Aperçu de Lost Records: Bloom & Rage - Plongée dans l'ennui

Présenté comme l'héritier spirituel de Life is Strange, Lost Records: Bloom & Rage prévoit une sortie en deux parties. La première est disponible depuis le 18 février. Qu'en penser ?

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Retour vers le passé

Lost Records mêle deux temporalités. L'histoire débute en 2023. Swann, le personnage incarné par le joueur, doit retrouver des amies d'enfance, qu'elle n'a pas vues depuis 27 ans. Elle se souvient progressivement des événements de l'été 1995, quand elle et ses amies avaient 16 ou 17 ans.

La narration alterne donc entre moments au présent et au passé, les deux s'affectant mutuellement. Cette distinction se remarque également par le choix de la caméra, en vue à la première personne en 2023 et en vue à la troisième personne en 1995.

Le passage à la troisième personne est l'occasion de constater que Swann est probablement un des personnages principaux les moins charismatiques jamais créés. Elle est en net surpoids et toujours mal habillée - comme dans les derniers Life is Strange, le joueur peut choisir entre des color swaps de tenues, toutes plus laides les unes que les autres -, mais le problème vient avant tout de son caractère. Avant de rencontrer Nora, Autumn et Kate, les autres protagonistes de l'histoire, Swann n'avait aucune amie. 27 ans plus tard, c'est visiblement toujours pareil : elle n'a apparemment aucun autre proche que sa mère et son chat. 

Cela s'explique aisément par son caractère. Outre ses passe-temps étranges (à un moment, le joueur a le choix entre collecter des os ou des champignons afin de les exposer ensuite chez lui), chacune de ses répliques transpire l'absence de confiance en elle. Ainsi, dans les options de dialogue, le joueur peut régulièrement dire quelque chose comme "désolée d'être bizarre" et les autres options sont rarement mieux. Quand ce n'est pas le joueur qui décide ce qu'elle dit, Swann se dévalorise constamment.

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C'est mon choix

Jeu narratif oblige, Lost Records propose de nombreux choix, principalement via les dialogues. Ils sont cependant le plus souvent cosmétiques : quel autocollants désirez-vous prendre ? De quelle couleur faut-il peindre le nom du groupe de musique des filles ? Préférez-vous un soda ou un cocktail ? Ces choix ont bien un impact - mineur - sur la suite, par exemple quand un autre personnage nous amène une boisson non alcoolisée parce qu'on a dit qu'on n'aimait pas ça plus tôt, mais c'est extrêmement marginal. L'essentiel du jeu est linéaire et les choix semblent ne pas avoir de réel impact.

Il y a cependant un aspect pour lequel les choix du joueur ont davantage de conséquences : les romances. En effet, Swann peut initier une romance avec n'importe laquelle de ses trois amies. Ses choix dans le présent comme dans le passé affectent la perception de ses camarades, selon un système de score - caché - assez classique.

Le tout paraît très artificiel. Nora, Autumn et Kate partagent deux points communs : elles sont toutes les deux plus cools et plus jolies que Swann. Pourtant, elles répètent à chaque instant à quel point notre personnage est extraordinaire, quand bien même elle fait tout pour prouver le contraire.

C'est paradoxal parce que le problème ne se pose vraiment que pour Swann. Ses trois amies sont correctes, tant sur le plan visuel que de l'écriture. Surtout, les personnages secondaires, comme Dylan, la sœur de Kate, ou son copain Corey, sont assez intéressants, à condition de creuser un peu pour trouver des informations supplémentaires les concernant.

Don't Nod a sciemment décidé de faire de Swann le personnage le plus insipide possible. Et ils y sont assurément parvenus. Mais quel intérêt ?

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Silence, on tourne

Swann est passionnée par le cinéma et elle se balade tout le temps avec sa caméra. Le joueur peut à tout moment s'en servir pour filmer les environs. Il peut ensuite regrouper les extraits dans des minifilms, nommés des "mémoires."

De prime abord, le système fonctionne bien. Chaque mémoire ayant un thème spécifique, il est agréable de chercher tous les extraits possibles pour la compléter. Cela rappelle les photos de Life is Strange ou les dessins de Life is Strange 2 : de petits collectibles, en quelque sorte, intégrés au sein de l'aventure. Il est même possible de refaire une scène en mode collectionneur pour simplement enrichir notre collection d'images.

Cependant, il y a deux différences de taille entre Lost Records et les deux Life is Strange. Premièrement, l'enregistrement demande beaucoup plus d'intervention de la part du joueur. Il peut déplacer la caméra, en zoomant ou en la décalant. Il doit, surtout, lancer la capture et l'arrêter, ce qui fait que cela prend davantage de temps.

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Deuxièmemement, il y a beaucoup, beaucoup plus à faire. Dans les Life is Strange, il y avait une dizaine de photos ou de dessins à faire par épisode, soit environ cinquante sur l'ensemble du jeu. Dans une des vingt-cinq scènes de Lost Records, il y a quarante-trois (!!) extraits qu'il est possible de filmer.

Je suis peut-être passé à côté de la proposition. Certains prendront peut-être plaisir à choisir leur angle de prise de vue et leur montage. Personnellement, je n'y voyais qu'une sorte d'objet à collectionner... et j'y prenais beaucoup de plaisir, au début. Cependant, je n'ai jamais fait de montage et je me contentais de laisser l'enregistrement durant la durée nécessaire pour que ce soit validé.

Cela m'a quand même paru long à chaque fois et, surtout, j'ai rapidement été pris par l'ampleur des possibilités.

