Aperçu de l'épisode 1 de Life is Strange 2

Après le Detroit: Become Human du célèbre studio Quantic Dream et l'excellente surprise The Council, sans parler du tumultueux The Walking Dead - The Final Season, Life is Strange 2 était très attendu. Que vaut ce premier épisode, sorti le 27 septembre dernier ?

Avez-vous déjà vu ?

Pour ce deuxième épisode, Dontnod a effectué un choix risqué, mais nécessaire : Life is Strange 2 se déroule dans le même univers que le premier jeu de la licence, mais intègre de tous nouveaux personnages. Cette fois-ci, les héros sont deux frères, Sean et Daniel Diaz. S'il n'est pas impossible que des personnages connus des joueurs du premier volet apparaissent par la suite, ce n'est pas le cas dans ce premier épisode, dont les participants sont entièrement nouveau.

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Le choix peut surprendre et décevra peut-être ceux qui s'étaient attachés aux protagonistes du premier Life is Strange, mais il était indispensable. En effet, l'histoire était pleinement terminée après les crédits du premier jeu et une suite directe n'aurait eu aucun sens. De ce point de vue, on apprécie grandement que Life is Strange 2 nous demande quel a été notre ultime choix dans l'opus précédent : il n'y a pas de fin canonique, seulement un respect des choix du joueur. On verra si cette décision a un impact sur de deuxième volet, mais elle est très appréciable.

Les nouveaux personnages ne sont pas un simple moyen de réécrire la même histoire : l'intrigue de Life is Strange 2 est très différente de celle de son glorieux prédécesseur. Elle est également basée sur un nouveau pouvoir. Cela se comprend sur le plan narratif, mais la conséquence en terme de gameplay est dramatique : il n'est plus possible de modifier rapidement un choix effectué. Heureusement, il est toujours possible d'afficher les différents segments du jeu et de recommencer où l'on souhaite, éventuellement en sauvegardant sur un autre emplacement (il y en a cette fois cinq et non plus trois). Néanmoins, en jeu, cela donne quand même l'impression d'un retour en arrière par rapport à ce qu'offrait Life is Strange trois ans plus tôt. Dommage.

The Escapist

Évoquons désormais l'essentiel du jeu : son histoire. Elle est centrée sur la fuite des deux frères vers le Mexique, suite à un évènement que je vous laisserai découvrir. Cependant, le véritable coeur du jeu n'est pas ce voyage, mais la relation entre les deux frères. Si l'on incarne uniquement Sean, de nombreuses interactions avec son frère sont proposées.

Or, ces interactions imposent régulièrement un choix et ont des conséquences. Cela fait de l'éducation le thème principal de Life is Strange 2 : les actions que vous entreprendrez affecteront Daniel et modifieront son comportement. Si vous décidez de voler, il s'en inspirera et agira ainsi quand il en aura l'occasion, sans vous demander votre avis.

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Cet aspect est d'autant plus intéressant que les choix sont bien pensés. Si certains sont assez faciles (voulez-vous manger des baies toxiques ou vous contenter de celles qui sont comestibles ?), la majorité n'ont rien d'évident. Prenons un exemple concret : l'argent est un thème central de ce voyage, car il est très limité alors que vous en aurez souvent besoin. Que serez-vous prêts à faire pour y remédier ? Déciderez-vous de voler ? De mendier ? De fouiller dans les poubelles ? La réponse dépendra de chaque joueur, mais la question est parfaitement posée par Life is Strange 2 et constitue le point fort de ce second opus. Le joueur est réellement tenté d'agir de manière malhonnête ; il n'y a pas de solution miracle permettant de subitement devenir riche sans que qui que ce soit n'en souffre. Cependant, le joueur n'est pas pour autant obligé d'agir ainsi ; il devra juste accepter les conséquences de ces décisions, quelles qu'elles soient.

Toutefois, l'histoire de jeu n'est absolument pas exempte de reproches. Tout d'abord, la raison qui pousse les deux frères à partir de chez eux n'est absolument pas crédible, tant dans son déroulement que dans ses conséquences. C'est un point gravissime, car il force le joueur à subir la décision de son personnage, ce qui est un comble dans un jeu narratif. Durant tout ce premier épisode, je n'ai cessé de me dire que Sean et Daniel n'avaient qu'à rentrer chez eux... sauf qu'évidemment, ce n'est pas possible. Cela a pour conséquences de diminuer la tension narrative, de compliquer l'identification aux personnages et de rendre l'ensemble de l'histoire frustrante.

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Les développeurs tenaient à raconter la relation entre deux frères et à avoir pour cadre un voyage. Cela se sent et la réalisation est réussie, mais il est vraiment dommage que cela ne repose pas sur une raison crédible. C'est un énorme point noir du jeu, qui semble malheureusement impossible à corriger par la suite.

