histoire de s'assurer des jours meilleurs, notre héroïne décide de se lancer dans la pêche de poissons volants, afin d'en extraire une précieuse huile. Pour ce faire, elle dispose d'un petit avion avec lequel elle va se lancer dans les cieux pour attraper au vol les poissons tout en affrontant la rude concurrence, qui n'hésite pas à vous abattre à la première occasion. Il s'agit donc d'aller toujours plus haut, afin de trouver des poissons plus riches en huile, mais qui dit meilleure pêche dit aussi concurrence plus rude.

 

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L'histoire reste cependant secondaire face à cet objectif des plus simples. Le jeu en lui-même se présente sous la forme d'un shooter en vue de dessus avec la particularité qu'avion oblige, on est toujours en mouvement. Là où la plupart des rogue-like préfèrent le tour par tour, Airheart non seulement opte pour le temps réel (ce qui n'est pas si rare en soi), mais aussi pour le mouvement perpétuel. Notre avion avance coûte que coûte dans la direction choisie et ne laissera guère de répit. Le seul moyen de faire du « sur place » consiste à tourner en rond. Il faut donc miser sur ses réflexes pour éviter les ennemis ainsi que les obstacles rencontrés au fil de nos explorations célestes.

 

Car les cieux d'Airheart ne sont pas vides, loin de là. Outre les avions concurrents et les poissons tant convoités, on y trouvera nombre d'îles flottantes servant de point de repères, mais certaines étant surmontées de montagnes, il convient de regarder où on vole. Certaines îles servent également de point de défense avec des tourelles qui compliqueront encore les manœuvres dans certains passages étroits, mais riches en poissons.

 

Le gameplay est relativement simple : on oriente son avion dans la direction souhaitée avec le clavier, on vise et tire en mode « tourelle » avec la souris. Détail intéressant, la plupart des armes ont un recul, qui dévie légèrement la trajectoire de l'avion. Cette particularité devient par ailleurs un élément non-négligeable du gameplay puisqu'en tirant derrière soi, on gagne un léger boost de vitesse pouvant permettre de rester à bonne distance d'un missile ou de « piler » temporairement en tirant droit devant suivant la puissance du recul. Celui-ci peut également devenir une gêne dans les passages étroits, où un tir malheureux en passant au raz d'une montagne risque de nous envoyer l'examiner d'encore plus près.

 

L'objectif premier est la pêche au poisson, qui s'effectue en rentrant dans ses derniers, mais rapidement les combats prennent le pas, ne serait-ce qu'en raison du nombre important de concurrents, qui n'hésitent pas un seul instant à vous faire comprendre par les armes que vous n'êtes pas le bienvenue dans leur petit coin de ciel à eux. Ajoutons à cela le fait que la population de poissons se régénère lentement entre deux passages, à auteur de 30% de la population restante. Du coup, vider entièrement un niveau apporte certes des gains immédiats, mais il faudra du temps pour qu'elle se repeuple de manière suffisante. En revanche, pêcher avec parcimonie facilite la repopulation et contribue donc à ne jamais manquer de proie.

 

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« On s'en fiche, on est dans un rogue-like, donc faut toujours avancer ! » me dira-t-on. Oui et non, car si l'objectif est bien « toujours plus haut », en trouvant le portail qui vous propulsera vers la couche supérieure, Airheart a comme particularité de régulièrement obliger à redescendre à Granaria pour y déposer le résultat de son expédition, réparer son avion ou améliorer celui-ci avant de repartir braver les cieux. Mais du coup, qui dit rentrer au bercail dit également repasser par toutes les couches inférieures...

 

On touche là à l'un des points frustrants du jeu : on repasse un nombre incalculable de fois par les premières couches. Et si les poissons prennent leur temps pour revenir à leur population maximale, ce n'est pas le cas pour la concurrence, qui revient en force à chaque fois, trouvant même le temps de remplacer les tourelles et autres avant-postes. De fait, il vous faudra braver encore et encore les ennemis et vous tailler le même chemin violent vers la dernière couche visitée. Considérant le nombre d'ennemis, qui respawnent en plus assez vite, l'ascension récurrente des couches déjà visitées devient vite un calvaire, où l'on tâche de trouver le portail au plus vite, en espérant qu'il y aura peu ou pas d'ennemis autour puisque dans ce cas, le portail est verrouillé tant que le ménage n'est pas fait.

 

Et si les avions ennemis ne sont finalement pas si pénibles à éliminer une fois obtenues quelques armes digne de ce nom, il faut compter assez vite sur la présence de zeppelins lents, mais plus puissant et résistants. Ils sont facilement évitables, mais pour peu que l'un soit trop près du portail, il faudra s'en débarrasser pour espérer continuer sa progression. Plus ennuyeux encore, passé un certain nombre de couches, on change de biome. Normal, me direz-vous. Le portail menant au biome suivant est gardé par un boss. Cool, me direz-vous. Sauf que le boss, comme tous les autres ennemis, respawn à chaque retour au bercail. Du coup, il faut le tuer à chaque fois. Considérant que le premier boss est stratégiquement placé dans un endroit formant une arène naturelle, entouré de tourelles et grouillant d'avions ennemis, autant dire que s'en débarrasser à chaque fois devient très vite frustrant, d'autant que vous risquez d'y laisser de la santé, ce qui réduira encore plus votre capacité à explorer une nouvelle couche une fois le chemin du retour finalement achevé.