En jeu, je suis un explorateur. J'aime interagir avec chaque objet, trouver chaque collectible. Cependant, dans le dernier tiers du jeu, j'en avais tellement marre que j'avançais juste au plus vite en direction de l'objectif indiqué, sans filmer quoi que ce soit si ce n'était pas indispensable à la progression. 

Mauvais tempo

Cette sensation d'ennui s'explique par plusieurs raisons. C'est lié au fait qu'on incarne un personnage qui ne m'a jamais intéressé, ainsi qu'à la mécanique des enregistrements vidéo. C'est aussi lié aux deux temporalités, qui ralentissent la progression du récit. De même, on revient souvent aux mêmes endroits et certaines interactions sont similaires. Ainsi, on est régulièrement dans la chambre de Swann et si de nouvelles interactions apparaissent, certaines actions antérieures sont encore possibles. Or, il n'est pas forcément évident, avant de les avoir testées, de savoir ce qui est nouveau et ce qui ne l'est pas. Cela n'a peut-être l'air de rien, mais cela signifie que si on veut tout faire, il arrive qu'on fasse deux ou trois fois la même chose, pendant qu'on cherche de nouvelles actions possibles, renforçant une impression de lenteur et de redondance.

Tous ces éléments contribuent au rythme extrêmement lent du jeu, mais le cœur du problème est ailleurs : ce premier épisode n'est qu'une gigantesque scène d'exposition.

Comme je le disais plus tôt, cette première partie du jeu, intitulée Bloom, est divisée en vingt-cinq scènes. Cependant, l'élément perturbateur ne se produit qu'à la vingt-et-unième scène. Tout ce qui précède, les heures de jeu d'avant, ne sont qu'une mise en situation peu intéressante. Et lorsqu'enfin le jeu semble prendre un tournant différent, plus intéressant, l'épisode s'arrête, nous demandant d'attendre le 15 avril pour la seconde partie.

Je n'arrive vraiment pas à comprendre ce choix. Ce premier épisode souffre à mon sens de problèmes de rythme, traînant en longueur et ne démarrant réellement que très tard. Pourquoi ne pas compenser en permettant de découvrir directement la suite, plutôt que de devoir attendre deux mois pour le faire ? Cela semble beaucoup trop long. 

Do you speak French ?

J'ai fait l'intégralité de cet épisode sur Steam Deck. Ce n'était pas volontaire : j'ai commencé dessus parce que je n'étais pas chez moi, puis au moment de continuer sur mon PC, j'ai constaté que je ne pouvais y faire que commencer une nouvelle partie. Les sauvegardes sur la nuage ne semblaient pas synchronisées, bien que l'interface Steam indique le contraire... et soudain, après avoir fini l'épisode, tout est revenu dans l'ordre. Je ne m'explique pas ce bug. De mêmes, mes captures d'écran prises sur Steam Deck ont presque toutes mystérieusement disparues, sauf les quatre dernières, à nouveau pour une raison que j'ignore.

Pour le reste, l'expérience a été vraiment fluide, sans réel bug ou ralentissement... jusqu'à la dernière scène. Dans cette dernière, les sous-titres français ont décidé de se mettre en anglais par moments, sans raison. Ce n'était pas très grave, mais c'est un incident à signaler. Le jeu propose également un doublage français, ce qui est appréciable, mais je n'ai pas pu l'expérimenter, car il n'était pas disponible quand j'ai commencé mon test.

Par ailleurs, outre le mode collectionneur que j'évoquais plus tôt, Don't nod permet enfin de passer les cinématiques (même la première fois), ce qui est très appréciable. Il n'y a pas beaucoup de choix majeurs, mais il serait assurément plus facile de recommencer le jeu pour les explorer ainsi.

Bon ben à dans deux mois...

Je suis passé par plusieurs états concernant ce jeu. De la curiosité tout d'abord : j'ai testé tous les jeux narratifs de Don't nod et j'étais curieux de découvrir celui-ci, présenté comme l'héritier de Life is Strange, que j'avais adoré (et continue à beaucoup aimer). Le premier contact avec le jeu a cependant été, comme l'indique le titre, une lente plongée dans l'ennui. J'étais curieux de découvrir de prime abord, mais le manque d'intérêt suscité par le personnage principal, les quelques interactions répétitives, l'excès de scènes à filmer et l'histoire n'avançant pas ont fait que j'avais de moins en moins envie de continuer à jouer. Je me suis forcé, en me poussant à avancer le plus vite possible, ai eu un peu plus d'envie de découvrir la suite sur la fin... jusqu'à atteindre la fin de l'épisode.

Je ne comprends pas pourquoi Don't nod, en proie à des difficultés financières le forçant à d'importants licenciements, a validé un tel projet. Je ne comprends pas non plus pourquoi ils ont décidé de le couper en deux et d'espacer chaque partie de deux mois, alors que l'attente entre les épisodes avait été le principal problème de Life is Strange 2 et que cette première partie semble terriblement vide.

Difficile de recommander le jeu en l'état, surtout qu'il est nécessaire d'acheter le jeu entier pour pouvoir jouer à Bloom. Si je peux émettre un conseil, attendez le 15 avril la sortie de Rage. Si cette partie est nettement supérieure, Lost Records méritera peut-être votre argent, mais dans tous les cas, l'expérience n'en sera que meilleure si vous pouvez jouer à l'ensemble du jeu directement.

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Test réalisé par Alandring grâce à une version fournie par l'éditeur.

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