De plus, le jeu accorde une place importante à la politique. Je sais ce que vous me direz peut-être (et le jeu lui-même le dit) : "tout est politique." Ce point pourrait être débattu, mais le problème n'est pas là. Ce qui est beaucoup plus dérageant, c'est que du manichéisme est ajouté par-dessus. Le jeu se déroule un peu plus d'une semaine avant les élections américaines de 2016 et les personnages sont classés selon leur idéologie politique. La gentille meilleure amie du héros est évidemment une fervente opposante de Trump, tandis que le principal méchant cite son programme. Pis, ce dernier est raciste et violent sans aucune raison ; c'est un véritable cliché ambulant, qui n'apporte guère au jeu. Comme je le disais plus tôt, le jeu incite le joueur à voler. Il aurait été intéressant que cette décision impacte le comportement des autres envers nous. Malheureusement, ce n'est absolument pas le cas : même en se comportant le mieux du monde et en essayant de discuter, ce personnage n'hésite pas à frapper deux garçons respectivement âgés de 16 et de 9 ans. À l'inverse, le jeu intègre un anarchiste qui a, lui, toutes les qualités possibles : il est sympathique, charitable, compatissant... Les personnages caricaturaux ne devraient pas avoir de place dans un jeu vidéo, encore moins dans un jeu narratif, mais en y ajoutant une dimension politique, cela donne parfois l'impression d'être face à une oeuvre de propagande.

Enfin, même si cela tient du détail : le monde manque de cohérence narrative. Certaines marques du monde réel sont présentes, tels Netflix, Skype ou Minecraft. Néanmoins, les personnages utilisent ViewTube et possèdent une PlayBox. Il n'est problématique ni d'insérer des marques réelles ni d'imaginer un monde entièrement fictif ; les deux approches sont parfaitement valables. Cependant, mélanger les deux fonctionne assez mal, surtout quand les marques réelles présentes sont régulièrement citées. Cela donne l'impression d'être face à un placement de produit, ce qui est assez désagréable.

Fast travel

Le thème du voyage a une autre conséquence : l'épisode est découpé en quatre lieux, sur lesquels on ne reviendra probablement jamais. Ces environnements sont assez ouverts et proposent de nombreuses interactions (incluant des choix) au joueur, rendant l'exploration très agréable. Ils sont tous assez réussis, que ce soit dans leur level design ou dans leur direction artistique.

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Néanmoins, ce découpage en seulement quatre lieux, sur lesquels on passe pas mal de temps, a une conséquence néfaste : cela hache grandement le rythme. Dans le premier Life is Strange, il était très agréable de se balader tout en ayant des discussions plus ou moins longues avec les personnages. Ici, rien de tout ça. Dans les phases d'exploration, les interactions sont nombreuses, mais elles sont souvent très courtes : un petit dialogue avec Daniel, un objet à trouver, etc. On a vraiment l'impression que ces phases sont des pauses dans l'histoire principale et que cette dernière ne redémarrera que lorsqu'on aura accompli quelques objectifs, concluant l'exploration. À l'inverse, entre deux zones se trouvent plusieurs phases entièrement narratives, offrant des dialogues un peu plus substantiels au joueur. On apprécie chacun de ces moments indépendamment, mais on regrette qu'ils ne soient pas parfois mélangés, comme cela pouvait être le cas dans le jeu précédent.

Mozart in the Oregon

Enfin, je ne pouvais pas conclure sans évoquer la direction artistique et la bande son du jeu. La première fait largement l'affaire et montre qu'un jeu vidéo n'a absolument pas besoin de graphismes photo-réalistes pour être de qualité. Life is Strange conserve son style graphique très particulier, qui fonctionne parfaitement et satisfera ceux qui l'avaient apprécié dans le premier opus. De même, si la bande son a un style assez différent, elle demeure tout aussi qualitative. Ce ne sont pas les titres en eux-mêmes qui sont réellement impressionnants, mais vraiment leur utilisation : la musique semble toujours parfaitement adaptée aux évènements se déroulant à l'écran. Elle accompagne l'intrigue et la renforce avec brio, mais ne l'éclipse jamais.

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Si vous avez joué à Life is Strange, vous ne serez clairement pas dépaysé avec cette suite. La qualité est tout autant au rendez-vous concernant ces deux aspects du jeu.

Peut mieux faire

Juger un jeu narratif sur son premier épisode revient à évaluer une dissertation sur son amorce : ce n'est pas entièrement dénué de pertinence, mais il faut à tout prix éviter d'avoir un jugement définitif. Pour l'heure, il est possible de dire que Life is Strange 2 a un certain nombre de qualités ; la relation entre les deux frères et la thématique de l'éducation, en particulier, sont de grandes réussites. Toutefois, les fondations de l'intrigue sont peu convaincantes, les mécaniques fonctionnent moins bien que dans le premier opus et l'écriture a quelques lacunes. Le début de ce deuxième opus est encourageant, mais le titre de meilleur jeu narratif de l'année n'a rien de garanti pour Dontnod.

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Aperçu réalisé par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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