 

On touche là à l'une des principales faiblesses du jeu : vous allez constamment refaire le début du jeu et plus vous allez monter, plus cette étape du retour à la dernière couche visitée va être longue, gâchant le plaisir de la progression par des combats qui s'avèrent au final plus ennuyeux qu'amusants. Cet élément de gameplay risque fort de lasser très vite la plupart des joueurs.

 

L'autre soucis est qu'on finit par négliger la pêche pour soit foncer au portail, soit combattre les ennemis. Même en voulant simplement pêcher, le seul nombre de pirates vous harcelant à la moindre occasion rend impossible d'ignorer le combat. Et vu qu'ils droppent soit de l'huile, soit des morceaux d'avions, chasser le pirate s'avère pratiquement plus rentable que la pêche au poisson. Plus risqué également, mais la possibilité de rentrer au hangar à tout moment réduit considérablement les risques et même si on se fait descendre, la partie n'est pas forcément perdue pour autant. En effet, quand notre vie tombe à zéro, notre avion chute vers le plancher des vaches. On peut alors tenter de diriger la chute vers la piste d'atterrissage de Granaria. Si on la rate, c'est game over. Sinon, on perd les pièces de notre avion et la majorité du résultat de notre expédition, mais on peut retenter notre chance.

 

Le hangar permet d'ailleurs de customiser un peu notre avion suivant les pièces. Ainsi, la carlingue définit la vie de notre avion, l'hélice sa vitesse, les ailes sa capacité à tourner rapidement ainsi qu'une arme secondaire fixe et ne pouvant tirer que droit devant. Certaines pièces proposent également des compétences passives (comme un radar permettant de savoir où se trouvent les ennemis ; c'est-à-dire partout) ou actives (comme un booster permettant de profiter temporairement d'un gain de vitesse). Le choix de l'arme sera également déterminant vu le nombre de combats qui vous attendent.

 

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On en trouve de toutes sortes, allant du simple canon au lance-missile en passant par les gatlings, variant non seulement les dégâts, mais aussi la portée et fréquence de tir. Même si au final, on aura tendance à choisir l'arme qui permet de descendre les boss le plus rapidement possible pour revenir à notre dernière couche au plus vite.

 

Pour s'équiper, on peut acheter au magasin avec l'huile chèrement acquise ou bien passer par le workbench pour reconstruire les pièces d'équipements à plus bas prix pour peu qu'on ait looté des morceaux endommagés sur les restes fumants de nos adversaires. Le nombre de pièces et le coût requis augmente suivant la puissance de l'objet à reconstruire, mais reste toujours plus rentable que l'achat direct, même si c'est pour revendre derrière. Une fois reconstruit, on peut effectivement revendre la pièce pour une somme des plus raisonnables, la garder pour s'en servir ou bien, depuis la dernière mise à jour, la détruire pour tenter d'apprendre son blueprint, qui permet alors de le construire même sans les pièces requises et toujours moins cher qu'au magasin. Par dessus le marché, les blueprints sont débloqués de manière permanente, même après un game over.

 

D'un point de vue purement technique, c'est correct. La 3D colorée est visuellement agréable, la direction artistique sympathique, bien que la musique soit assez quelconque. On pourrait reprocher le fait que le pointeur de la souris se perd assez facilement dans les nuages et que le viseur (séparé du pointeur puisque orbitant à distance fixe autour de notre avion, en mode tourelle) est moins précis. Le jeu est également jouable au pad, mais le combo clavier souris reste pour le coup plus intuitif. Depuis la dernière update, il est possible de reconfigurer les touches, ce qui efface un autre point noir du jeu.

 

Pour conclure, Airheart ne manque pas d'idées mais pêche surtout dans leur exécution. Les défauts ne viennent pas tant de la technique que de certains choix de gameplay rendant l'expérience de jeu rapidement répétitive et frustrante, en insistant lourdement sur les combats au détriment de la pêche. Le coté rogue-like tend également à s'effacer au profit d'un shooter, ce qui ne serait pas nécessairement une mauvaise chose, mais en l'état on peut craindre que les amateurs de chaque genre restent sur leur faim en raison d'un certain manque d'équilibre des deux côtés. Le jeu étant toujours en early access, il convient d'attendre pour voir la direction qu'il prendra et s'il parviendra à corriger les débuts trop répétitif du soft.

Test réalisé par Chantelune à partir d'une version fournie par le développeur.

 

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